Catherine Servant : Le nationalisme et l’internationalisme dans les régimes communistes

Catherine Servant est maitre de conférence à l’Institut des langues orientales (Inalco) de Paris. Spécialiste de la littérature tchèque et slovaque, elle a traduit plusieurs ouvrages et s’intéresse à l’histoire littéraire, culturelle et intellectuelle des pays tchèques au XIX et XXème siècle. De passage à Prague, elle nous présente son dernier ouvrage.

« C’est un ouvrage qui s’intitule « D’une édification l’autre, socialisme et nation dans les pays communistes et post-communistes ». Ca partait d’une tentative que nous avons fait avec ma collègue Marlène Laruelle, qui est spécialiste de l’Asie centrale. On voulait pas pousser le rapport de cohérence trop loin entre pays d’Europe centrale et pays d’Asie centrale ou pays de l’ex bloc soviétique. Ce que nous cherchions à faire en réalité, c’est comprendre comment s’articulait dans les régimes communistes le principe ou le présupposé nationaliste, ou nationaliste et patriotique, avec l’internationalisme officiel. Donc on est parti un petit peu de ces notions et de l’articulation de nation et socialisme dans ces pays là. Ce qui fait que celà donne un certain nombre de textes qui sont assez différents mais on retrouve un certain nombre de points communs évidemment entre par exemple la Tchécoslovaquie à partir de 1948 et la Roumanie de Caeucescu, l’Asie centrale même dans l’entre-deux-guerres. On a exploré un certain nombre de sujets liés à cette problématique.

Dans cette ouvrage vous avez un article sur « Le retour des éveilleurs, la renaissance nationale tchèque instrumentalisée autour de 1948 ». Est-ce que vous pouvez nous parler un peu plus de ce que vous entendez par là ?

Le projet venait d’un constat qui était l’extrême présence lexicale, référentielles etc...de la renaissance nationale dans les discours des idéologues communistes tchèques dès après la deuxième guerre mondiale dont Zdeněk Nejedlý mais aussi les historiens et historiographes plus, disons, patentés et sérieux. Donc en fait j’ai essayé de comprendre pourquoi la résurgence de ce type de références, qu’est-ce que ces références viennent étayer dans le discours officiel communiste, à fortiori après février « Vítězní únor » ou « février victorieux », et essayer de voir le profit qui est tiré de ce type de références et bien entendu, c’est le pendant de la question, l’instrumentalisation qui est faite de la renaissance nationale tout spécifiquement. C’était le projet de cet article.

Quel est donc ce profit qui en est tiré ?

En réalité, je crois que c’est vraiment un des moyens que les commuistes ont à cette époque là de montrer que le modèle culturel qui s’impose à partir de 1948 n’est pas spécifiquement un modèle d’importation venue de l’Union soviétique et de normes jdanovo-stalinienne mais que ce modèle culturel, répressif, difficil, exclusif etc...a des traditions bien locales et que l’on peut aller rechercher les origines de ce modèle culturel dans la tradition tchèque elle-même et spécifiquement dans la renaissance nationale, dans la première moitier du XIXème siècle. »