Caya Makhélé : « Le mythe explique encore aujourd’hui ce que nous sommes »
Samedi soir, le Théâtre Na Vinohradech, à Prague, présentait une lecture scénique de cinq dramaturges français, dont celle de la pièce Sortilèges, de Caya Makhélé. Auteur franco-congolais, il était à Prague pour présenter son texte qu’il a écrit dans la capitale tchèque à la faveur du programme Ecritures du Monde.
C’est une crise totale dans la cellule familiale…
« C’est une crise totale, mais qui est aussi l’écho de ce qui se passe à l’extérieur… »
Dans la société ?
« Voilà. La plupart de ces personnages sont des déracinés. En étant déracinés, ils rêvent de s’accrocher à la culture du lieu où ils se sont installés, mais ce n’est pas si évident que cela. Chacun essaye, par tous les moyens, à sa manière, de se créer une place au sein de cette famille. L’enjeu reste cette adolescente, qui s’appelle Ondine et qui a besoin de savoir d’où elle vient, de se comprendre, de se connaître. Elle met en péril l’équilibre de la famille, mais pour elle, c’est constamment un test, d’éprouver les sentiments de ses parents. »
C’est très important, car c’est une quête des origines et elle a besoin de se trouver. Vous dites qu’elle s’appelle Ondine, c’est une référence à Rusalka, l’Ondine d’Antonín Dvořák. Qu’est-ce qui vous a séduit et inspiré dans cet opéra ?
« A l’origine, tout mon travail théâtral se fait dans le cadre d’une relecture des mythes. J’aime montrer que le mythe explique encore aujourd’hui ce que nous sommes. Quel que soit son lieu d’origine, le mythe est une sorte de patrimoine mondial, appartient à tous les êtres humains qui peuvent s’y reconnaître. Et au cours de mes nombreux voyages à Prague et en République tchèque, j’ai découvert le personnage du ‘vodník’ ou de l’Ondin, qui m’a semblé particulièrement intéressant. Je me suis intéressé à lui et j’ai un peu essayé de savoir ce qui avait été fait autour de ce personnage. Cela m’a conduit au mythe d’origine qui est différent de Rusalka. J’ai aussi découvert cet opéra, je suis allé le voir, la musique m’a fasciné. Je m’étais juré de revenir travailler à Prague pour écrire une pièce centrée sur ce mythe et ça a donné Ondine. Dvořák, lui, crée un personnage qui part de son lieu d’origine, c’est Ondine qui est déjà une jeune femme. Elle tombe amoureuse d’un humain. Mon Ondine à moi n’est pas encore une femme, c’est une adolescente qui a besoin de s’affirmer et de trouver son espace. Mais dans les deux cas, ce sont deux exils : l’Ondine de Dvořák vient dans le monde humain, elle est amoureuse du prince, croit que c’est réciproque. Mais il la trompe et elle en meurt de tristesse. Mon Ondine ne meurt pas, elle résiste ! »