Presse : rattraper les salaires allemands, une mission impossible en Tchéquie ?
Les salaires en Tchéquie peuvent-ils réellement se rapprocher de ceux en Allemagne ? L’inflation a-t-elle appauvri les Tchèques ? Cette revue de presse tente d’apporter quelques éléments de réponse tout en explorant d’autres sujets, tels que l’absence de courants progressistes dans le pays, le rôle de la présidence actuelle, et les 1 000 jours de la guerre en Ukraine.
Lors d’un débat télévisé diffusé dimanche dernier, le Premier ministre Petr Fiala a promis aux électeurs que les salaires tchèques atteindraient ceux de l’Allemagne dans un délai de quatre ans, à condition qu’il soit réélu. Le quotidien Deník N qualifie cette déclaration de « totalement absurde ». Les économistes consultés estiment en effet qu’aucun gouvernement ne pourrait combler un tel fossé en quelques années :
« Face aux nombreuses critiques qui ont immédiatement surgi, le Premier ministre a jeté de l'huile sur le feu en qualifiant sa promesse, sur le réseau X, de vision positive et audacieuse. Pourtant, les actes comptent plus que les paroles. Le seul résultat concret du gouvernement actuel est d’avoir permis à la Pologne de dépasser la Tchéquie en termes de salaires. »
Le journal rappelle que, comme la Tchéquie, la Pologne fait face aux conséquences de la guerre en Ukraine et à la crise énergétique. Pourtant, elle consacre 4 % de son PIB à la défense, soit le double de la Tchéquie, tout en maintenant une dynamique économique plus favorable.
Selon Deník N, les raisons de cette promesse irréaliste sont claires :
« Petr Fiala sait qu’il est peu probable qu’il reste au pouvoir après les prochaines élections. Il peut donc se permettre de promettre l’impossible sans jamais avoir à tenir ses engagements. »
Dans un commentaire similaire, le site Seznam Zprávy observe que même si les salaires augmentaient comme promis, cela ne compenserait pas les prix élevés des denrées alimentaires et de l’immobilier :
« Dans les conditions économiques actuelles, une hausse des salaires n’apporterait aucun bénéfice concret aux citoyens. »
Un rétablissement économique lent et fragile
Le site conservateur echo24.cz se penche sur l’appauvrissement marqué des Tchèques sous le gouvernement actuel :
« Au cours des trois dernières années, les Tchèques ont vu leur niveau de vie chuter drastiquement, avec une inflation cumulée de plus de 30 % et une baisse significative de leur pouvoir d’achat. La valeur réelle de leurs économies a diminué d’un tiers. »
Malgré tout, une lueur d’espoir apparaît : au premier trimestre de cette année, les salaires réels ont augmenté pour la première fois depuis deux ans, de 4,8 %, atteignant environ 44 000 couronnes brut (1 760 euros). Toutefois, la reprise de la consommation reste lente et la confiance économique demeure faible.
Un paysage politique et médiatique peu progressiste
Abordant la réélection potentielle de Donald Trump, l’hebdomadaire Respekt compare la situation tchèque aux États-Unis sur les droits des minorités, notamment LGBT+. Il constate que la Tchéquie reste bien différente :
« Aucun parti tchèque ne peut être qualifié de progressiste à l’américaine. Même les Pirates, le parti le plus libéral, évitent les guerres culturelles. Si les sondages se confirment, le prochain parlement sera encore plus conservateur. »
Ce conservatisme s’étend aussi aux médias. Respekt note que les principaux sites d’information, comme Aktualne.cz ou Seznam Zprávy, sont désormais dirigés par des rédacteurs en chef aux orientations idéologiques marquées.
Cependant, pour le grand public, les débats sur le genre ou l’identité restent largement absents, perçus comme des sujets étrangers. Respekt conclut que « ces préoccupations appartiennent surtout au contexte américain ».
Une présidence calme et discrète
Le président Petr Pavel a récemment accordé une interview au tabloïd Blesk, mais celle-ci n’a guère fait de vagues. Selon Hospodářské noviny, cela contraste fortement avec son prédécesseur, Miloš Zeman :
« Tandis que Zeman captivait par ses provocations, ses insultes et ses polémiques, Petr Pavel adopte un ton calme et rationnel. »
Bien que certains considèrent cette approche comme ennuyeuse, l’éditorialiste souligne que, dans un contexte de polarisation sociale, une présidence apaisée est un atout. Toutefois, Petr Pavel pourrait devoir adopter une posture plus affirmée si le mouvement ANO, dirigé par Andrej Babiš, prenait une direction eurosceptique ou anti-démocratique s'il revient au pouvoir :
« Un non ferme venant d’un président mesuré aurait davantage de poids que celui d’un leader bruyant. »
1 000 jours de guerre en Ukraine
Enfin, plusieurs journaux tchèques ont marqué les 1 000 jours écoulés depuis l’invasion russe en Ukraine. Forum24.cz met en lumière la résistance ukrainienne et le soutien international :
« Malgré les difficultés et les retards dans l’aide, ces 1 000 jours ont prouvé qu’il était possible de résister à l’impérialisme russe. L’Ukraine, soutenue par l’Occident, a mis Poutine et son régime au ban de la scène internationale. »
Le journal souligne également les coûts humains et matériels tragiques de ce conflit : des centaines de milliers de morts, dont de nombreux civils, victimes des atrocités délibérées de l’armée russe.