…Ce que nous avons lu dans la presse
Certains aspects inattendus de la campagne électorale qui précède les prochaines élections communales. Un nouveau regard critique du président Václav Klaus sur l’Union européenne et rappel d’un destin hors du commun. Tels sont les thèmes que nous avons choisis dans la presse.
« Comment est-ce possible que les grands partis qui sont solidement et idéologiquement établis sur l’échiquier politique du pays, veuillent se définir face aux groupes « asociaux » ? Pourquoi utilisent-ils des termes durs en promettant de débarrasser les villes des SDF, des drogués et des bars avec machines à sous ? ». Autant de questions que soulève un commentaire paru dans l’édition de mardi du quotidien Lidové noviny.
L’auteur de l’article écrit que c’est un phénomène qui existe, aussi, ailleurs, à Anvers, à Milan ou à Vienne, tout en soulignant que dans ces pays, cette carte est cependant jouée par les partis régionaux et donc peu influents comme L’Intérêt flamand en Belgique, La Ligue du nord en Italie ou le FPÖ en Autriche.
A Prague et dans certaines autres villes tchèques, ce sont en revanche les grands partis traditionnels, le Parti civique démocrate (ODS), à droite, et le Parti social-démocrate (CSSD), à gauche, qui utilisent dans leur campagne électorale des accents radicaux. Et de rappeler certains slogans auxquels ces deux partis, et pas seulement ceux-ci d’ailleurs, avaient jusqu’ici recours et qui appellent à moins de tolérance voire à la tolérance zéro envers « ceux qui ne veulent pas travailler » ou envers « ceux qui se shootent », ce qui en même temps, ne les empêchent pas de manifester de l’intérêt au « problème des SDF ». .A-t-on affaire à une simple tendance ou bien à un nouveau discours politique ? Un nouveau climat dans la société s’impose-t-il au fur et à mesure ? Voilà les questions qui préoccupent l’auteur de l’article.
Cet aspect de la campagne électorale est évoqué, aussi, dans l’édition de ce mercredi du quotidien économique Hospodářské noviny. « A en juger d’après le ton insistant de certaines affiches électorales, on pourrait croire que le plus grand problème des communautés et des municipalités tchèques réside dans la coexistence avec les personnes que l’on a pris l’habitude de caractériser comme peu adaptables »,écrit Petr Fischer qui s’arrête sur le côté « fascisant » de certains slogans.
« Un Etat unique, des règles uniques », ou encore « Dehors les drogués, les SDF ou les bars avec machines à sous », voilà les phrase qui ont été utilisées par des franges du parti social-démocrate dans le nord de la Bohême et dans un district de Prague, ne serait-ce que temporairement et jusqu’au moment où la direction du parti a ordonné de retirer les panneaux en question. « On va enlever les allocations à ceux qui refusent de travailler ». Tel est d’un autre côté un des remèdes proposés par le Parti civique démocrate (ODS), à droite, dont les représentants municipaux de Prague ont en outre semé la controverse en proposant l’édification des camps de détention pour les SDF non adaptables, à la périphérie de la capitale.Selon l’auteur de l’article intitulé « Celui que ne s’adaptera pas, ne mangera pas », ce sont évidemment surtout les familles rom qui sont sous-entendues, bien que ceci ne soit pas explicitement dit. Il écrit :
« La société capitaliste comme d’ailleurs toute société donne naissance à des groupes qui se retrouvent en marge de la société. Il faut soigneusement différencier les raisons qui sont à l’origine de leur chute dans le gouffre matériel et existentiel. Le plus souvent, c’est parce qu’ils ne sont pas capables de faire front à la complexité et au rythme de la vie dans la société postindustrielle fugitive, basée sur la performance », et de conclure :
« L’idée que les SDF, les Roms, les chômeurs et d’autres allocateurs soient eux-mêmes responsables de leur misère, car ils sont bêtes et paresseux, est stéréotypée et dangereuse, d’autant plus, lorsqu’elle devient la base de la politique officielle ».
Le président de la République Václav Klaus effectue une visite aux Etats-Unis qui culminera au siège de l’ONU à New-York. Il a été aussi invité à l’Université John Hopkins à Baltimore où il a prononcé un discours. Le journal Hospodářské noviny publie son texte intégral, dont nous avons choisi quelques extraits.Fidèle à lui-même, Václav Klaus porte notamment un regard très critique sur l’Union européenne. Il écrit :
« En 2004, nous sommes devenus membres de l’Union européenne, car nous voulions participer au processus d’intégration européenne et comme nous n’avions pas, en fait, pas d’autre choix… Mais pour nous les autres qui avons passé une grande partie de nos vies dans un régime communiste autoritaire, le processus d’affaiblissement de la démocratie et du marché au sein de l’Union européenne constitue un phénomène très peu souhaitable ».
Aux yeux de Václav Klaus, la régulation et l’harmonisation des règles sous la baguette européenne « affaiblissent et limitent la liberté, la démocratie, sans parler de l’efficience économique et de la capacité de concurrence ».
Le président tchèque s’en prend aussi à l’euro, nous citons : « Les politiciens et les économistes comme moi ont compris il y a longtemps que le concept d’une monnaie européenne unique était un projet dangereux, susceptible de provoquer des problèmes économiques ou de mener à la centralisation non démocratique de l’Europe. La dernière décennie a montré que le projet de l’eurozone n’a pas porté les fruits positifs que l’on attendait ». Et de constater que « l’eurozone n’est pas une ‘zone monétaire optimale’ comme la définit la théorie économique.
Dans son discours, Václav Klaus n’a pas omis non plus l’actuelle crise économique. Pour lui, « celle-ci n’est pas la conséquence d’une déficience du marché ou d’un défaut inhérent au capitalisme. Elle est avant tout la preuve d’un échec de l’Etat, le produit des interventions étatiques dans un système aussi complexe que représentent la société et l’économie ».Václav Klaus conclut sa réflexion par les mots suivants :
« En République tchèque, notre transformation depuis le communisme vers une société libre, vers la démocratie parlementaire et l’économie du marché, s’appuyait sur la libéralisation radicale, la dérégulation, la privatisation et le slogan de Milton Friedman, ‘nous somme pro-market’ et non pas ‘pro-business’. Aujourd’hui, nous sommes déçus de voir que ce duel n’est pas encore terminé et qu’il doit être incessamment renouvelé. En Amérique, en Europe et en République tchèque ».
« L’histoire a des protagonistes clés qui demeurent pourtant à l’ombre des grands personnages », peut-on lire dans une des récentes éditions de l’hebdomadaire littéraire Literarni noviny qui dresse dans ses pages un bref portrait d’une femme hors du commun qui est récemment décédée : l’Anglaise Marian Šlingová-Fagan, dont la vie a été étroitement liée à l’ancienne Tchécoslovaquie. Une vie et un destin qui méritent d’être rappelés.
Née en 1913 en Nouvelle-Zélande dans une famille britannique aisée, elle fait des études en botanique à Oxford, adhère au parti communiste, s’engage dans le mouvement pacifiste. En 1941, elle épouse un réfugié juif venu de Tchécoslovaquie, Oto Šling, communiste et vétéran de la guerre d’Espagne :
Après la guerre, toute la famille avec ses deux petits enfants revient en Tchécoslovaquie. Haut fonctionnaire du parti communiste à Brno, Oto Šling est arrêté en 1950, pour être condamné lors du procès avec Rudolf Slánský et exécuté en décembre 1952. Marian Šlingová passe deux ans en prison, leurs enfants sont envoyés dans un foyer d’enfants.
Libérée en 1953, elle doit se réfugier à la campagne où elle travaille comme ouvrière non qualifiée. Elle habite un appartement misérable, sans salle de bain ni WC. Avec le dégel qui survient tant bien que mal en 1956, elle retourne à Prague et travaille dans une maison d’édition. Ses fils ne peuvent d’abord fréquenter qu’un centre d’apprentissage. Ce n’est que plus tard qu’ils pourront faire des études.
Oto Šling est réhabilité in memoriam en 1963. Dès lors, sa femme Marian traduit en anglais des œuvres de Ludvík Vaculík, de Bohumil Hrabal, d’Oto Šik et décrit un livre son expérience pénitentiaire.
Après 1968, elle revient en Grande-Bretagne où elle continue à traduire en anglais notamment des textes de dissidents tchèques, tandis que ses fils décident de rester à Prague. L’aîné Jan est mis en prison pour ses activités de dissident, dans la même prison qui abritait auparavant ses parents, avant d’être expatrié. Le cadet Karel qui signe la Charte 77 se voit licencié de son poste d’économiste et prend à son tour le chemin de l’émigration.
Marian Šlingová est morte cet été, à Londres, à l’âge de 97 ans.