Championnat de Tchéquie d’auto-stop : une course pour le plaisir et la bonne cause

Championnat de Tchéquie de stop

Samedi 9 juillet, c’est le top départ du championnat de Tchéquie d’auto-stop. Cette année, les douze paires de stoppeurs devront se rendre à Istanbul et en revenir le plus vite possible. Sans pour autant oublier d’accomplir en chemin différentes missions, et tout en contribuant à une collecte de fonds pour aider une personne à mobilité réduite.

Organisé annuellement depuis 2014, cette année encore, le championnat de Tchéquie d’auto-stop va faire voir du pays à ses participants : après un départ samedi 9 juillet de l’île Střelecký à Prague, les chemins des douze équipes se sépareront, chacune tentant d’agir stratégiquement – et en comptant aussi un peu sur la chance – pour être prise en stop de façon à rejoindre au plus vite la Turquie. Mais attention, la ligne d’arrivée, ce n’est pas Istanbul : l’objectif final de la course est de boucler la boucle de 5000 km environ en revenant au plus vite à Prague, non sans avoir au passage rempli tout un tas de tâches souvent amusantes, comme l’explique le co-organisateur de l’événement Emil Patta :

Emil Patta et Klára Kučerová,  vainqueurs du championnat en 2018 | Photo: Archives d'Emil Patta

« Ces missions sont en général pensées pour rendre le trajet plus intéressant tout en obligeant les participants à interagir avec les habitants des endroits qu’ils traversent. Par ailleurs, l’idée, c’est qu’il s’agisse de tâches amusantes aussi bien pour les concurrents que pour les gens qui suivent la course à distance. Parmi les missions dont je me souviens, par exemple, il fallait que les équipes fassent frire du fromage pané chez quelqu’un ! Cela peut parfois sembler compliqué, mais dans les faits, lorsqu’un inconnu vous accepte dans son véhicule, si vous lui parlez de ces tâches, il est souvent prêt à vous aider à les réaliser. Dans les Balkans, nous avions par exemple eu une mission écologique : il fallait que les participants ramassent un sac de déchets au bord de la route. Une autre année, il fallait que les participants traient un animal, ou encore se fassent prendre en stop par une charrette tirée par des chevaux. Je me souviens également de l’année où la course a eu lieu en Scandinavie : nous avons alors fait passer les participants par la ville de Sonkarjärvi, en Finlande, où a lieu chaque année le ‘championnat international de porter de femme’. Nous avons repris ce concept, et les participants devaient trouver deux personnes acceptant de réaliser une mini-course de ce genre. »

Championnat de Tchéquie de stop | Photo: Archives d'Emil Patta

Un voyage durant lequel on ne se tourne pas les pouces

Vainqueur de l’édition 2019 du championnat, Eva Radilová dit avoir particulièrement apprécié la dimension humaine de ces tâches à réaliser tout au long du trajet aller-retour en Scandinavie :

Eva Radilová et Tomáš Čech sur le ferry vers le Danemark | Photo: Archives d’Eva Radilová

« Beaucoup de ces missions impliquaient de communiquer avec les gens, ce que j’ai trouvé super. L’une des missions que nous avons eu à remplir, par exemple, c’était de faire le ménage chez quelqu’un. C’était une façon d’établir des liens avec les gens. Avec Tomáš Čech, avec qui j’étais en équipe, nous avons rencontré des gens vraiment sympas et gentils. Nous sommes d’ailleurs toujours en contact avec certains d’entre eux, nous nous écrivons pour nous souhaiter un joyeux anniversaire, par exemple. Cela a été une expérience très forte pour moi. »

Lorsqu’Eva Radilová mentionne son partenaire pour le championnat d’auto-stop, il faut préciser que la composition des paires en équipe n’est pas entièrement libre : il peut s’agir d’un homme et d’une femme, ou encore de deux hommes. Mais pourquoi les équipes féminines ne sont-elles pas autorisées ? Emil Patta :

Championnat de Tchéquie de stop | Photo: Archives d'Emil Patta

« Cette règle fait régulièrement l’objet de discussions. On nous reproche de discriminer les équipes féminines, mais en fait, ce sont plutôt les conducteurs qui font de la discrimination positive : il est beaucoup plus facile pour deux femmes de se faire prendre en stop ; elles avancent donc largement plus vite. Pour les autres participants, c’est donc un peu démotivant… La première année où nous avons organisé la course, avec Gibraltar comme objectif, les équipes de femmes étaient autorisées, et au final, les deux premières équipes gagnantes étaient des équipes féminines. Nous avons donc ensuite décidé de modifier une première fois les règles pour que les équipes soient forcément mixtes, puis nous avons par la suite autorisé aussi les équipes masculines. Les équipes composées d’hommes uniquement partent avec un certain handicap, mais cela ne veut pas dire pour autant qu’elles ne peuvent pas gagner. »

Règles du jeu : auto-stop non-stop interdit

Le championnat de Tchéquie d’auto-stop est ouvert aux Tchèques et aux personnes de nationalité étrangère. Les participants doivent être majeurs et payer des frais d’inscription de 900 couronnes. Quelques semaines avant le championnat, les inscrits participent à une course de qualification qui permet de sélectionner les douze équipes pour le championnat.

Outre ces formalités relatives à l’inscription, les règles du jeu pendant la course sont clairement définies : les participants peuvent se déplacer uniquement en stop, en se plaçant pouce levé au bord de la route ou bien en demandant directement à des automobilistes, mais il doit dans tous les cas s’agir de quelque chose de spontané, et non organisé d’avance. Il est également interdit de payer pour le transport, à l’exception toutefois des transports en commun, auxquels les participants peuvent avoir recours uniquement à l’intérieur des villes – si jamais ils se retrouvent dans un centre-ville. Les stoppeurs doivent également passer par différents points de passage obligatoires et remplir les missions définies par les organisateurs. Il est également obligatoire de respecter les temps de repos : entre 21 h à 9 h, chaque équipe doit faire une pause de cinq heures. Par ailleurs, une fois arrivés à destination – à Istanbul, cette année, donc – les participants doivent obligatoirement y faire une halte de 24 heures.

Championnat de Tchéquie de stop | Photo: Archives d'Emil Patta

Bonne foi et géolocalisation

Mais comment les organisateurs peuvent-ils s’assurer du bon respect de ces règles ? Emil Patta :

L'ensemble des participants à Prague,  avant le départ | Photo: Archives d'Eva Radilová

« Nous partons du principe que tous les participants se comportent avec fair-play, car la course est avant tout un moment de divertissement à des fins caritatives ; c’est également une occasion de rencontrer des nouvelles personnes et de découvrir de nouveaux pays. Nous partons donc du principe que les participants ne sont pas là pour tricher. Mais il existe des modes de contrôle, notamment le fait que tous les participants ont un GPS relié à notre site Internet, où il est donc possible de suivre les déplacements de chacune des équipes. C’est vrai que si des participants décidaient de payer pour se faire transporter, nous n’aurions aucun moyen de le savoir… Pour ce qui est des missions à accomplir, les participants envoient des photos lorsqu’ils les ont réalisées. Ils envoient également des photos lorsqu’ils prennent leurs pauses obligatoires. Mais le fair-play est essentiel. Et le GPS aussi ! »

Lever le pouce pour donner un coup de pouce

Championnat de Tchéquie de stop | Photo: Archives d'Emil Patta

La dimension caritative de l’événement évoquée par Emil Patta consiste à collecter des fonds pour aider une personne « qui n’a pas la chance de pouvoir voyager librement », comme le dit le co-organisateur. Cette année, le championnat de Tchéquie d’auto-stop a choisi de soutenir Karel, qui a besoin d’un fauteuil roulant adapté. Concrètement, il s’agit de dons par SMS que versent les personnes suivant la course à distance ; en moyenne, c’est environ 50 000 couronnes qui sont collectées à chaque édition du championnat. Si le bénéficiaire des dons est choisi par les organisateurs, les donateurs choisissent quant à eux l’équipe qu’ils souhaitent soutenir par l’envoi de leur SMS. Au moment de déterminer l’équipe championne de Tchéquie en auto-stop, la somme ainsi rassemblée par chaque équipe compte d’ailleurs à importance égale avec l’ordre d’arrivée. Les équipes se voient récompensées par des cadeaux offerts par les sponsors de l’événement ; l’an dernier, les prix destinés aux grands gagnants de la course étaient des sacs à dos de randonnée.

Invitation à la noce et autres expériences inattendues

Si pour la gagnante de l’édition 2019 du championnat, Eva Radilová, il s’agissait d’une première expérience de l’auto-stop, le co-organisateur Emil Patta est plus expérimenté. Néanmoins, il n’a pas recours au stop comme moyen de transport du quotidien ni comme moyen de faire des économies ; il l’associe plutôt au voyage et au divertissement. Il a d’ailleurs participé au championnat de Tchéquie d’auto-stop à plusieurs reprises avant de se consacrer principalement à son organisation. Ce qui lui plaît avant tout, c’est que voyager en stop permet de faire des rencontres :

Eva Radilová et Tomáš Čech  (à droite) avec le couple chez lequel ils ont fait le ménage | Photo: Archives d'Eva Radilová

« Voyager en stop est le meilleur moyen d’interaction avec les gens. Car voyager en bus ou dans votre véhicule personnel fait forcément de vous un touriste en voyage, alors qu’en stop, vous vous retrouvez dans des situations dans lesquelles vous ne vous seriez normalement jamais retrouvé. Vous avez la possibilité de discuter avec les gens, de connaître leurs tracas ; vous pouvez aussi être amené à parler de votre pays si cela les intéresse. Il arrive très fréquemment que les gens qui vous prennent en stop vous invitent chez eux, pour y passer la nuit, par exemple, ou bien cela peut arriver qu’ils vous invitent à un événement, même un mariage, par exemple ! Et il s’agit d’un échange mutuel, car l’auto-stoppeur offre aussi à celui qui le prend en stop une expérience nouvelle, qui sort de sa routine. Le stop en voyage, c’est formidable. »

Pour sa part, Eva Radilová évoque bien avoir appris après coup que l’un des conducteurs qui les avaient pris en stop n’était pas tout à fait recommandable, mais elle n’en conseille pas moins l’expérience, « l’une des plus formidables » qu’elle ait connues.

Emil Patta estime que la pratique du stop en République tchèque a clairement diminué depuis que lui-même a commencé à en faire :

« J’ai commencé à faire du stop quand j’avais autour de 15 ans, c’est-à-dire il y a 20 ans. A l’époque, il était assez courant de voir, le premier jour des grandes vacances, six ou sept groupes de lycéens faire du stop à certains croisements de route stratégiques. Maintenant, je ne saurais même pas dire à quand remonte la dernière fois où j’ai vu un auto-stoppeur ! Bien sûr, le stop se pratique encore, mais je crois que les billets d’avion low cost ont radicalement changé la donne. »

Championnat de Tchéquie de stop | Photo: Archives d'Emil Patta

Pays propice ou non au stop : des réputations subjectives

« Pourtant, je pense que faire du stop est relativement aisé en République tchèque, ou disons plutôt que c’est dans la moyenne. Ma dernière expérience du stop en République tchèque remonte à la course de stop hivernale que nous organisons, et je dois dire que j’ai été très agréablement surpris. Tous les gens que nous avons rencontrés étaient extrêmement gentils et secourables ; de plus, à une exception près, nous n’avons jamais eu à attendre plus de cinq minutes.

Car Emil Patta a l’expérience du stop sur différents continents. Néanmoins, lorsqu’on lui demande quel est le pays où il est le plus facile de faire du stop, il relativise :

« J’ai fait du stop dans de nombreux pays, mais il n’est pas facile de nommer le meilleur pays pour y faire du stop. Ce qui est sûr, c’est qu’il y a des pays où il est beaucoup plus courant pour un automobiliste de faire monter un inconnu dans sa voiture. En Europe, en République tchèque notamment, les gens n’ont généralement pas trop l’habitude qu’un inconnu pénètre dans leur vie privée… J’ai toujours trouvé qu’il était facile de faire du stop en Turquie ; néanmoins, la différence avec le stop en République tchèque n’est pas si importante que cela. Je dirais que le stop marche bien en Pologne, mais l’une des éditions du championnat a eu lieu en Europe occidentale et cela n’a pas posé de problème non plus. Certains disent qu’il est difficile de faire du stop en Suisse ; pour ma part, je n’ai pour ainsi dire jamais eu à y attendre bien longtemps. On entend également souvent dire que l’Espagne et l’Italie sont les deux pays les pires pour y faire du stop... En Amérique du Sud, j’ai toujours fait du stop sans problèmes, sauf en Argentine, allez savoir pourquoi… »

Eva Radilová et Tomáš Čech remplissent l'une des missions | Photo: Archives d'Eva Radilová

A longue étape, long trajet

« Pour conclure, je ne saurais pas dire quel est le meilleur pays pour faire du stop ; cela dépend de l’expérience qu’on y a eu, du nombre de fois qu’on a voyagé dans un pays, du hasard aussi… Mais d’une façon générale, je dirais qu’il est facile de faire du stop dans les pays dont les habitants ont l’habitude d’interagir avec des inconnus, de les laisser pénétrer dans leur intimité. »

Le trajet fait par Eva Radilová et Tomáš Čech pour le championnat 2019 | Photo: Archives d'Eva Radilová

Lors du championnat de 2019, c’est au Danemark qu’Eva Radilová a, pour sa part, rencontré des difficultés à trouver un conducteur bienveillant :

« Je me souviens qu’au Danemark, nous avons attendu une demi-journée au même endroit. Nous étions mal placés ; ça a duré tellement longtemps que Tomáš a commencé à être assez pessimiste… Puis nous avons trouvé plusieurs voitures qui nous ont fait avancer un petit peu à chaque fois… Mais pour finir, nous avons été pris en stop par une voiture dans laquelle nous avons fait neuf heures de trajet ! »

Course hivernale

Championnat de Tchéquie de stop | Photo: Archives d'Emil Patta

Comme l’a mentionné Emil Patta, une course d’auto-stop hivernale d’un week-end a été organisée ces deux dernières années en République tchèque. Lors de la première édition, les participants ont eu à faire le tour du pays en en longeant les frontières, dans un sens ou dans l’autre. En 2021, il s’agissait de se rendre successivement aux points les plus au sud, au nord, à l’est et à l’ouest du territoire tchèque. Moins longue que le championnat estival, et organisé sur le territoire national, cette course hivernale peut servir de désinhibiteur pour les auto-stoppeurs débutants. Voire d’entraînement pour le championnat de Tchéquie d’auto-stop 2023 !