Chine : le Président Zeman déçu et décevant
En ce début de l’année, le président tchèque a signalé un revirement majeur dans sa politique étrangère, alors qu’il était jusqu’ici un ardent défenseur des relations tchéco-chinoises. Miloš Zeman a indiqué dans un récent entretien au tabloïd Blesk qu'il n'assistera pas à un sommet annuel organisé par la Chine en avril, se disant déçu par le niveau des investissements chinois en République tchèque.
« J'étais ici en 2016 lorsque le président Xi Jinping est venu de Chine et a rencontré Miloš Zeman, quand ils ont signé un grand nombre d'accords. Et je pense que la déclaration de M. Zeman montre clairement qu'il est déçu par les promesses non tenues. Il veut envoyer un signal clair à Pékin quant à la réalisation des promesses et des investissements. »
Dans quelle mesure les investissements ont-ils été inférieurs à ce qui aurait pu être promis dans le passé par les Chinois?
« Je pense que le problème, c'est qu'il y a eu ce scandale avec la société chinoise CEFC qui gérait les investissements ici. Il y a eu un scandale de corruption à la tête de celle-ci et son président, Ye Jianming (que le président Zeman avait recruté comme ‘conseiller économique’, ndlr), est détenu en Chine depuis début 2018. »
« Il y a eu des investissements concrétisés en Tchéquie. Les Chinois ont acheté le club de football du Slavia Prague et ont investi dans certaines sociétés de médias. Ils ont investi dans la brasserie Lobkowicz et des choses comme ça - une agence de voyages, une compagnie aérienne. Ils ont fait certains des investissements promis. Mais le problème était que la société privée CEFC a été mise hors-jeu et qu’une société d'État chinoise, CITIC, a repris les investissements. »« A partir de ce moment-là, aucun autre investissement n'a vraiment été prévu. Ils ont juste fait une sorte de gestion de crise des investissements existants, qui étaient tous des acquisitions d'actifs existants. Il n'y avait rien de nouveau. Il n'y avait pas d'installation d'usines ou quelque chose comme ça - c'était juste des actifs existants dans lesquels ils avaient acquis des participations. »
« En ce qui concerne le montant, le chiffre que j'ai vu est que l'investissement total chinois en République tchèque est d'environ 1 milliard d'euros sur les 20 dernières années. Cela peut sembler beaucoup, mais ce n'est pas vraiment significatif. Quand vous comparez à ce qui a été investi en Europe occidentale, dans des pays comme l'Allemagne ou la Grande-Bretagne, c'est vraiment assez insignifiant. »
M. Zeman a déclaré qu'à sa place, le vice-Premier ministre, Jan Hamáček, irait au sommet «17 + 1» [réunissant la Chine et les pays d'Europe centrale et orientale]. Que penser de cette stratégie ? Il y a eu des appels, notamment du Parti vert, pour que la République tchèque se retire complètement du système «17 + 1».
« Il y a un débat houleux à ce sujet en République tchèque. Certains disent que les Tchèques devraient simplement se retirer et ne pas coopérer avec la Chine - la Chine ne respectent pas les droits humains et les Tchèques devraient envoyer un signal clair à la Chine que le pays n'est pas disposé à coopérer. »« Il y en a d'autres, comme moi pour être honnête, qui disent qu'un engagement constructif est toujours préférable à une simple coupure de la Chine. La Chine est une puissance économique si énorme dans le monde que simplement supprimer l'option de coopération avec la Chine serait, à mon avis, stupide. Je pense donc qu'il est nécessaire d'envoyer un représentant. Les 16 autres pays d'Europe centrale et orientale enverront des représentants. Donc, si les Tchèques n'en envoyaient personne, cela couperait tout simplement la République tchèque de cette coopération. »
Qu'est-ce que cela signifie pour la Chine que Miloš Zeman, qui a été l'un de ses alliés européens, semble changer d’attitude ?
« Je pense que les Chinois seront très déçus. J'ai parlé à des Chinois au cours de la dernière semaine et ils en sont très déçus. Il y avait un grand espoir que la République tchèque, qui était auparavant assez hostile à la coopération avec la Chine, allait changer et œuvrer pour les relations tchéco-chinoises, que ce serait une nouvelle relation. »
« Mais ils étaient conscients que tout semblait reposer sur le président Zeman, qu'il y avait de grandes parties de la société tchèque qui n'étaient pas favorables à la Chine. Alors ils reposaient leurs espoirs sur lui et s'inquiétaient de ce qui allait se passer ensuite. Maintenant, je pense qu'ils se rendent compte que la situation s'est détériorée. Je dirais donc qu'il y a une grande déception du côté chinois. »