Chronique de l'actualité économique tchèque
En 2011, la pauvreté touchait 15,3% des Tchèques, le pourcentage le plus faible en Europe. Le salaire réel est en baisse et les primes de Noël n’y peuvent rien. Les banques tchèques seraient prêtes à affronter des temps économiques difficiles. Le vin pour l’instant épargné par l’augmentation de la taxe d’accise.
En 2011, la pauvreté touchait 15,3% des Tchèques, le pourcentage le plus faible en Europe
Selon un rapport de l’agence européenne de statistiques Eurostat publié fin novembre, la République tchèque a été le pays européen le moins touché par la pauvreté en 2011. 15,3% de la population tchèque serait concernée tandis que la moyenne des pays de l’Union européenne s’élèverait à 24,2%, des chiffres qui sont toutefois en hausse depuis 2008. La Bulgarie, la Roumanie et la Lettonie sont les plus touchées par la pauvreté avec des taux s’élevant à plus de 40%.En République tchèque, cela correspond à 1,6 millions de personnes répondant à l’un des trois critères de risque de pauvreté ou d’exclusion sociale. Ainsi, 9,8% de la population présente des risques de pauvreté après transfert des prestations sociales, 5,7% est en situation de privation matérielle sévère et 6,6% des Tchèques âgés de 0 à 59 ans vivent dans des ménages à très faible intensité de travail. Pour ces trois critères, la République tchèque est bien en deçà de la moyenne européenne, ce que la vice-rectrice à la science et à la recherche de l’Ecole supérieure d’économie (VŠE) Stanislava Hronová explique de la façon suivante :
« C’est dû principalement au faible taux de chômage en République tchèque. Il reste l’un des plus faibles en Europe, probablement le cinquième le plus faible. Et dans le même temps, cela peut s’expliquer par des inégalités de salaires qui sont en moyenne chez nous limitées. »
Les personnes à risque de pauvreté vivent dans des ménages dont les revenus sont inférieurs à 60 % du revenu médian national. Le revenu médian est le revenu qui divise une population en deux ensembles égaux ; la moitié de la population a donc un revenu supérieur au montant médian et l’autre moitié un revenu inférieur. A partir de ce calcul, la « frontière » de la pauvreté en République tchèque se situait en 2011 à un revenu de 4 235 euros par an, une frontière relative puisque, dans le même temps, elle s’élevait à 19 400 euros au Luxembourg et tombait à 1 222 euros en Roumanie.
Le salaire réel est en baisse et les primes de Noël n’y peuvent rien
Les salaires ont augmenté en moyenne de 300 couronnes (environ 12 euros) au troisième trimestre de cette année en République tchèque pour s’établir à 24 500 couronnes (près de 972 euros). Cependant, le salaire réel des Tchèques est en baisse du fait d’une inflation de 1,8% selon l’Office national des statistiques. Cela signifie qu’ils ont en moyenne plus d’argent mais peuvent acheter moins de choses. Toutefois, le salaire moyen n’est pas un bon indicateur pour mettre en évidence la structure des salaires et donc les inégalités qui se cachent derrière lui. Ainsi, il a augmenté régulièrement ces dernières années essentiellement du fait des personnes à hauts revenus dont le salaire a justement augmenté plus lentement lors de ce troisième trimestre de l’année 2012. C’est pourquoi, selon l’économiste Martin Janičko de l’Ecole supérieure d’économie, il est préférable d’observer le salaire médian :« Les groupes de personnes à hauts salaires jouent comparativement un rôle essentiel. C’est pourquoi il est presque toujours mieux de regarder le salaire médian plutôt que le salaire moyen, qui est un indicateur moins pertinent. Les deux tiers des gens n’atteignent pas le salaire moyen. A l’heure actuelle, le salaire médian se comporte peu ou prou de la même façon que le salaire moyen. Mais ce qui est important, c’est l’importance entre les deux et le salaire médian reste inférieur d’environ 4 000 à 5 000 couronnes (entre 160 et 200 euros) au salaire moyen. C’est une grande différence. Au final, on constate que les salaires réels ont tendance à baisser et que pour la plupart des gens, le salaire nominal n’augmente même pas. »
Les évolutions des salaires ne sont également pas les mêmes dans les différents domaines d’activités. C’est ainsi dans le secteur de la culture, du divertissement et des activités récréatives ainsi que dans celui de l’éducation que les salaires connaissent les hausses les plus importantes (respectivement 5,4 et 3,6%) alors qu’ils baissent modérément dans l’hôtellerie et la restauration, et plus nettement (7,1%) dans le domaine de l’immobilier. On constate également des inégalités entre les régions. Le salaire moyen des régions de Bohême du Sud, d’Olomouc ou de Moravie du Sud a en effet augmenté plus vite que partout ailleurs avec une hausse moyenne de 2%. A l’opposé, les salaires à Prague n’ont augmenté que de 0,1%, mais les personnes qui travaillent dans la capitale tchèque touchent en moyenne près de 31 000 couronnes (1 230 euros) quand leurs collègues de la région de Karlovy Vary en touchaient 10 000 de moins (environ 400 euros de moins).
Les banques tchèques seraient prêtes à affronter des temps économiques difficiles
Les banques tchèques seraient prêtes à affronter des périodes économiques difficiles. C’est ce qui ressort d’un test de résistance effectué par la Banque nationale tchèque à la fin du troisième trimestre de cette année. Le scénario de référence utilisé pour cette simulation est basé sur une récession modérée de l’économie jusqu’à la moitié de l’année 2013 puis sur une reprise progressive de l’activité. Ces projections sont réalisées sur trois ans. Le risque le plus important serait lié à une crise du crédit dans le secteur bancaire, un risque qui peut être évalué en rapportant le nombre de prêts non efficaces au nombre total de prêts. Dans le cas du scénario de référence, ce rapport resterait stable durant deux ans puis diminuerait par la suite, ce qui est jugé rassurant selon le directeur adjoint de l’Association bancaire tchèque, Jan Matoušek, qui note que ce test confirme les bons résultats obtenus lors des évaluations réalisées précédemment.Un autre scénario envisage une crise plus grave en Europe qui aurait pour effet une diminution du PIB tchèque de 3% chaque année jusqu’en 2015, une hausse du chômage et de nouvelles baisses des salaires réels. Si la Banque nationale tchèque considère que les résultats sont plutôt positifs dans ce cas de figure, elle remarque tout de même qu’un certain nombre de banques disposeraient d’un fond propre insuffisant et seraient dans l’obligation de lever des capitaux. A noter enfin que la fiabilité de ces tests est sujette à caution. Ainsi en 2010, nombre de banques, et notamment en Irlande, ont passé ce genre d’évaluation avec succès et ont par la suite connu de grandes difficultés.
Le vin pour l’instant épargné par l’augmentation de la taxe d’accise
Les producteurs de vin de Bohême et de Moravie sont soulagés : le projet d’augmenter la taxe d’accise sur les vins n’entrera pas en vigueur sur le marché national durant au moins les deux prochaines années. Le vin concerné est le « tiché vino » qui correspond au vin tranquille c’est-à-dire le vin non mousseux. La taxe d’accise qui s’applique sur ce dernier est de 2 340 couronnes par hectolitre produit.En avril dernier, le ministère des Finances envisageait en effet de taxer le vin non mousseux à hauteur de dix couronnes par litre produit contre zéro à l’heure actuelle, avec des exonérations fiscales pour les petits vignerons produisant moins de 2 000 litres par an. Une mesure censée pouvoir rapporter 1,5 milliard de couronnes à l’Etat.
Les vignerons se sont insurgés contre ce projet, arguant qu’il conduirait inévitablement à une hausse des prix du vin et donc à une baisse de sa consommation. Ce serait d’autant plus dommageable dans les années difficiles comme 2012 où le sol a gelé en hiver et au printemps. De plus, ils considèrent que cette taxe pourrait affecter le tourisme en Moravie du Sud qui repose en partie sur le secteur vitivinicole. Enfin, les producteurs tchèques craignent que leur vin ne soit plus compétitif face à l’offre en provenance de l’étranger et notamment face aux vins bon marché produits sur le continent américain. Des arguments qui ont visiblement fait mouche auprès du gouvernement. On écoute le ministre adjoint au ministère des Finances, Ladislav Minčič :
« L’analyse a montré que l’introduction d’une taxe significative touchant les vignobles et la viticulture serait dévastatrice. »
Le gouvernement a donc décidé de faire marche arrière aux motifs qu’il devrait alors recruter de nouveaux agents et que cette taxe pourrait parallèlement affecter l’emploi dans la filière vinicole. L’Association des vignerons et des vins s’est félicitée de cette décision et de la forte mobilisation qui explique selon elle ce retournement de situation : une pétition de protestation a ainsi rassemblé plus de 40 000 signatures.