Cirqueon ou le nouveau cirque à la tchèque

Photo: www.cirqueon.cz

Si pour vous le cirque c’est avec des lions, des écuyers et des trapézistes... Si pour vous le cirque, c’est Monsieur Loyal et le clown qui pleure, le clown qui rit... Vous pouvez oublier ! Aujourd’hui, le cirque en République tchèque ce serait plutôt ambiance cabaret...

Photo: www.cirqueon.cz
Après dix ans de marasme suite à la chute du communisme, le cirque nouvelle version, ce qu’on appelle le nouveau cirque a fait son apparition en République tchèque fin des années 1990. Et ceci grâce à des rendez-vous comme le festival Letní Letná, en août, qui a creusé son trou, même si la route est encore longue. Preuve de l’intérêt que suscite ce cirque sans animaux né en France dans les années 1970, la récente création d’une association pour le cirque contemporain qui a ouvert un centre dans le quartier de Nusle, début février. David Kašpar, coordinateur du projet :

David Kašpar
« Cirqueon est un projet qui est né il y a environ quatre ans afin de soutenir et développer le nouveau cirque en République tchèque. C’est-à-dire informer sur ce qui se passe à l’étranger dans ce domaine, informer sur ce qui se passe chez nous, organiser des ateliers pour les enfants et les adolescents. En un mot, faire la promotion de ce nouveau genre : le nouveau cirque. Depuis le mois de février, nous avons concrétisé ce projet dans du dur, dans un espace réel. C’est ainsi qu’est né le centre du nouveau cirque : nous organisons donc des ateliers d’acrobatie dans les airs ou au sol, des ateliers de jonglage, pour le plus large public. Ensuite, nous proposons des cours pour les professionnels avec des pédagogues étrangers, comme ici, avec Stéphanie N’Duhirahe,et nous louons cet espace pour les personnes qui veulent répéter. Nous soutenons la création de nouveaux projets. Nous organisons des séminaires avec des projections de spectacles étrangers, et nous préparons une bibliothèque avec des livres spécialisés. »

Cirque du Soleil
Le nouveau cirque est évidemment un genre récent, dont les plus célèbres représentants sont, à l’étranger, le Cirque Plume ou le Cirque du Soleil. Avant que ce style n’arrive dans les pays tchèques, il faut rappeler que le cirque traditionnel y a également eu sa place. Tout commence au début du XIXe siècle, où un comédien ambulant Josef Beránek rencontre une troupe française installée sur une île de Prague. Le cirque a des problèmes financiers, Beránek leur prête main-forte et épouse la propriétaire du cirque Marie Dallmayer. C’est leur fils Emanuel Beránek qui fait du Cirque national tchèque une vraie institution. A plus petite échelle, le cirque continuera d’exister même sous le communisme. David Kašpar :

« En Tchécoslovaquie, dans les années 1950, est née une institution d’Etat appelée Cirque et variétés tchécoslovaques qui soutenait le genre. Donc, dans les années 1970-1980, le cirque tchécoslovaque était à la pointe au niveau mondial, tout comme l’étaient le cirque de Moscou ou le cirque chinois. Mais tout cela a pris fin avec la révolution en 1989. »

Avec la fin des subventions d’Etat, le cirque périclite, mais de petites troupes voient le jour au bout d’une dizaine d’années, influencée par le nouveau cirque français. David Kašpar :

Photo: www.cirqueon.cz
« Le premier à avoir commencé, c’est le théâtre Continuo. Ensuite le festival Letní Letná a été très important, il a beaucoup œuvré pour que le nouveau cirque soit connu du public. Grâce à ce festival, les gens savent de quoi il s’agit. Mais je pense qu’aujourd’hui, un des grands tournants, c’est le spectacle de Rostislav Novák, La Putyka. Ce sont d’excellents acteurs, d’excellents marionnettistes. Cela combine pour la première fois ce qui peut faire l’essence du nouveau cirque tchèque : les marionnettes, le jeu d’acteur, les blagues, l’humour et bien sûr les acrobaties typiques pour le cirque. »

La Putyka,  photo: www.cirqueon.cz
La Putyka est en effet un spectacle récent dont le créateur, Rostislav Novák admet lui-même qu’il cherche surtout à ne pas imiter le nouveau cirque français. D’où l’ambiance bon enfant, inspirée de l’univers du pub traditionnel tchèque, la « hospoda », avec bières, piliers de comptoir et musique de cabaret. Un spectacle à avoir à La Fabrika, dans le quartier de Holešovice à Prague.

Parmi les pédagogues qui viennent transmettre leur savoir à Cirqueon, il y a Stéphanie N’Durirahe, ancienne élève de l’Ecole de cirque de Québec, qui vit à Prague depuis novembre 2009 :

« Je viens de Suisse, je fais de la corde lisse. C’est une corde qu’on fixe haut, on monte dessus, on fait des sortes de nœuds et on se laisse tomber en bas. »

C’est en quel matériau ? Est-ce de la corde de marin ?

Photo: www.cirqueon.cz
« Ça dépend. Ça peut être de la corde de marin. Après il y a d’autres sortes de cordes, parce qu’au bout d’un moment si on travaille uniquement avec la corde de marin, le corps est détruit. Parce que ça brûle. C’est un engin assez douloureux. Les gens trouvent souvent que ça fait mal. Il existe aussi une sorte de corde avec des fils de corde, avec autour une gaine en coton. Ca fait deux, trois cm de diamètre. »

Comment avez-vous découvert le cirque et la corde ?

« J’ai commencé le cirque très petite dans une école loisirs en Suisse, à Nyon. A l’époque il y avait deux écoles professionnelles en Suisse. On touchait un peu à tout dans cette école loisirs. L’idée c’était de savoir jongler, faire des portées, du trapèze... Après, j’ai découvert la corde. C’était l’outil le plus simple. Ce n’est qu’une ligne, mais qui offre beaucoup de possibilités, permet de faire des formes. Ce que j’aime c’est sa simplicité. »

Et puis il y a un côté brut de décoffrage... Quand on dit ‘corde’, on imagine un matériau très rêche, très brut...

« Oui, c’est vraiment brut ! Et c’est vrai que j’ai commencé avec de la corde brute. Maintenant que j’ai approfondi les techniques, j’ai une corde plus professionnelle, qui vient du Canada, qui fait moins mal ! »

Photo: www.cirqueon.cz
On est dans le centre du nouveau cirque, Cirqueon, à Prague. Comment êtes-vous rentrée en contact avec l’équipe de Cirqueon ? Et comment êtes-vous arrivée en République tchèque ?

« Je suis rentrée en contact avec les gens de Cirqueon simplement par leur site Internet. J’allais venir à Prague, je savais qu’il n’y avait pas un gros réseau de cirque là-bas. Je suis tombée sur la compagnie Décalages, franco-tchèque, je suis rentrée en contact avec eux. Et puis j’ai trouvé le site de Cirqueon. Je croyais que c’était une école de cirque. J’ai envoyé un mail et David Kašpar m’a dit que ce n’était pas une école, mais qu’ils allaient ouvrir un centre. Il m’a donné pas mal de contacts. Par contre, ce qui est drôle, c’est que c’est ici, en République tchèque, que j’ai eu le déclic pour la corde. Je suis venue voir un festival il y a quelques années, à Kolín. Il y avait une troupe française, Cahin-Caha, que je voulais voir depuis des années et j’ai fait le déplacement exprès avec une amie. C’est un spectacle in-situ, qui se fait sur place, sur le lieu. C’est ce qui m’intéresse. En voyant ce spectacle, on s’est dit : on veut vraiment faire de la corde ! C’est drôle de me dire que j’ai eu mon déclic ici et que je suis revenue cinq ans plus tard ! »

Vous donnez des ateliers à Cirqueon, comment ça se passe ?

Photo: www.cirqueon.cz
« Ça va être surtout de l’initiation, à la corde et au tissu. C’est bien de montrer les deux, car ils sont très proches, mais en même temps, c’est la personne qui doit choisir son outil. C’est rare que les gens fassent les deux à la fois. »

Pour vous, quel est l’objectif principal de Cirqueon ?

« C’est vraiment de promouvoir le nouveau cirque, de le montrer. Car c’est très peu connu dans le pays. Il y a eu quand même une montée, avec le festival Letná Letná, et puis le spectacle La Putyka. »

Plus d’infos sur www.cirqueon.cz.