Communisme, Klaus, Čaputová, violences sexuelles et Jan Žižka dans la presse tchèque cette semaine
Comme chaque vendredi, nous vous proposons une revue de la presse tchèque de la semaine écoulée. Au sommaire tout d’abord pour cette fois, la nostalgie du régime communiste qui persiste au sein d’une certaine partie de la population, trente ans après la révolution. Pourquoi donc ? La proximité de cet anniversaire est à l’origine aussi d’une longue interview avec l’ex-président Václav Klaus, dont nous avons retenu quelques extraits. Par ailleurs, la Slovaquie peut-elle constituer une source d’énergie pour les Tchèques dans la perspective de la prochaine élection présidentielle ? Nous évoquerons enfin la nouvelle perception des abus sexuels par les femmes tchèques ou encore l’intérêt porté cette année à Jan Žižka, ancien chef de guerre hussite et grande figure de l’histoire médiévale de la Bohême.
« Certes, la nostalgie du socialisme peut s’expliquer en partie par le fait que les souvenirs négatifs de la jeunesse s’effacent plus facilement que les autres. Mais compte tenu du nombre élevé de gens qui gardent un souvenir positif du socialisme, une telle explication serait trop superficielle. La masse de nostalgiques indique qu’il existe quelques chose qui a mal fonctionné ces trente dernières années. Et ce ‘quelque chose’ représente en même temps un risque grave pour l’avenir. »
A en juger d’après les données macroéconomiques, les progrès que le pays a accomplis depuis 1989 sont immenses. En moyenne, tout le monde vit mieux qu’autrefois. Le problème, c’est que beaucoup de gens ne profitent pas vraiment de cette nouvelle prospérité. « Ces dernières années, la société ne s’est pas comportée loyalement à l’égard des plus démunis », estime le commentateur. Les employés peu ou pas qualifiés sont très mal payées, le montant du salaire minimum est parmi les plus faibles en Europe ou encore le surendettement qui touche essentiellement les couches les plus défavorisées sont quelques-uns des signes les plus marquants de ce clivage.
L’enquête en question montre aussi que seuls 27 % des personnes âgées de plus de 40 ans ont participé activement à la révolution de Velours. Un constat qui conduit le commentateur à noter :
« Il va de soi que certaines personnes ne pouvaient pas, pour telle ou telle raison, participer activement à la révolution. Néanmoins, la majorité de la population n’était pas prête à faire les efforts en faveur d’un changement radical au sein de la société. Certes, les gens ont accueilli favorablement ces changements, avec de l’espoir, mais c’est tout. On peut en déduire qu’à l’avenir, ces mêmes gens ne seront prêts à défendre la liberté que si celle-ci est source de profit économique. »
Václav Klaus et ses « ismes » importés de l’Occident
« Le genrisme criminel, les parades gays, le muticulturalisme qui entend faire disparaître la civilisation et la culture européenne via l’arrivée massive de migrants, l’environnementalisme, l’alarmisme climatique, le transnationalisme… » Tels sont, selon une interview de l’ex-président tchèque Václav Klaus publiée dans l’édition de samedi dernier du journal Lidové noviny, les ‘ismes’ qui influencent fortement la société actuelle et qui, toujoirs selon lui, « n’ont pas été importés de l’Est, mais de l’Occident ».« L’endoctrinement de nos enfants et des jeunes générations est comparable à celui de la phase précoce du communisme et ils est plus rude encore que ceui du communisme tardif », prétend-il aussi.
Le rapport entre politique et économie est une des autres questions qui ont été soulevées à cette occasion dans Lidové noviny, à laquelle Václav Klaus a répondu de la sorte :
« La transformation dans les années 1990 avait pour but de se débarrasser du dictat de la politique sur l’économie pour que cette dernière puisse fonctionner de manière autonome. Dans ce processus, nous avons fait un grand pas en avant. Mais aujourd’hui, le dictat auquel l’économie est soumise, constitue un retour à un système économique dépourvu de liberté. Je ne m’attendais pas à un tel renversement du rapport entre l’économie et la politique. »
Présidentielle : la Slovaquie peut-elle inspirer les Tchèques ?
Cinq des six partis d’opposition à la Chambre des députés (KDU-ČSL, ODS, TOP 09, STAN et les Pirates) qui entendent présenter un candidat commun à la prochaine élection présidentielle prévue en 2023 cherchent l’inspiration en Slovaquie. Selon le journal Deník N, nouveau quotidien indépendant lancé il y a un an, ils espèrent reproduire le succès de la présidente slovaque Zuzana Čaputová « qui a une présence cultivée, défend les valeurs libérales et ne met pas en doute l’orientation prooccidentae de son pays ». Ils multiplient les rencontres afin d’établir une stratégie commune, indique-t-il à ce propos avant de poursuivre :« Les partis en question envisagent de faire appel aux services de la même agence que celle qui a travaillé pour Zuzana Čaputová. Cela dépendra du consensus et du coût d’une telle campagne électorale. Parallèlement, ce ‘bloc démocratique’ a commencé à réfléchir à un éventuel candidat. »
D’après le journal, le général Petr Pavel a le prodil pour l’opposition du candidat recherché. Toutefois, cet ancien haut fonctionnaire au sein de l’OTAN n’a encore nullement fait part de sa volonté de s’engager dans cette voie. « D’un autre côté, l’opposition ne manifeste que peu d’enthousiasme pour d’éventuelles nouvelles candidatures Pavel Fischer et Jiří Drahoš, adversaires malheureux de Miloš Zeman lors de la dernière présidentielle devenus sénateurs depuis », indique le commentateur.
Un nouveau regard sur les violences sexuelles ?
La campagne MeToo, qui a encouragé les femmes à faire preuve de davantage d’aplomb, a eu des retombées en Tchéquie aussi. C’est du moins ce qu’estime l’auteur d’un commentaire publié sur le site Aktualne.cz suite à la publication de nouvelles données relatives au nombre record de cas de viol recensés par la police tchèque ces derniers mois. Il explique :« Bien que mauvaise en apparence mauvaise, cette information ne l’est pas vraiment. De l’avis des experts, elle ne traduit pas une nouvelle vague d’abus sexuels, mais le fait que les femmes qui en sont victimes n’hésitent plus à solliciter une assistance et à dénoncer de tels actes à la police. Le viol n’est désormais plus un tabou, on en discute plus souvent et plus ouvertement en public. Jusqu’ici, seuls environ 8% des cas de viols, dont le total est estimé entre 9 et 12 000 par an, étaient signalés à la police. Désormais, le nombre de ces annonces va en augmentant. »
Le taux de cas d’actes criminels sexuellement motivés éclaircis par la police est d’environ 60%. Ce sont majoritairement les cas de viol commis par un inconnu qui sont dénoncés, alors que la plupart des violences sexuelles sont le fait de personnes proches des victimes. « Pour ce qui est de la définition de ce que sont réellement les violences sexuelles, la société tchèque reste toujours la proie de mythes », conclut le site Aktualne.cz.
Jan Žižka, objet d’un nouvel intérêt des chercheurs et des cinéastes
Porter un regard complexe et inédit sur Jan Žižka de Trocnov, ainsi que sur les différentes interprétations dont ce chef de guerre hussite, considéré comme un héros national, a fait l’objet faisait au fil de l’histoire, est l’ambition d’un ouvrage de près de 900 pages de l’historien Petr Čornej qui sort en ce mois de novembre, 600 ans après le début de la révolution hussite. Le site Info.cz précise à ce propos :« Il va de soi que cet anniversaire suscite un intérêt accru pour la période agitée de la première moitié du XVe siècle, marquée par les guerres hussites, ainsi que pour Jan Žižka, une de ses grandes figures restée célèbre notamment pour ses stratégies militaires novatrices. La prochaine sortie d’un long-métrage consacré à Jan Žižka, fruit d’une coproduction tchéco-britannique, témoigne aussi de ce nouvel intérêt. Outre ses talents militaires, ce sont le charisme et la foi du légendaire combattant que tant le livre que le film entendent mettre en relief. »
Info.cz remarque que la publication de cette nouvelle biographie de Jan Žižka répare les manquements de l’historiographie tchèque. Elle complète et corrige le travail monumental de l’historien Josef Pekař, vieux de près de 90 ans, qui était jusqu’ici l’ouvrage le plus vaste dédié au personnage.