Controverses autour du soutien public à un programme de formation en ligne

Foto: Filip Jandourek

En ce début du mois de janvier, le ministère de l’Education a retiré son soutien financier de l’ordre de dix millions de couronnes (plus de 360 000 euros), qu’il avait promis aux organisateurs de formations en ligne dispensées par la prestigieuse université américaine de Johns Hopkins. Au-delà des critiques sur la fiabilité du ministère, l’affaire pose également la question du type de projets éducatifs financés par l’argent public.

Les cours en ligne CTY Online de l’université Johns Hopkins destinés aux lycéens offrent une formation en anglais qui va au-delà du curriculum scolaire et sert parfois de tremplin aux études à l’étranger. La consultante Jeanne Bočková est responsable de ce programme et présidente de l’association Nadané dítě (« Enfant doué ») :

« En République tchèque, le programme CTY Online a été lancé en 2010 par le Fonds américain pour les études tchèques et slovaques du leadership qui finance aussi les frais. Il a déjà investi 20 millions de couronnes (725 000 euros) dans les bourses. Au total, six cent étudiants ont bénéficié du programme. Actuellement, 150 lycéens sont inscrits pour le semestre d’automne. »

Pour un étudiant, un semestre de cours en ligne coûte entre 20 000 et 30 000 couronnes (entre 725 et 1080 euros) et implique un effort hebdomadaire de 10 à 12 heures. Une contribution financière de l’ordre de 5 000 couronnes (180 euros) est demandée aux lycéens. Jeanne Bočková et ses collaborateurs ont sollicité l’aide financière du ministère de l’Éducation, qui leur a d’abord été refusée par Dalibor Štys, chef du portefeuille dans le gouvernement de Jiří Rusnok. En revanche, son successeur, Marcel Chládek a promis de soutenir le projet qui vise également à créer à Prague une branche centre-européenne du Centre pour la jeunesse talentueuse. Or, le ministre est revenu sur sa décision dans une lettre datant du 3 janvier. Le programme serait élitiste et contraire au principe de l’égal accès à l’éducation. Le ministre adjoint, Jaroslav Fidrmuc, a justifié ce soudain revirement :

Jaroslav Fidrmuc,  photo: MŠMT ČR
« Je voudrais souligner que le ministère de l’Education veut aussi soutenir les étudiants surdoués et favoriser le développement de leur talent et cela en vertu du principe de l’égalité des chances pour tous. Sa stratégie implique toute une série de mesures, comme les cours par correspondance des universités ou les activités des centres d’excellence Perun. Le programme de CTY Online est intéressant mais trop cher. Le ministère devrait contribuer à hauteur de 22 000 couronnes pour chaque étudiant, en plus d’une participation des parents qui est également de quelques milliers de couronnes. C’est pourquoi je recommande de refuser l’offre de CTY Online et de nous concentrer sur nos programmes destinés aux étudiants surdoués. »

Quant à la promesse donnée par le ministère de cofinancer le programme, plutôt qu’un engagement à tenir, Jaroslav Fidrmuc y voit le résultat d’une constante recherche des manières les plus adéquates de coopérer avec les associations. Cette évolution de l’opinion au sein du ministère risque cependant d’avoir d’importantes conséquences pour les 150 étudiants inscrits en cours ce semestre qui pourraient devoir quitter le programme sans obtenir leur certificat. Auparavant, le ministère a pourtant été informé que sans son soutien, une nouvelle année du programme ne pouvait pas être ouverte.

Jeanne Bočková reste perplexe face aux arguments du ministère. Elle affirme que les bourses sur critères sociaux couvrant la totalité des frais ont été octroyées à tous les étudiants qui ont démontré que leur famille est titulaire d’une aide sociale, même s’ils n’étaient que quatre les deux dernières années. Mais pour Bohumil Kartous, d’EDUin, un spécialiste du système éducatif tchèque, le problème est ailleurs :

Photo: Filip Jandourek,  ČRo
« A travers ce programme éducatif, les universités américaines peuvent détecter des lycéens talentueux, ce qui est en premier lieu dans leur propre intérêt. Elles veulent les étudiants les plus talentueux peu importe leur pays d’origine. C’est la question de savoir si le soutien du ministère ne se fait pas avant tout au profit de ces universités avant d’être un investissement dans l’éducation publique tchèque car une partie des diplômés restent ensuite à l’étranger, ce qui est leur choix individuel et libre. La question est de savoir si le ministère de l’Education devrait soutenir un tel programme. C’est de cela dont il faut débattre plus en profondeur. Néanmoins, le comportement du ministère qui promet une subvention et puis change d’avis est difficilement pardonnable. »

Les organisateurs des cours CTY Online ainsi que les étudiants qui les ont suivis multiplient les lettres adressées au chef du gouvernement et au vice-Premier ministre pour la recherche et l’innovation. Une pétition a également été lancée, même si pour le moment, la décision du ministère de retirer son soutien semble définitive.