COP21 : en République tchèque, de la difficulté de joindre l’acte à la parole
Alors que s’est ouverte la COP21, la conférence mondiale sur le climat, quelle est la position de la République tchèque concernant le réchauffement de la planète ? Lundi, à Paris, le Premier ministre Bohuslav Sobotka a affirmé considérer les changements climatiques comme une des principales menaces auxquelles le monde se devait de faire face. Soit. Mais si les émissions de gaz à effet de serre ont bien diminué de 33% entre 1990 et 2012 en République tchèque, son gouvernement, qui continue de prévoir une exploitation de la houille à hauteur de 11 à 21% dans son mix énergétique pour la production d’électricité d’ici à 2040, n’en continue pas moins de mener en la matière une politique que certains scientifiques qualifient de « schizophrénique ».
Même si la situation d’ensemble s’est notoirement améliorée depuis la fin du régime communiste en 1989, c’est un air encore loin d’être pur que respirent de nombreux Tchèques, notamment tous ceux qui vivent dans les régions industrielles de Moravie du Nord (dans les environs d’Ostrava) et de Bohême du Nord (dans les environs d’Ústí nad Labem). Chaque année à l’approche de l’hiver, les alertes au smog, un mot issu de l’anglais qui désigne une épaisse couche de polluants atmosphériques qui s’installe au-dessus des villes, reviennent sur le devant de l’actualité.
L’activité industrielle, elle aussi, reste en cause. En octobre dernier, pour la première fois depuis vingt-quatre ans, le gouvernement tchèque a approuvé le principe de suppression partielle des limites d’extraction de charbon dans les mines à ciel ouvert se trouvant en Bohême du Nord. Une décision très mal accueillie par les organisations écologiques, comme l’expliquait Jan Freidinger, un responsable de l’antenne tchèque de Greenpeace :« Depuis bien longtemps, l’agenda sur les questions relatives au changement climatique est secondaire en République tchèque, que ce soit parmi les journalistes ou bien parmi les politiques. Il y a pourtant des preuves scientifiques au changement climatique et sur la responsabilité des activités humaines, en particulier avec la consommation des énergies fossiles, mais toute une série d’hommes politiques considèrent encore qu’il s’agit d’une théorie du complot. Même si certains tiennent parfois des propos positifs sur la nécessité de réduire les émissions de gaz à effet de serre, leurs actes vont cependant dans la mauvaise direction. Par exemple, la suppression partielle des limites d’extraction à la mine de lignite de Bílina en est une illustration claire. »
Globalement, la République tchèque remplit les engagements internationaux qu’elle a pris. Les chiffres pourraient même faire croire qu’elle fait mieux encore. Ainsi, si les vingt-huit Etats membres de l’UE ont réduit de 19,2% leurs émissions de CO2 pour la période 1990-2012, la République tchèque, elle, a baissé son total de 33%. Mais en réalité, les quantités de gaz à effet de serre émises par habitant et par unité de produit intérieur brut restent supérieures à la moyenne européenne. Du fait de la part importante de l’industrie, l’économie tchèque, dont l’industrie automobile est un des principaux moteurs, produit environ 70% de plus de carbone que la moyenne de l’ensemble des Vingt-huit. Dans son rapport, le ministère de l’Environnement rangeait donc certaines régions tchèques parmi les plus polluées au sein de l’UE. Malgré ces données, le gouvernement tchèque prétend être conscient des enjeux, répondre aux engagements qu’il a pris à l’échelle internationale et souligne le chemin déjà accompli ces vingt-cinq dernières années. C’est ce qu’a rappelé son chef Bohuslav Sobotka à Paris, tout en souhaitant que les grandes puissances mondiales puissent en faire de même, et ce de façon à parvenir à trouver un accord afin de limiter la hausse des températures à 2 °C :« Nous avons trouvé un accord dans le cadre de l’UE. Les Vingt-huit défendent donc ici une position commune. Ce que nous souhaitons, c’est que tous les pays s’engagent à réduire leurs émissions. Nous voulons aussi que les engagements pris puissent faire l’objet de sanctions s’ils ne sont pas respectés. L’objectif est que les plus grands pays pollueurs participent à l’effort commun. Pour ce qui est de la République tchèque, nous respecterons donc l’accord qui a été conclu avec nos autres partenaires européens. »
En attendant de voir à quel accord les grands de ce monde aboutiront à Paris, avec une température de 9,4 °C, soit 1,9 °C de plus que la moyenne mesurée entre 1961 et 1990, le ministère de l’Environnement a annoncé que 2014 avait été la plus chaude de ces cinquante-cinq dernières années en République tchèque. Et, selon toute vraisemblance, 2015 sera plus chaude encore…