COP26 : quels défis pour la République tchèque face au réchauffement climatique ?
Ce dimanche s’est ouverte à Glasgow, en Ecosse, la 26e Conférence des Nations unies sur les changements climatiques (COP26). Militant écologiste de Greenpeace en République tchèque et spécialiste des questions énergétiques, Jan Rovenský revient, au micro de Radio Prague International, sur la place de l’écologie dans le débat politique tchèque et les défis majeurs auxquels le nouveau gouvernement devra se confronter. Mais tout d’abord, Jan Rovenský s’explique sur le danger d’un réchauffement climatique incontrôlé et les risques d’une hausse continue des températures pour la République tchèque.
« Par rapport à d’autres pays, les effets du changement climatique semblent en République tchèque plus tardifs, mais nous nous attendons à ce que l’humanité ne parvienne pas à réduire significativement les émissions de gaz à effet de serre et à ralentir l’augmentation de la température moyenne mondiale. En République tchèque, un tel changement climatique affectera négativement l’agriculture, la sylviculture ou encore la protection des espèces. Il se peut que nous assistions ainsi de notre vivant à l’extinction de forêts telles que nous les connaissons en Tchéquie, à l’image des grandes forêts d’épicéas qui couvrent aujourd’hui une large partie de notre territoire. Avec la hausse continue de la température moyenne mondiale ces arbres disparaîtront. Seuls ceux situés sur les sommets des montagnes pourraient survivre. »
« Nous pouvons nous attendre également à des changements substantiels dans le secteur de l’agriculture. Des cultures qui constituent de nos jours la base de notre production en République tchèque pourraient, à des températures plus élevées, ne plus être possibles. La question des précipitations soulève également de grandes inquiétudes. Le sujet n’est pas anodin. En Europe centrale, les précipitations sont corrélées au fonctionnement de la circulation thermohaline au niveau de l’Atlantique. Si le courant s’affaiblissait ou changeait de direction, ce qui est l’une des conséquences possibles de l’augmentation de la température moyenne mondiale, cela pourrait se traduire par une réduction dramatique des précipitations et une évolution, pour nous, vers un climat encore davantage continental, à savoir des étés beaucoup plus chauds et des hivers plus froids et plus secs. »
Cette COP26 sera l’occasion de faire un premier état des lieux des avancées réalisées par les Etats pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre depuis l’Accord de Paris. Ces conférences suscitent généralement de grands espoirs. Cependant, une fois terminées, la détermination et l’action politiques requises a posteriori pour satisfaire les engagements pris ne semblent pas toujours au rendez-vous. Les COP sont-elles encore utiles ?
« Absolument, les principales avancées, les principaux engagements et mesures que l’humanité a adoptés pour protéger le climat ont été pris dans le cadre des COP. Je ne connais aucun autre mécanisme international fonctionnel qui pourrait remplacer ces conférences annuelles intergouvernementales sur le changement climatique. Même si les résultats peuvent sembler la plupart du temps très frustrants et insuffisants, c’est pour l’heure, selon moi, le meilleur outil que nous ayons. »
L’écologie vue par les médias et les politiques
Les 8 et 9 octobre derniers, se sont tenues en République tchèque les élections législatives pour renouveler la chambre basse du Parlement. L’écologie a occupé une position plutôt marginale dans le débat politique. Pourquoi l’écologie n’a-t-elle pas constitué un thème phare des élections législatives ?
« Les enquêtes sociologiques menées cette année par l’Université Masaryk, par exemple, sont très intéressantes. Il en ressort que le thème de la protection du climat et de l’environnement est en fait très populaire auprès du public tchèque. Près de 80% des citoyens tchèques considèrent le changement climatique comme un problème grave. Cependant, si vous observez la manière dont le sujet est représenté dans les médias ou dans le débat politique, vous verrez que le tableau est complètement différent, et cela pour plusieurs raisons. »
« Premièrement, on assiste à un certain désintérêt des médias tchèques, y compris des médias publics, pour les sujets écologiques. La protection de l’environnement y est toujours perçue comme un caprice. La deuxième raison est liée à la scène politique tchèque qui, à mon avis, est très détachée de la vie de tous les jours. Les députés ont en réalité des contacts très limités avec les gens ordinaires, communiquant avec eux principalement par le biais des réseaux sociaux et de quelques enquêtes spécifiques. Ainsi, de nombreux politiciens ont l’impression qu’il existe en Tchéquie une forte communauté de climatosceptiques, alors que ceux-ci sont en réalité minoritaires, mais, effectivement, très bruyants. De ce fait, les représentants politiques estiment que le réchauffement climatique est un sujet controversé et cherchent à l’éviter. Mais les enquêtes menées auprès des Tchèques révèlent une toute autre réalité. »
Le bilan ambivalent d’Andrej Babiš
Qu’avez-vous pensé du bilan du gouvernement sortant d’Andrej Babiš concernant l’écologie ?
« Si l’on ne s’en tient pas seulement à la protection du climat, mais que l’on considère également l’environnement, je dirais que son bilan est ambivalent. Son gouvernement a bien fait certaines choses. Il a par exemple œuvré pour la protection des parcs nationaux après une exploitation forestière dévastatrice et pour la protection de la biodiversité en général. Dans ce domaine, il n’a pas été complètement mauvais. »
« Pour ce qui est de la protection du climat et de l’extraction du charbon, la situation est différente. En 2015, le précédent gouvernement, dont Andrej Babiš était le vice-Premier ministre et dans lequel le mouvement ANO dirigeait six ministères, a maintenu les limites écologiques relatives à l’extraction du lignite qui avaient été fixées et qui empêchent l’expansion des mines de charbon et donc l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre. C’était une bonne chose. Cependant, au fil du temps, le mouvement ANO a modifié sa ligne vis-à-vis de l’environnement, surtout ces derniers mois. Il s’est inspiré des populistes eurosceptiques et climatosceptiques, avec l’objectif de séduire l’électorat du SPD, le parti d’extrême droite. C’est regrettable. En tant que personne soucieuse de l’environnement, j’estime que le fait que le mouvement ANO passe désormais dans l’opposition est une bonne nouvelle. »
Des inquiétudes à l’égard de l’ODS
Des changements de politique en matière d’écologie sont-ils possibles avec le futur gouvernement qui sera fort probablement constitué par l’opposition de droite ?
« Je ne sais pas encore ce que donnera ce prochain gouvernement. Dans le programme politique de la coalition qui est en train de se former et qui sera composée de cinq partis, les engagements en matière d’écologie et dans le domaine de la protection du climat ou de la réduction de la dépendance aux énergies fossiles sont assez bons. Cependant, l’ODS, qui est le parti le plus fort au sein de la coalition, a eu des réactions désastreuses lors des précédentes législatures. C’est l’ODS, en effet, qui a durement boycotté et bloqué l’adoption de l’Accord de Paris sur le climat. La République tchèque compte parmi les derniers Etats au monde à avoir ratifié cet accord. Nous regardons le nouveau gouvernement, à cet égard, avec un mélange de craintes et d’espoirs. Nous verrons si les quatre autres partis plus progressistes et plus verts parviendront à faire respecter l’accord conjoint et leur programme de campagne malgré le scepticisme propre à l’ODS vis-à-vis de l’écologie. »
Les trois défis environnementaux de la République tchèque
Selon vous, quelles devraient être les priorités en matière d’écologie pour le prochain gouvernement ?
« Pour ce qui est des quatre années à venir, le gouvernement devra résoudre plusieurs problèmes brûlants qui restent sur la table. Parmi eux figure la fin du charbon en République tchèque. Notre pays devra très probablement mettre fin à l’exploitation du charbon d’ici 2030 au plus tard, pas uniquement parce que le gouvernement en aura décidé ainsi, mais parce que le charbon ne sera plus totalement compétitif sur le marché européen de l’énergie. Si le gouvernement ne s’y prépare pas, si la dépendance à l’égard du charbon reste excessive, si le gouvernement ne soutient pas rapidement le développement de sources d’énergies renouvelables, alors nous pouvons nous attendre à manquer d’électricité dès la fin de la décennie 2020. La sortie du charbon, la transition vers des énergies renouvelables et l’augmentation de l’efficacité énergétique, en gardant dans une certaine mesure le gaz naturel en source de secours, constituent un premier grand défi. »
« Le second grand défi concerne la protection de la nature. La nature tchèque devra s’adapter au changement climatique, comme nous l’avons déjà mentionné. Il sera également intéressant de suivre comment le gouvernement s’appropriera le thème de l’agriculture qui est contrôlée en République tchèque par de grandes entreprises. »
« Le troisième grand défi, enfin, est celui de la hausse des prix de l’énergie sur le marché mondial. Si cette hausse se poursuit nous seront probablement confrontés à une situation où des centaines de milliers de ménages seront menacés par la précarité énergétique. Il est urgent que le gouvernement réfléchisse sérieusement à ces ménages et qu’il envisage, par exemple, la mise en place d’aides sociales de la part de l’Etat. »