Coupe Davis : et maintenant, quid des Tchèques ?

Photo: Kristýna Maková

Que va-t-il advenir de l’équipe de République tchèque de tennis en Coupe Davis ? C’est la question que tous les représentants des médias tchèques présents à Paris le week-end dernier se posaient à l’issue de la défaite (1-4) concédée contre la France en demi-finale. Doubles tenants du titre, trois fois finaliste ces cinq dernières années et invaincus onze rencontres d’affilée, les Tchèques n’avaient plus connu le goût amer de la défaite en Coupe Davis depuis 2011. Mais cela fait désormais sept ans, depuis un barrage victorieux contre la Suisse à Prague en 2007, que Tomáš Berdych et Radek Štěpánek assurent l’essentiel des succès tchèques pratiquement à eux seuls. Or, tandis que Berdych rêve toujours, à 29 ans, de remporter enfin un premier titre en Grand Chelem et pourrait ainsi décider de faire l’impasse sur la Coupe Davis pour mieux se consacrer à ses objectifs personnels, Štěpánek approche, lui, des 36 ans. Dans ce contexte, quelles peuvent donc être les perspectives à court et moyen terme pour les Tchèques en Coupe Davis ?

Photo: Kristýna Maková
« Les Tchèques sont venus à bout de Federer et rêvent du Saladier d’argent » : tel est le titre que nous avions choisi le 24 septembre 2007, lendemain de la qualification (3-2) arrachée dans le cinquième match décisif aux dépens de la Suisse en barrage (http://www.radio.cz/fr/rubrique/sport/tennis-coupe-davis-les-tcheques-sont-venus-a-bout-de-federer-et-revent-du-saladier-dargent). A l’époque, ce succès avait permis à la République tchèque de réintégrer le groupe mondial en Coupe Davis. Surtout, cette rencontre contre une équipe helvète déjà composée de Roger Federer et de Stanislas Wawrinka, avait été marquée par le retour de Radek Štěpánek. En froid pendant plusieurs années avec la Fédération tchèque de tennis, celui qui était alors 34e joueur mondial avait endossé le costume de héros en offrant le troisième point de la victoire à son équipe en dominant Stanislas Wawrinka. La veille, dans un double non moins décisif remporté par les Tchèques en cinq sets après avoir sauvé une balle de match, le capitaine Jaroslav Navrátil, déjà en poste lui aussi, avait surpris son monde en décidant d’aligner Berdych et Štěpánek côte à côte pour la première fois en double. Depuis, les deux hommes, dont les jeux et les caractères se complètent parfaitement, constituent ni plus ni moins l’une des meilleures paires de double au monde.

Ce barrage victorieux contre une Suisse qu’ils auraient aimé retrouver en novembre prochain en finale à Prague, a donc constitué le point de départ d’une épopée tchèque longue de sept ans. Dans les couloirs de Roland-Garros, samedi dernier, peu après la défaite en double qui entérinait l’élimination tchèque et la qualification française, c’est d’ailleurs d’abord à ce moment-là qu’a repensé Tomáš Berdych quand il lui a été demandé de revenir sur les temps forts de cette aventure :

Tomáš Berdych,  photo: Daniel Ordóñez
« Oui, tout a commencé avec cette rencontre contre la Suisse qui nous avait permis de nous sauver et de remonter dans le groupe mondial. Cette rencontre contre un Federer qui était alors au meilleur de sa forme avait été disputée à Prague dans une ambiance incroyable. En termes d’intensité, je range cette qualification contre la Suisse au même niveau que notre victoire en finale contre l’Espagne devant notre public il y a deux ans. Nous nous sommes dit que ce serait bien de revivre de telles émotions et d’essayer de gagner cette coupe. »

Gagner cette coupe, ce si prestigieux Saladier d’argent, les Tchèques, après une première finale malheureuse en 2010 (0-5 en Espagne), y sont donc parvenus une première fois en 2012 (3-2 contre l’Espagne à Prague), puis une seconde l’année dernière (3-2 contre la Serbie à Belgrade). Et même s’ils ne réaliseront pas un triplé historique, comme ils l’espéraient, ce doublé n’en reste pas moins « un petit miracle », comme l’a suggéré un journaliste tchèque la semaine dernière à Berdych. Ce à quoi le n° 7 mondial a répondu en riant :

« C’est peut-être même un peu plus qu’un petit miracle, vous ne trouvez pas ? Je ne sais pas… Tout est possible en sport et nous sommes, je crois, un bon exemple. On peut récapituler : trois finales, dont deux victorieuses, deux autres demi-finales en sept ans… Il y en a beaucoup qui aimeraient être à notre place. Regardez les Français pour prendre l’exemple le plus proche. Cela fait combien de temps qu’ils n’ont plus gagné la Coupe Davis ? C’est bien beau qu’ils se soient qualifiés pour la finale, mais contre la Suisse et même en jouant chez eux, ils sont encore loin d’avoir gagné. Ce n’est vraiment pas une épreuve facile à remporter, surtout dans son format actuel. C’est pourquoi je crois qu’on peut dire que nos résultats ont été exceptionnels. »

Même si les Français de Richard Gasquet et de Jo-Wilfried Tsonga l’ont brillamment et logiquement brisée, la série tchèque de ces dernières années n’a pas marqué les esprits qu’à Prague et Ostrava, lieux habituels des rencontres de Coupe Davis à domicile. Après la victoire de son équipe, le capitaine français Arnaud Clément a tenu à faire part, lui aussi, de son admiration :

Radek Štěpánek et Tomáš Berdych,  photo: Floflo62,  CC BY-SA 3.0 Unported
« Oui, battre les Tchèques est quelque chose de prestigieux, surtout ici sur le central de Roland-Garros. C’est un moment qui est rare. Vous savez, nous avons tous, les joueurs comme moi, énormément de respect pour ce que Berdych et Štěpánek ont réalisé ces dernières années. Gagner coup sur coup en n’utilisant quasiment que deux joueurs, rarement un troisième, est tout simplement phénoménal. Alors, battre ces gars-là… On s’était préparés à une rencontre très dure et ç’a bien tourné pour nous. Tous nos points ont été amplement mérités, mais pas si faciles que ça à gagner même si certains scores disent autre chose. En tous les cas, on est très heureux et très fiers de nous être qualifiés pour la finale en battant les Tchèques. »

Tandis que les Français attendent désormais avec impatience leur finale contre la Suisse en novembre prochain à Lille, les Tchèques, eux, peuvent commencer à envisager l’avenir. Et celui-ci passera d’abord par la réception de l’Australie au premier tour de l’édition 2015 de la Coupe Davis, comme en a décidé le tirage au sort effectué jeudi dernier. Mais bien malin celui qui, aujourd’hui, pourrait affirmer quelle sera alors la composition de l’équipe tchèque. Avec ou sans Berdych ? Avec ou sans Štěpánek ? Avec les deux joueurs de nouveau réunis ou sans aucun des deux ? Autant de questions auxquelles est incapable de répondre le capitaine Jaroslav Navrátil :

« Tous les deux ont d’excellentes relations. Cela n’a pas toujours été une évidence, mais leur bonne entente a constitué la clef de nos succès. Ils ont toujours tout donné sans tricher, même quand ils ont perdu des matchs. Ils ont su tirer les leçons des erreurs du passé pour mieux avancer ensemble. Maintenant, la décision de continuer ou pas leur appartient. Je pense qu’ils en ont le droit. Quelle que soit leur décision, il faudra la respecter. Ils ont fait savoir qu’ils se décideraient ensemble. Mais il faudra attendre la fin de la saison pour en savoir plus. »

Une chose est sûre. La décision ne sera pas facile à prendre, comme le confirment les propos d’un Berdych dont l’attachement à la Coupe Davis, contrairement à de nombreux autres joueurs de l’élite mondiale, peut difficilement être remis en cause :

« Cela ne sert à rien de spéculer. Franchement, je n’en sais rien. Heureusement, nous avons pas mal de temps pour réfléchir. D’ici au premier tour l’année prochaine, nous avons devant nous le plus grand trou que nous ayons jamais eus ces dernières années, alors laissons du temps au temps. »

Jaroslav Navrátil,  photo: Jan Cakl,  ČRo
Du temps, c’est aussi ce que réclame Jaroslav Navrátil. Sous contrat encore la saison prochaine, le capitaine tchèque se voit cependant mal, lui aussi, continuer dans ses fonctions sans certaines garanties :

« On verra. Tomáš pourrait très bien ne jouer que le premier tour ou un éventuel barrage pour nous aider à nous maintenir dans le groupe mondial. La seule chose dont je suis à peu près sûr est que si Tomáš décide de ne plus participer à la Coupe Davis, Radek arrêtera lui aussi. Je n’imagine pas l’un continuer sans l’autre. Et pour moi, ce sera la même chose. Si les deux partent, j’abandonnerai moi aussi. Mais si Radek joue jusqu’à 40 ans et qu’il est en bonne forme, ou si Tomáš décide de ne venir que pour un match, je serai là. Après, pourquoi ne pas imaginer que Radek devienne à son tour capitaine ? Il a l’expérience nécessaire et sait ce que je sais que d’être sur le court comme joueur et d’entendre l’hymne national. »

Lukáš Rosol,  photo: Alžběta Švarcová,  ČRo
Dans ce cas de figure, la place serait alors laissée à Lukáš Rosol et Jiří Veselý. Habituels remplaçants de Berdych et Štěpánek, les troisième et quatrième joueurs de l’équipe seront, quoiqu’il arrive, amenés à reprendre le flambeau un jour. Et à respectivement 29 et 21 ans, Rosol et Veselý, les deux seuls autres Tchèques à figurer parmi les 100 meilleurs joueurs mondiaux, affirment se tenir prêts :

Rosol : « Pour moi, peu importe que joue le joueur A ou le joueur B. Défendre les couleurs de l’équipe nationale sera pour moi toujours un honneur quelle que soit sa composition. Je serai toujours prêt à disputer les matchs »

Jiří Veselý,  photo: Jaroslav Plašil,  ČRo
Veselý : « Je pense que Tomáš pourrait vraiment décider de ne plus se concentrer que sur sa carrière personnelle, mais ce n’est pas une question pour moi. J’espère que tout le monde continuera à jouer le plus longtemps possible en Coupe Davis, qu’il s’agisse de Tomáš, Radek ou Lukáš, et que nous aurons ainsi de nouveau la possibilité de nous battre pour remporter ce Saladier d’argent. »

Un discours qui n’est pas sans rappeler celui de Berdych et Štěpánek après ce fameux barrage victorieux contre la Suisse en 2007. Mais c’était il y a sept ans… Alors, on en reparle en 2021 ou avant ?