Crise migratoire : suite à une émeute dans un centre de rétention, le président tchèque durcit le ton

Les migrants au centre de rétention de Bělá pod Bezdězem

La crise migratoire a pris un nouveau tournant ces derniers jours en République tchèque. Jeudi et vendredi derniers, des dizaines de réfugiés ont protesté, parfois violemment, contre leurs conditions de détention dans le centre de rétention de Bělá pod Bezdězem, en Bohême de l’Est. La situation a nécessité l’intervention des forces de police anti-émeutes. Réagissant à ces événements, le président de la République s’en est pris aux migrants dans une interview sur Internet pour le tabloïd Blesk, et Miloš Zeman n’a pas mâché ses mots.

Miloš Zeman,  photo: Filip Jandourek,  ČRo
« Première chose : personne ne vous a invités ici. Deuxième chose : comme vous êtes déjà ici, vous devez respecter nos règles, tout comme nous respectons les vôtres quand nous allons dans vos pays. Enfin, troisième chose : si cela ne vous plaît pas, allez-vous en ! »

Le président Zeman n’y est pas allé par quatre chemins pour réagir aux émeutes de réfugiés au centre de rétention de Bělá pod Bezdězem. Parallèlement aux résultats d’un récent sondage où plus de 75% des Tchèques se disent réticents à l’accueil des migrants en provenance d’Afrique et du Proche-Orient, cette déclaration du chef de l’Etat renforce les tensions qui règnent dans la population tchèque devant la perspective de nouvelles vagues migratoires.

Les migrants au centre de rétention de Bělá pod Bezdězem | Photo: ČT24
La situation s’est corsée en fin de semaine dernière, lorsque, jeudi tout d’abord, une cinquantaine de migrants a tenté, en vain, de s’échapper du centre de rétention. Vendredi ensuite, une centaine de personnes ont créé une émeute à l’intérieur du centre pour protester contre leurs conditions de détention et la lenteur des procédures pour quitter le pays. L’émeute a été contenue par les forces de police à coup de gaz lacrymogènes, avant de donner lieu au transfert d’une trentaine de réfugiés, des femmes et des enfants pour la majorité, vers un autre centre de rétention. Cet événement a fait suite à la visite sur place du ministre de l’Intérieur, Milan Chovanec, qui défend les conditions d’accueil en République tchèque, pays transitoire pour ces centaines de migrants :

Le président de la police,  Tomáš Tuhý et Milan Chovanec,  photo: ČTK
« Je me suis rendu dans plusieurs de ces centres, et les conditions sont tout-à-fait suffisantes. Les gens ne souffrent pas, ils ont un toit au-dessus de la tête, de l’eau chaude et de l’eau froide, des repas chauds. Là où je suis allé, il y avait même une pièce pour jouer au ping-pong, un autre endroit où faire du sport. Je ne pense pas que ces gens vivent dans des conditions indignes du XXIe siècle. Ce contre quoi ils protestent, les lenteurs de la procédure, tout cela fait partie d’un processus standard. Tout est fait selon la réglementation européenne et le droit tchèque. Il faut qu’ils patientent comme tout un chacun. »

Si les autorités tchèques estiment que les réfugiés n’ont pas de raisons de se plaindre, pour les ONG, en revanche, les choses ne sont pas si simples. Ces migrants arrivent en Europe souvent épuisés, après un long et difficile périple, souvent dangereux, comme en témoignent les tristes dépêches égrenant les décès sur la route de ce que tous pensent être un avenir meilleur. Directrice de l’Association pour l’intégration et la migration, Magda Faltová explique comment l’abattement et la lassitude ont pu mener à la révolte récente :

Magda Faltová,  photo: ČT24
« C’est une situation compliquée pour les gens qui se trouvent dans ces centres. Leur liberté de mouvement est limitée et, bien entendu, ils voient cela comme une prison, quand bien même ils n’ont commis aucun crime. La violation de la loi sur les étrangers n’est qu’un délit administratif. C’est une situation difficile. Beaucoup de monde se trouve dans ces centres, dans un espace restreint. Des tensions et des conflits peuvent y voir le jour, donc c’est compréhensible que de telles choses se produisent. Mais ce ne sont pas des gens dangereux. D’ailleurs, tout est rentré dans l’ordre. »

Les migrants au centre de rétention de Bělá pod Bezdězem,  photo: ČT24
La plupart des clandestins qui essayent de rejoindre la France, l’Allemagne et surtout l’Angleterre par la République tchèque sont originaires de Syrie, d’Afghanistan, d’Irak ou du Pakistan. D’après les derniers chiffres publiés par le ministère de l’Intérieur, la police des étrangers a arrêté 197 migrants clandestins vendredi et samedi derniers. Depuis le renforcement des mesures de contrôle et de surveillance aux frontières en juin dernier, la République tchèque a arrêté 996 personnes, les autorités tablant sur un total de 3 500 arrestations de migrants illégaux d’ici la fin de l’année, et au doublement de ce nombre l’année prochaine.

Suite aux incidents de la fin de la semaine dernière et à l’augmentation du nombre d’arrestations de clandestins, le chef d’Etat-major Josef Bečvář a fait savoir que l'armée était prête à mettre 1 500 soldats à disposition de l'Etat pour surveiller les frontières du pays. D’ici la fin de l’année, de nouveaux centres de rétention devraient voir le jour en République tchèque, avec une capacité d’accueil de 1 200 places.