Czech Airlines bat de l’aile : les employés ont dû faire un choix
En grande difficulté à cause de la pandémie, Czech Airlines (ČSA) a été déclaré en défaut de paiement le 26 février dernier. Depuis un an déjà les employés de la compagnie tchèque subissent les répercussions d’un trafic aérien moribond. Chaque mois, des dizaines d’entre eux sont mis face à un dilemme cornélien : quitter l’entreprise, ou passer en congé sans solde, dans l’espoir d’être un jour réintégré.
Toute crise économique a ses conséquences sociales. Le cas de ČSA ne fait pas exception à la règle, et les employés de la compagnie paient pour l’heure le prix fort de l’arrêt du trafic aérien.
L’entreprise était déjà mal en point, plus dix ans après sa privatisation. Sa flotte était déjà considérablement réduite et les effectifs en baisse constante. En 2017, le passage de Czech Airlines dans le giron du groupe tchèque low-cost Travel Service (devenu Smartwings) n’avait pas amélioré son sort, et aujourd’hui beaucoup d’observateurs craignent que la pandémie n’ait raison d’une entreprise pourtant historique et pionnière dans son domaine.
Fondée en 1923, Czech Airlines ne fêtera peut-être pas son centenaire
De la part des employés de ČSA, il est difficile d’obtenir des réponses. Même malgré la promesse de l’anonymat, aucun personnel n’a souhaité s’exprimer à notre micro. Tous craignent pour leur emploi et fond le dos rond en espérant pouvoir retravailler pour la compagnie tchèque un jour. La seule qui ait accepté de nous répondre est protégée par sa casquette syndicale : Tereza Löffelmannová est hôtesse de l’air, et préside un syndicat de personnels navigants, l’OOPL.
D’après les chiffres dont elle dispose, les effectifs de la compagnie ont fondu comme neige au soleil en quelques mois à peine :
« Actuellement, il n’y a qu’environ 50 personnels navigants, et environ 120 employés au sol actifs. Depuis le début des licenciements à l’été 2020, ČSA a renvoyé plus de 400 employés. En mai 2020, il y avait à peu près 630 salariés. Il reste autour de 330 employés, mais en particulier pour les pilotes et les équipages, la plupart sont aujourd’hui en congé sans solde ou parental. Chaque mois la compagnie renvoie du personnel. Le dernier renvoi collectif en date a eu lieu en avril 2021. »
Concrètement, les employés ont été soumis à un choix : rester, mais sans voler ni percevoir de salaire, ou quitter l’entreprise. Une décision évidemment difficile, comme le raconte Tereza Löffelmannová :
« La situation diffère selon que vous soyez un pilote ou un personnel de cabine. Les pilotes ont une formation et un emploi très spécifique avec beaucoup de formations. Il est compliqué pour eux de trouver des emplois temporaires et d’attendre en congé sans solde. Ils sont aussi limités par la loi : si vous restez trop longtemps sans voler, cela a des conséquences sur vos formations.
D’autre part, pour les personnels de cabine, le choix était un peu moins difficile car ils sont davantage prêts à changer de métier que les pilotes. S’ils ont une qualification ailleurs, un diplôme d’université par exemple, ils peuvent chercher un nouveau travail et avoir une nouvelle vie au sol. Pour ce qui est des personnels au sol je pense qu’ils sont un peu moins touchés pour le moment, et qu’ils sont dans une situation similaire à celle des hôtesses et stewards. »
Pour les pilotes, il est plus que jamais difficile de trouver une place dans une autre compagnie aérienne tant l’ensemble du secteur est aujourd’hui en crise. Les compagnies low-cost (dont Smartwings) proposent des conditions de travail moins sécurisantes que les grandes compagnies nationales, certaines d’entre-elles faisant notamment appel à des pilotes auto-entrepreneurs. Notons également que pour ses liaisons au départ de Prague, la compagnie irlandaise Ryanair fait appel à une filiale sous-traitante polonaise, Buzz, pour les équipages des avions.
Et même pour ceux qui restent intégrés et actifs au sein de ČSA, la situation n’est pas rose, loin de là. La compagnie n’est plus que l’ombre de ce qu’elle a été, et ne dispose que de deux appareils. Une réforme introduite avant la pandémie avait d’ailleurs transformé la fiche de paye des pilotes. Concrètement, alors que leur salaire était fixe avant, désormais la rémunération des pilotes est composée de deux éléments : une part fixe, relativement basse, et une part variable calculée en fonction du nombre d’heures volées. Résultat : en période normale, lorsqu’un virus ne paralyse pas la planète, rien ne change. Mais dès lors que des vols sont annulés, le salaire des pilotes s’en trouve largement amputé.
L’avenir de la compagnie en suspens
L’avenir de la compagnie est plus que jamais incertain. Tereza Löffelmannová qui suit attentivement les évolutions au nom des employés de la compagnie, envisage toutes les possibilités :
« Ce n’est que mon avis personnel, mais je pense que ce qui aiderait le mieux la compagnie serait l’arrivée d’un nouvel investisseur qui sortirait la compagnie de la crise et qui pourrait payer ses dettes pour que les activités reprennent en plein. Mais sans investisseur ni aide de l’État tchèque, il sera très compliqué pour Czech Airlines de survivre. Le sort sera entièrement entre les mains des créditeurs. Tout dépend donc de la confiance qu’ils auront dans la capacité de ČSA à se réorganiser et dans la reprise du trafic aérien en 2022. Sinon ce sera la banqueroute. »
La principale inquiétude est donc de savoir si ČSA va survivre en tant que compagnie ou non. Mais si elle survit, quelques salariés risquent d’y laisser des plumes car derrière le terme « réorganisation » se cachent des coupes budgétaires massives, et à commencer dans les effectifs et les dessertes, pour que l’entreprise redevienne rentable.
La réponse quant au sort de la compagnie tchèque est donc attendue le 7 juin prochain. Les créditeurs de la compagnie se réuniront alors afin de sceller le futur de l’entreprise. Pour l’heure il ne faut exclure aucune piste, y compris le scénario catastrophe.