Czech made : la pervitine
Radio Prague vous propose cette année une série estivale consacrée à des marques et des produits de la République tchèque dont la réputation dépasse les frontières du pays. De l’antivirus Avast aux tracteurs Zetor en passant par le Semtex, la pervitine ou le knedlík - poilu ou non – la sélection ne sera sûrement pas exhaustive ; elle n’en sera pas moins variée.
« Que savez-vous sur la République tchèque ? »
« La République tchèque ? »
« Saviez-vous qu’il y a là-bas la plus forte consommation de méthamphétamine en Europe ? »
Bon, c’est vrai, la pervitine n’a peut-être pas tout à fait sa place dans cette série consacrée aux produits tchèques car ce n’est pas ici qu’elle a été inventée. La preuve : celui qui a synthétisé de la méthamphétamine pour la première fois en 1919 s’appelait Akira Ogata, ce qui n’est pas très tchèque comme nom, vous en conviendrez.
Après cette première expérience nippone, ce sont les Allemands qui ont breveté la Pervitin®, notamment pour motiver les soldats de la Wehrmacht – on la surnomme alors la pilule de Göring – ou pour faire courir plus vite les footballeurs (qui étaient apparemment chargés en pervitine pendant leurs victoires de la coupe du monde 1954 et le fameux miracle de Berne).Si la pervitine est incluse dans cette série, c’est parce que cette drogue aux terribles conséquences sur la santé est devenue une des spécialités des dealers et toxicomanes tchèques, depuis les années 1970. C’est à partir de ce moment-là que des apprenti-chimistes ont réussi à obtenir de la méthamphétamine à partir de médicaments en vente libre. Cette drogue prend alors diverses appellations dans l’argot tchèque pour devenir « piko » ou « perník » (pain d’épices) – la série Breaking bad s’appelle d’ailleurs ici Perníkový táta.
Pas besoin de s’éloigner du centre de la capitale tchèque pour voir les ravages causés par la pervitine sur ses consommateurs réguliers – ils sont souvent reconnaissables à leur comportement et aux séquelles cutanées.
Le documentaire Katka de la réalisatrice Helena Třeštíková a le mérite de montrer sur plus d’une dizaine d’années la descente aux enfers d’une accroc à cette drogue, toujours fabriquée ici dans des laboratoires clandestins et beaucoup moins chère que l’héroïne.La police tchèque vient encore il y a quelques jours de démanteler à Prague un de ces labos, dont la production est destinée au marché local, mais pas uniquement. Elle s’exporte aussi, tellement bien que la drogue est parfois surnommée « Czecho ».
Du coup, les polices tchèque et allemande ont décidé de renforcer leur coopération pour lutter contre le trafic international. Petr Kočí est l’adjoint au directeur de la Centrale Nationale Anti-drogue :
« Le problème est commun, c’est un problème tchéco-allemand. Du côté allemand il y a des ressources financières et de la demande pour de la drogue. Du côté tchèque il y a l’offre qui réagit à la demande allemande. C’est donc un cercle vicieux qui ne peut être résolu que d’un seul côté de la frontière. »
Pas très loin de cette frontière franco-allemande, à Plzeň, une récente analyse des eaux usées a montré que la pervitine était la drogue la plus consommée dans la ville. Selon le directeur du centre pour la prévention et le traitement anti-drogue, ces résultats s’expliquent par le nombre élevé de toxicomanes et par le fait que la pervitine est également consommée comme « drogue de loisir » par certains.Quoi qu’il en soit, le marché de la pervitine est juteux. Comme dans une version tchèque mais bien réelle d’un épisode de Breaking bad, la police a annoncé jeudi avoir réalisé la plus grande saisie de l’histoire du pays en la matière : des produits chimiques dans une telle quantité qu’auraient pu être produites trois tonnes et demi de pervitine en tout. Selon l’évaluation de la police tchèque, cela représente une valeur marchande de 2,5 milliards de couronnes, soit près de 90 millions d’euros.
Fin de l'été oblige: les prochains épisodes de la série Czech made sont prévus l'été prochain!