Drogue : lancement d’une coopération policière tchéco-vietnamienne

Pervitine

Afin de lutter plus efficacement contre le trafic de drogue organisé par certains ressortissants de la communauté vietnamienne vivant en République tchèque, les polices tchèque et vietnamienne vont coopérer. Lundi, à Prague, les ministres tchèque et vietnamien de l’Intérieur se sont entendus sur la venue prochaine en République tchèque d’un groupe d’avocats et de policiers vietnamiens. Objectif : infiltrer les groupes vietnamiens producteurs de stupéfiants.

Pervitine,  photo: ČT24
Le trafic de drogue est un sujet d’actualité en Europe centrale. Depuis plusieurs années déjà, les autorités tchèques et allemandes déplorent, impuissantes, l’aggravation du problème, notamment dans les régions frontalières. Les Tchèques ont fait de la production de la pervitine, une méthamphétamine locale, une de leurs spécialités. Pour leurs besoins, puisqu’ils sont les plus gros consommateurs en Europe de cette drogue de synthèse, mais aussi pour ceux des autres, et en particulier de leurs voisins allemands. Ainsi, en avril dernier, l’Autorité criminelle centrale allemande (BKA) avait indiqué avoir enregistré en 2013 une hausse de 7% du nombre de consommateurs d’un produit mieux connu là-bas sous le nom de cristal.

De ce « cristal de Bohême », comme du cannabis qui fait l’objet d’une législation relativement souple, certains Vietnamiens, qui constituent une des plus importantes minorités en République tchèque, en sont devenus des trafiquants hors pair. C’est la raison pour laquelle les autorités tchèques, qui signeront prochainement des accords de coopération renforcée avec les Lands allemands frontaliers de la Bavière et de la Saxe, souhaitent en faire de même avec leurs homologues vietnamiens, comme l’a expliqué le ministre de l’Intérieur, Milan Chovanec :

« Si nous voulons intervenir et lutter efficacement contre ces criminels, il nous faut les comprendre. Au début, je pense qu’une dizaine de spécialistes capables de s’orienter dans la communauté vietnamienne pourraient suffire, avant éventuellement d’envisager un développement. »

Pervitine
Les spécialistes vietnamiens, avocats et policiers, effectueront tout d’abord une mission de trois mois en République tchèque. Un laps de temps suffisant pour Petr Kočí, directeur-adjoint de centrale nationale de lutte contre la drogue :

« Cette première période de trois mois doit d’abord permettre aux polices tchèque et vietnamienne d’établir quelles sont leurs compétences respectives. Les policiers vietnamiens auront aussi la possibilité de se faire une idée plus précise de la situation en République tchèque. Je qualifierais donc ces trois mois de période de préparation dans la perspective d’une coopération plus approfondie à l’avenir. »

Logiquement, la question se pose de savoir pourquoi la police tchèque ne fait pas plus appel aux nombreux Vietnamiens vivant en République tchèque, ceux-ci étant, a priori, les plus disposés à apporter une aide effective. Président de la police, Tomáš Tuhý rétorque cependant que les choses ne sont pas si simples :

« La motivation est très faible, il y a très peu de candidats. Peut-être qu’une meilleure information parmi les minorités pourrait favoriser un intérêt plus important. Nous ne voulons pas avantager ces gens de quelque manière que ce soit, les conditions de recrutement doivent être les mêmes pour tous les candidats, quelles que soient leurs origines, mais si certains d’entre eux sont motivés pour travailler dans la police tchèque, nous en serons très heureux. »

Par ailleurs, comme le précise directeur-adjoint de centrale nationale de lutte contre la drogue, d’autres conditions sont encore à remplir :

Nguyen Thai Binh,  Milan Chovanec,  Tomáš Tuhý,  photo: ČTK
« La situation est telle que seuls les citoyens tchèques peuvent être policiers. Or, dans la communauté vietnamienne, ce sont généralement les membres de la deuxième génération qui disposent de la citoyenneté tchèque, c’est-à-dire que ce sont des gens qui sont nés de parents vietnamiens mais en République tchèque. Ils parlent donc vietnamien, mais leur maîtrise de la langue de leurs parents n’est pas parfaite. Ils peuvent donc nous rendre service par exemple comme interprètes, mais leur profil ne correspond pas tout à fait à nos besoins. Plus généralement, en raison notamment des différences culturelles, la communauté vietnamienne est assez refermée sur elle-même, ce qui fait que toute coopération avec celle-ci n’est possible que dans une certaine mesure. »

Outre une coopération approfondie sur le terrain entre policiers des deux pays, le ministère tchèque de l’Intérieur souhaite que les Vietnamiens condamnés en République tchèque pour trafic de stupéfiants purgent leur peine dans leur pays d’origine. Une convention allant dans ce sens est en cours de préparation, comme l’a confirmé le ministre vietnamien Nguyen Thai Binh :

« Celui qui commet un délit sur le territoire de la République tchèque doit être condamné conformément aux lois tchèques. Mais si nous signons effectivement la convention sur le transfert des détenus, ceux-ci pourront purger leur peine au Vietnam. »

Cette convention pourrait être signée lors de la visite prévue à l’automne prochain du ministre tchèque au Vietnam.