Damien Guillon : « Il y a sûrement encore des trésors musicaux dans des bibliothèques tchèques. »

Damien Guillon, photo: CTK

C’est ce jeudi que commencent à Prague Les festivités d’été de musique ancienne, un festival organisé dans la capitale tchèque depuis dix ans par le centre Collegium Marianum. Au programme du premier concert, donné à l’église Saint-Simon et Saint-Jude, il y a des œuvres sacrées. La vedette de la soirée est le contre-ténor français Damien Guillon. Dans un entretien que cet artiste prometteur a accordé à Radio Prague il a d’abord évoqué l’art des contre-ténors. Dans la seconde partie de l’entretien que nous vous proposons aujourd’hui il est question du concert de ce jeudi dont les organisateurs désirent dépoussiérer plusieurs oeuvres remarquables oubliées dans les archives du Château de Prague.

Damien Guillon,  photo: CTK
A Prague vous donnez un concert d’oeuvres jouées et chantées jadis dans la cathédrale Saint-Guy. Ce concert pragois vous a-t-il fait découvrir des oeuvres encore inconnues qui méritent d’être ressuscitées aujourd’hui?

«Ah oui. Je connaissais déjà des oeuvres de Zelenka pour les avoir chantées en France notamment les Lamentations qui sont des pièces magnifiques. Là, je suis très heureux d’avoir découvert de nouvelles pièces de Zelenka et aussi de Reichenauer que je connaissais très peu et qui, d’après la pièce qu’on interprète ici, a l’air d’être un compositeur très intéressant. Je suis certain qu’il y a beaucoup de partitions qui dorment encore dans les bibliothèques en République tchèque et je pense qu’il y a sûrement beaucoup de trésors.»

Au programme du concert il y a aussi plusieurs premières. Vous pouvez-nous dire de quoi il s’agit?

«Oui il y a quelques premières, notamment de Galuppi, de Reichenauer, de Hasse, de compositeurs italiens qui venaient travailler ici à l’époque, il y a eu beaucoup de liens à l’époque entre l’Italie et la Bohême et aussi avec Vienne qui était un centre très important. Voilà, ce sont des pièces que je ne connaissais même pas avant de les travailler pour ce projet. Elles sont le témoignage de la richesse de la musique à l’époque et aussi des liens entre la musique sacrée et la musique d’opéra. On voit clairement que les compositeurs de cette époque n’écrivaient pas d’une manière très différente pour l’église et pour l’opéra. La musique que l’on va donner, les pièces que l’on va donner en concert sont celles de musique sacrée mais l’on pouvait tout a fait les inclure dans les opéras de ces compositeurs.»

Nous savons que vous vous lancez aussi dans la carrière de chef d’orchestre. Comment voyez-vous maintenant la suite de votre carrière?

«Alors, pour le moment les choses ne sont pas très nettes. En fait je suis évidemment passionné par le chant et je mène une carrière de chanteur aujourd’hui. J’ai néanmoins toujours été passionné par la direction. J’ai aussi fait des études de clavecin et de basse continu et donc je me considère comme un musicien que j’espère le plus complet possible. Et il est vrai que dans l’avenir plus au moins proche j’aimerais pouvoir concilier et le chant et la direction d’ensemble et plus tard me tourner même un peu plus vers la direction. Mon actualité est cependant plus celle de chanteur.»

Avec quels chefs d’orchestre aimez-vous travailler ? Quels chefs sont une espèce de modèles pour vous ?

«Alors je dois dire que j’ai eu la grande chance de travailler avec Philippe Herreweghe depuis maintenant trois ans qui pour moi est un très grand chef avec qui j’apprend beaucoup et je suis donc très admiratif de son travail. Et je suis aussi admiratif face à une toute autre vision de la musique, celle de René Jacobs, notamment à l’opéra. Je trouve que c’est un travail incroyable de théâtralité mais aussi un travail musical très riche. »

René Jacobs, lui aussi, a commencé comme contre-ténor et a fini par devenir chef d’orchestre…

«Oui, c’est vrai. (Rires.) Je ne sais pas si j’irai sur ses traces, mais en tous cas c’est un parcours qui est intéressant.»


C’est l’amour sous toutes ses formes qui est le thème principal des Festivités d’été de la musique ancienne. Tandis que le premier concert de Damien Guillon et de l’ensemble du Collegium Marianum est consacré à la musique sacrée donc celle exprimant l’amour de Dieu, d’autres ensembles présenterons les inspirations d’amour plus charnelles qui se sont reflétées dans la musique du Moyen Age à l’époque du romantisme. L’ensemble Le Poème harmonique présentera un spectacle musical mis en scène par Benjamin Lazar et intitulé Une soirée à Venise. La soprano espagnole Maria Espada chantera des cantates de Domenico Scarlatti et le célèbre hautboïste Alfredo Bernardini présentera des sonates de Telemann, de Schaffrath et de Haendel. Quant à la chanteuse polonaise Anna Mikolajczyk, elle a préparé pour son récital des mélodies de Frédérique Chopin et de Pauline Viardot qu’on n’entend que très rarement en concert. Toutes ces manifestations et encore plusieurs autres auront lieu dans des palais, des églises et des couvents de Prague et ces lieux chargés d’histoire rehausseront sans doute encore la beauté de la musique.