Damien Guillon, un ‘falsetto’ à la voix ronde et pure
Grâce aux Festivités d’été de la musique ancienne, un festival organisé ces jours-ci à Prague pour la 10e fois consécutive déjà par le centre culturel Collegium Marianum, nous aurons l’occasion d’entendre Damien Guillon, un des meilleurs contre-ténors français du moment. Accompagné de l’Orchestre du Collegium Marianum, il chantera, ce jeudi, des oeuvres sacrées des archives du château de Prague. Dans la première partie d’un entretien que Damien Guillon a accordé à Vaclav Richter, il a parlé notamment des spécificités de sa voix et de l’art des contre-ténors en général.
On sait que le chant et la musique baroques sont votre domaine. Vers quelles œuvres et vers quels compositeurs vous sentez-vous particulièrement attiré ?
«Alors je dois dire que je me sens particulièrement attiré par la musique allemande, notamment par Jean Sébastien Bach. J’ai également appris la musique en lisant des polyphonies Renaissance dans mon enfance lorsque je chantais dans un choeur d’enfants. J’ai abordé la musique allemande et Bach très rapidement dans mes études musicales. Alors j’ai des affinités particulières avec ce compositeur.»
Que pouvez-vous dire de votre voix. Quels sont ses traits caractéristiques?
«C’est difficile avec le chant parce que, intérieurement, on n’entend pas la même voix qu’entendent les auditeurs. Mais je crois et j’espère que c’est une forme de pureté de son. C’est ce que j’essaie de travailler le plus possible, une voix ronde avec le plus de naturel possible. J’essaie de garder le plus de naturel possible et de former une technique pour pouvoir faire ce que je veux musicalement.»
Vous dites que vous n’entendez pas intérieurement la même voix que les auditeurs. Mais vous entendez quand même vos enregistrements. Donc, y a-t-il une grande différence?
«Pour moi, il y a une grande différence entre la voix que j’entend quand je chante, et celle que j’entend sur les disques. C’est parfois difficile parce qu’on a une impression de son à l’intérieur, et lorsqu’on écoute des prises pour enregistrement on est parfois surpris de ce que l’on entend. On pense faire des choses qui ne passent pas extérieurement. Parfois je pense que je n’ai pas bien chanté un passage et en fait tout va bien lorsqu’on l’écoute. Alors c’est souvent la difficulté avec le chant. »
Vous chantez souvent un répertoire conçu à l’origine pour les castrats, donc pour les chanteurs dont la physiologie vocale était assez spéciale. On a beaucoup dit sur la beauté et l’agilité de la voix des castrats mais il n’y aucun témoin vivant de leur chant. Vous considérez-vous comme l’héritier légitime de leur art?
«Non, pas spécialement. Je pense que les voix des castrats étaient des voix très particulières et aujourd’hui on n’a pas idée de la manière dont ça sonnait. Je ne pense pas qu’il y ait aujourd’hui des voix qui s’approchent tout à fait de ce que pouvaient être les castrats. Je pense que c’était vraiment quelque chose de très particulier. Maintenant j’utilise une voix de ‘falsetto’ qui est totalement naturelle et qui est peut-être l’une des voix qui se rapproche le plus de ce que pouvait être la voix des castrats. En ce sens là on peut se trouver plus au moins proche de ce qu’étaient les castrats mais, encore une fois, je pense que ça devait être beaucoup plus particulier de ce qui est la voix de contre-ténor aujourd’hui.»
Récemment nous avons entendu à Prague votre compatriote Philippe Jaroussky. Pouvez-vous comparer sa voix à la vôtre?
«Oui je connais bien Philippe. C’est un contre-ténor à la voix un peu plus aigue que la mienne. Chez les contre-ténors comme chez les sopranos il y a des types de voix différents et Philippe a effectivement des aigus assez incroyables. Moi, je suis un contre-ténors un peu plus central dans la tessiture, un peu plus grave. Voilà, je crois qu’on peut être effectivement assez proche de ce dont j’ai parlé tout à l’heure, de rechercher un naturel et un son qui soit à la fois rond et le plus pur possible. »