Daniel Cohen : « J’ai voulu faire une comédie familiale, comme celles de mon enfance »
Retour sur la dernière édition du Festival du film français. Une 15e édition qui était notamment sous le signe de la gastronomie avec deux films parlant, de manière très différente, de cet art de la bouche. La semaine dernière, nous avions évoqué le sujet avec Christian Vincent à propos de son film « Les saveurs du palais » sur la cuisinière privée de François Mitterrand. Dans cette nouvelle rubrique culturelle, rencontre avec le réalisateur Daniel Cohen, qui a présenté à Prague son film Comme un chef, avec Jean Reno et Mickaël Youn. Un film qui se veut avant tout une comédie familiale. Daniel Cohen est revenu pour Radio Prague sur la genèse du film.
Etes-vous vous-même un amateur de haute gastronomie ?
« Maintenant, un peu plus qu’il y a quelques années. J’étais surtout amateur de cuisine. C’est quelque chose que j’ai fait depuis tout petit, ça m’a toujours passionné parce que c’est un endroit de création. J’ai découvert le monde de la haute gastronomie qui est très différent : c’est un milieu très technique, ou il faut avoir fait beaucoup d’études etc. pour arriver à atteindre le niveau des 15 ou 16 plus grands chefs français trois étoiles. »
Vous parliez toute à l’heure des films de votre enfance : on compare souvent votre film à « L’aile ou la cuisse », avec Louis de Funès. Vous reconnaissez-vous dans cette comparaison ?
« Totalement. Evidemment je n’ai pas essayé d’imiter ‘L’aile ou la cuisse’. Souvent les comédies sont un peu méprisées. Mais dans le temps elles tiennent : ce sont des films qui peuvent être revus par des familles d’aujourd’hui, et par des générations différentes. Il y a une noblesse dans la comédie qui n’est pas forcément reconnue dans un premier temps. En plus, c’est un art difficile et souvent très critiqué. »J’ai parfois l’impression qu’une certaine forme de comédie est particulièrement critiquée en France. De manière générale, la tragédie dans le théâtre a toujours été considérée comme plus « noble » que la comédie, cela vient peut-être de là.
« Exactement. Toutes proportions gardées, Molière, Goldoni, Feydeau, c’était de la comédie, donc ça traverse les âges, ça raconte les travers des humaines de manière exagérée, sous un autre angle. Cela nous dit quelque chose de l’humain. C’est décrié, mais je n’ai pas l’impression que ce soit uniquement en France. Rappelez-vous ‘Le nom de la rose’ et ce vieux moine qui ne voulait pas que l’humanité rie, c’est pourquoi il avait empoisonné les pages du manuscrit de la comédie d’Aristote qu’on n’a jamais retrouvée. Il y a quelque chose avec le rire depuis longtemps. Peut-être parce que le rire est subversif, qu’il dérange. Je ne dis pas que mon film dérange, mais il y a quelque chose dans le rire qui est certainement une liberté qui peut être problématique à certaines époques. En France, la comédie n’est pas forcément méprisée quand elle est un peu branchée. Moi ce n’est pas mon cas, je voulais faire quelque chose de familial. »
Pour revenir sur ce que vous disiez du monde de la haute gastronomie, quel regard portez-vous sur la « course aux étoiles », sur la financiarisation d’un secteur qui devrait être plutôt un monde de l’art et de l’artisanat…« C’est un milieu fascinant justement à cause de ce mélange détonnant : il existe une compétition à cause de l’existence de ces étoiles qui a deux effets. L’effet positif, c’est que cela pousse tous ces gens à créer et à être encore plus inventifs, et d’un autre côté, la compétition crée des tas de situations difficiles puisque cela crée d’énormes pressions, des enjeux économiques. Mais c’est un monde fascinant : on a l’impression d’entrer chez des peintres du XVIIIe siècle, avec une vingtaine de disciples très respectueux du grand maître. Dans le monde violent d’aujourd’hui, ces grands cuisiniers sont capables de réfléchir sur ce qu’ils pourraient bien faire avec une courgette et une betterave… J’ai vu cette lenteur-là… avec une discipline militaire dans la cuisine. »
Comment expliquez-vous ce regain de films sur la gastronomie ?
« Cela vient en même temps que toutes ces émissions télé culinaires comme ‘Oui chef’, ‘Master chef’ etc. Je crois que c’est un phénomène mondial. Peut-être parce que cela donne aux gens l’idée que la créativité est à la portée de tout le monde, que c’est quelque chose que tout le monde pourrait faire avec trois ingrédients dans son frigo. D’ailleurs en Chine, le film culinaire est un genre à part entière, comme le western ! »Comment s’est fait le choix des acteurs, Jean Reno et Mickaël Youn ?
« C’était mon envie première. Pour Mickaël Youn, qui fait à la télé des choses plutôt des parodies, j’ai toujours pensé que c’était un acteur très sensible. Là, c’est un rôle très sobre et tout en retenue. Jean Reno, c’était aussi une envie de départ. Quand on cherche l’image d’un grand chef français, charismatique, connu dans le monde entier, qui en impose, impossible de ne pas penser à Jean Reno. »
Quelle est votre gastronomie favorite ou votre recette favorite ?« Les recettes que je fais sont simples et traditionnelles comme le pot-au-feu. Sinon, je suis assez ouvert : j’adore la cuisine chinoise, française et celle de mon pays natal, la Tunisie. Les plats épicés, c’est plutôt au Maroc, mais en Tunisie, c’est plutôt les aromates, les herbes, comme menthe, coriandre qui donne immédiatement le goût tunisien. »