Défendre la liberté de la presse – un défi difficile ?
La liberté d’expression, la liberté de la presse… Est-il difficile de la défendre ? Nous avons posé la question au journaliste français Robert Ménard, défenseur farouche de cette liberté, qui a participé à la conférence Forum 2000 qui a eu lieu cette semaine à Prague. Vous avez déjà pu entendre, mercredi, la première partie de cet entretien sur nos ondes.
« C’est peut-être difficile, mais pas comme les gens le pensent. Pas difficile d’un point de vue de sécurité, moi j’ai eu des problèmes comme tout journaliste qui fait ce genre de boulot. En plus, je ne m’intéresse qu’à des pays où il y a des problèmes. Mais ce n’est pas ça. L’idée de la liberté de la presse, au fond, les gens ne sont pas d’accord. J’ai toujours remarqué : quand vous demandez à quelqu’un, vous êtes pour la liberté de la presse, tout le monde vous dit oui. Vous laissez dix secondes et il dit, mais… Et chacun trouve qu’il est pour la liberté de la presse, mais pas sur ça ou par sur ça. Avec chacun, on trouve ces petites interdictions, souvent très légitimes… Il ne faut pas interdire, il faut débattre, c’est une idée révolutionnaire. Et croyez-vous que les gens sont d’accord ? Pas du tout. 23 ans je le mesure tous les jours. Tous les jours, il y a des gens qui viennent me dire, vous avez raison pour la liberté de la presse mais enfin vous ne trouvez pas que les journalistes exagèrent… »
Y a-t-il des thèmes tabous ?
« La lutte contre le racisme. Est-ce qu’il faut interdire les propos racistes ? Je ne le crois pas, c’est paradoxal. En France, où il y a la législation la plus dure sur les propos raciste – la France, c’est un pays qui n’est pas raciste ? Vous pensez que la France est moins raciste, parce qu’elle interdit les propos racistes ? Evidemment pas… L’homophobie. Bien sûr qu’avoir des propos homophobes ce n’est pas bien. Bien sûr que je ne veux pas que mes enfants aient des propos homophobes. Est-ce que l’interdiction de ces propos, c’est la bonne réponse ? Je ne le crois pas. Et je peux vous en donner vingt-cinq exemples comme ça. L’idée n’est pas de dire vive les propos homophobes, vive les propos racistes, vive les propos antisémites. Il s’agit de dire – est-ce que c’est la bonne réponse, est-ce que c’est comme ça qu’on règle la question. Je ne crois pas. Je crois que la liberté d’expression, c’est le meilleur anti-dote à ces dérives racistes, homophobes ou antiféministes, à conditions qu’on discute, qu’on combatte ces idées-là. Mais c’est tellement plus facile d’interdire que de s’accrocher à ces questions-là et de répondre ».