Défense : vers un espace aérien commun tchéco-slovaque
Dès cet été, la République tchèque et la Slovaquie devraient assurer de façon commune ou presque la protection de leur espace aérien. Lundi, le gouvernement tchèque, un mois après Bratislava, a validé ce projet discuté depuis de longues années. Les deux pays coopèrent en fait déjà dans le cadre de l’OTAN mais ils le feront désormais de façon plus rapprochée.
Les relations diplomatiques entre Tchéquie et Slovaquie sont excellentes et les entrevues régulières entre les gouvernements des deux pays issus de la scission de la Tchécoslovaquie sont généralement fructueuses, en particulier pour les questions de défense. Un projet illustre cette bonne entente : la reformation après un quart de siècle d’un espace aérien commun tchéco-slovaque. Le gouvernement de Robert Fico a donné son aval début décembre, celui de Bohuslav Sobotka vient de le faire et, sous réserve de l’accord des parlementaires, tout cela devrait se concrétiser l’été prochain.
Dès lors, les chasseurs slovaques pourront intervenir dans l’espace aérien tchèque, et inversement. Le cas régulièrement cité est celui de la neutralisation d’un avion civil faisant l’objet d’une prise d’otage et pouvant potentiellement être utilisé à des fins terroristes. Le champ d’application de l’accord reste donc relativement restreint. Il complète en fait la coopération qui existe au sein de l’OTAN, qui vise à être en capacité de faire face à une éventuelle agression militaire. La différence est notable comme l’explique Martin Michelot, chercheur en relations internationales et directeur adjoint du think tank Europeum :
« S’il s’agit d’un cas civil, s’il s’agit d’un détournement d’avion, nous ne sommes plus là dans le cadre des compétences de l’OTAN et évidemment avec les pensées parfois très protectionnistes des deux gouvernements tchèque et slovaque sur les risques terroristes dans les deux pays, c’est là qu’on trouve une logique ou un suivi dans la pensée. Mais pour l’instant, il faut bien différencier ce que fait l’OTAN en matière militaire et ce projet qui est largement porté sur les questions civiles ou les questions para-diplomatiques. »Une menace de ce type pour la Slovaquie et la Tchéquie est pour le moins limitée. Ce sont les services de renseignements des deux pays qui le disent. Mais l’autre intérêt de cet accord, cela pourrait être de réaliser des économies d’échelle. Une intensification des entraînements en commun et la possibilité de mobiliser la logistique humaine et matérielle du partenaire sont en effet à l’ordre du jour.
Il y a là cependant un hic : les forces aériennes tchèques recourent à des chasseurs JAS-39 Gripen, qui sont loués à la Suède, tandis que leurs homologues slovaques disposent d’avions de chasse russes de type MiG-29. Les appareils ne sont pas les mêmes et Bratislava, face au vieillissement de sa flotte, négocie actuellement avec Stockholm pour se procurer à son tour des avions Gripen. Si cela se concrétise, la Tchéquie est disposée à aider son voisin. Le premier ministre Bohuslav Sobotka l’a répété à plusieurs reprises :
« La République tchèque est prête à réagir si la Slovaquie décidait d’acquérir de nouveaux avions. Bien sûr, nous ne voulons pas exercer la moindre influence sur cette décision, mais nous sommes prêts à mettre à disposition nos capacités logistiques et nos capacités d’entraînement. Nous considérons qu’il pourrait y avoir dans ce domaine une synergie intéressante. Mais naturellement, c’est une décision du ressort de la souveraineté de la Slovaquie. »La question d’une coopération renforcée pour la protection de l’espace aérien est en fait depuis longtemps discutée de façon plus large au sein du groupe de Visegrád, cet ensemble informel qui rassemblent Hongrie, Pologne, Slovaquie et Tchéquie. Mais les conditions politiques d’un accord sont aujourd’hui loin d’être réunies. Martin Michelot :
« Pour arriver à avoir une base sur laquelle on pourrait conclure un accord politique, il faut réfléchir à des accords sous-régionaux. C’est pour cela qu’il y a un intérêt pour une coopération tchéco-slovaque qui est naturellement la plus facile à réaliser du fait de structures communes, du fait de cultures stratégiques communes, du fait potentiellement aussi d’équipements en commun. »
Une intégration plus poussée au niveau régional reste donc aujourd’hui un objectif lointain. D’autant plus que Tchèques comme Slovaques l’affirment : même avec la mise en place d’un « espace aérien commun », ils continueront à assurer la défense du leur au premier chef.