Denis Talbot, le physiothérapeute français de Chelsea en sélection tchèque (suite)
« Evidemment, quand on côtoie les gens on a tout de suite des attaches. Et je vais donc être à fond derrière l'équipe tchèque. Je pronostique une victoire, mais je pense que ce sera difficile car je connais un peu le football britannique maintenant. Alors, je vais dire 2 à 1 pour la République tchèque. » Denis Talbot ne s'était donc pas trompé. La semaine dernière, envoyé par son club, le physiothérapeute français qui travaille depuis cet été au sein de l'équipe médicale du FC Chelsea avait passé la semaine précédant la rencontre République tchèque - pays de Galles auprès de Petr Cech, opéré des épaules en juillet dernier, afin de poursuivre sa rééducation.
Nous avions donc rencontré Denis Talbot à Prague, à l'hôtel où loge la sélection. Riche de son expérience longue de quinze années au Centre de rééducation du sportif (CERS) de Capbreton, seul établissement français de rééducation réservé uniquement aux sportifs, nous avions notamment évoqué la place de la médecine dans le sport de haut niveau et les dérives de celui-ci en matière de santé :
« La médecine occupe une place importante parce que c'est vrai que quand on a à faire à des stars de ce sport, on se doit de tout faire pour qu'ils puissent pratiquer leur « art » le plus longtemps possible et dans les meilleures conditions. C'est là que la médecine a un rôle évidemment important à jouer pour permettre la préservation de tous ces acquis physiologiques et de tout ce qui nous fait rêver. »
-Quand on voit, par exemple, une équipe comme celle de Chelsea qui dispute un match pratiquement tous les trois - quatre jours pendant la majeure partie de la saison, peut-on dire que la pratique du sport de haut niveau est en contradiction avec la médecine ?
« C'est la question classique. Quels que soient les métiers, on sait bien que quand on soumet son corps à des pratiques intensives, il y a des risques. Chaque métier a plus ou moins ses maladies professionnelles, par syndrome d'« overuse », comme on dit en anglais. Le football n'échappe pas à la règle. Quand on fait son métier tous les jours et qu'on soumet ses articulations, ses muscles et ses tendons à des contraintes importantes, c'est sûr que de temps en temps l'organisme proteste. Et nous, nous sommes là pour essayer d'apaiser les mots et de faire en sorte que ça continue dans les meilleures conditions possibles. »
-Question très vaste : en tant que médecin proche des sportifs et par rapport à toutes les affaires de dopage qui éclatent régulièrement, quel regard portez-vous sur l'état de santé du sport aujourd'hui ? Peut-on pratiquer le sport de haut niveau sinon naturellement, du moins sans avoir recours à certains produits ?
« Bien sûr que cela est possible. Mais il est certain que le « sport business » soumet les gens à de grandes tentations, souvent pour des motifs pécuniaires. Cela peut amener à des dérives et il faut effectivement que tout soit mis en place pour éviter le plus possible ces dérives. Je pense qu'on est en train d'y travailler sur le plan politique. Mais c'est difficile parce qu'il faut que tout le monde se mette d'accord et pas seulement quelques-uns. Or, on le sait bien, dès lors qu'il y a plusieurs parties, les accords sont toujours difficiles. »
-Selon vous, où se situe la limite entre la pratique légale et illégale du sport ?
« C'est une question très vaste... Mais je dirais que la pratique illégale, c'est quand on a recours à des choses dont nous savons, nous médecins, que c'est excessivement mauvais pour la santé. Quand je discute avec les sportifs, c'est ce que je leur dis pour un peu les choquer, même si des fois, quand on leur parle de cinquante ou soixante ans, ça leur paraît, à eux qui en ont vingt, lointain : les gens qui trichent, qui ont triché régulièrement et longtemps, malheureusement « ils ne font pas de vieux os ». C'est un peu le warning qu'on utilise pour leur dire « attention », ne faites pas n'importe quoi parce que le prix à payer est très cher. »