Deux siècles depuis la naissance de Bedřich Smetana : les commémorations ont commencé
Aussi célèbres sur ses terres natales qu’à l’étranger, les œuvres de ce compositeur en ont fait un artiste immortel. Néanmoins, sa vie a été marquée par plusieurs tragédies, par la souffrance et par l’incompréhension.
Bedřich Smetana naît le 2 mars 1824, jour de carnaval. Très tôt, le petit Bedřich fait preuve de talents pour la musique : il maîtrise le solfège dès l’âge de quatre ans, donne son premier concert de piano à six ans et compose bientôt polkas, galops et quadrilles. Contrairement au souhait de son père, Bedřich Smetana ne veut pas entendre parler d’études à l’université : il veut se consacrer à la musique. Pour gagner sa vie, il devient professeur de musique dans la famille du baron Thuna, grâce auquel il se fait connaître de la crème de la société pragoise. Il étudie en parallèle la composition musicale et fonde par ailleurs à Prague une école de musique réputée.
Tragédie familiale et mort de trois filles
Bedřich Smetana se marie pour la première fois à 25 ans, avec Kateřina Otilie Kolářová. Le couple donne naissance à quatre filles, dont trois meurent cependant très jeunes. Seule leur fille Žofie survit. La relation du couple, à l’origine très amoureux, s’effrite. Le compositeur s’établit pendant cinq ans à Göteborg, où il enseigne le piano tout en étant dirigeant l’orchestre local. Il rend occasionnellement visite à son épouse à Prague. Alors qu’il vient de décider de revenir y vivre, celle-ci – qui souffrait de tuberculose depuis des années – meurt subitement.
Bedřich Smetana ne reste cependant pas célibataire très longtemps : un an plus tard, il épouse Barbora Ferdinandiová, de 16 ans sa cadette, avec laquelle il a deux filles. La différence d’âge et de personnalités ne contribuent pas à la bonne relation des deux époux, qui préfèrent vivre séparément.
« L’infirme » infructueux
La santé physique et mentale du compositeur est mise à l’épreuve par les tensions politiques qui opposent le Parti des jeunes tchèques, auquel Smetana est favorable, et le Parti national. Par ailleurs, il ne parvient à obtenir ni le poste de chef de musique au Théâtre provisoire, ni celui de directeur du Conservatoire de Prague. Il s’en consacre d’autant plus à la composition.
Ce n’est qu’avec les premières des Brandebourgeois en Bohême et de La Fiancée vendue, en 1866, que la chance tourne pour lui. Le succès de ces deux opéras lui permet finalement de devenir chef de musique du Théâtre provisoire, et à l’occasion de l’inauguration du Théâtre national, en 1881, il compose un nouvel opéra génial intitulé Libuše.
Mais un nouveau malheur frappe le compositeur : alors qu’il n’a que 50 ans, il devient sourd. Cependant, personne ne semble avoir pitié de lui, et ses rivaux n’hésitent pas à le qualifier « d’infirme ».
Ma Patrie : une œuvre emblématique de l’histoire tchèque
En dépit de sa surdité et de troubles mentaux croissants, en 1879, Bedřich Smetana compose la plus célèbre de ses œuvres : Má Vlast (Ma Patrie). Dans ce cycle de six poèmes symphoniques, qu’il a commencé à composer à l’automne 1874, il glorifie le mythe et l’histoire tchèque (poèmes Vyšehrad, Šárka et Tábor) ainsi que la beauté naturelle des terres tchèques (poèmes Vltava et Z českých luhů a hájů). Par ailleurs, dans le poème Blaník, il place la tradition hussite au-dessus de la tradition de saint Venceslas, parce qu’elle correspond mieux aux aspirations indépendantistes de la nation tchèque de l’époque.
Œuvre significative dans l’histoire tchèque, Ma Patrie est souvent jouée pour les grandes occasions. En 1925, par exemple, le chef d’orchestre Václav Talich l’a choisie pour la première émission radiophonique en direct de l’Orchestre philharmonique tchèque. Sous la direction de Rafael Kubelík, c’est également Ma Patrie qui a été jouée pour célébrer les premières élections libres après la Seconde Guerre mondiale. Bien des années plus tard, ce même chef d’orchestre a pu revivre cette expérience exceptionnelle lorsque Ma Patrie a été interprétée après la chute du rideau de fer, à l’occasion de l’ouverture du festival de musique Printemps de Prague en 1990. Il s’agissait du premier concert de Kubelík depuis son retour dans son pays natal après 41 années d’émigration.
Néanmoins, Bedřich Smetana ne profite pas longtemps de la reconnaissance qu’on lui manifeste désormais. Ses troubles mentaux s’aggravent, souvent accompagnés de crises de violence incontrôlable et d’hallucinations. Il est finalement interné dans un asile d’aliénés où, après seulement un mois de traitement, il décède à l’âge de 60 ans.
Célébrons Smetana
Cette année, c’est à Bedřich Smetana qu’est consacré le cycle de célébrations de la musique tchèque Rok české hudby. Sa ville natale, Litomyšl (région de Pardubice), ne manquera pas d’honorer sa mémoire et son œuvre, tout comme Plzeň, où il a fait ses études et où, cette année, le théâtre de J. K. Tyl met en scène tous les opéras qu’il a composés.
Et la Radio tchèque n’est pas en reste : pour l’occasion, elle a préparé une interprétation de l’opéra Dvě vdovy (Les Deux veuves). « C’est l’un des opéras clés de Smetana, dans lequel il a essayé de sortir du cadre tchèque pour créer une sorte d’opéra conversationnel de salon à la française », explique Robert Jindra, le chef d’orchestre de cet opéra radiophonique. Nos auditeurs pourront l’écouter le 3 mars à 20 h sur Vltava, la station de la Radio tchèque consacrée à la culture, et notamment à la musique classique. Les inteprètes en sont Robert Jindra, Kateřina Kněžíková, Pavol Breslik, Adam Plachetka, Jana Sibera et Petr Nekoranec, ainsi que le chœur du Théâtre national.
Lien vers l’événement Facebook : https://fb.me/e/1FrgtojU3
Bedřich Smetana a également son timbre-poste : à l’occasion du 200e anniversaire du compositeur originaire de Litomyšl, un bloc-feuillet dédié à Ma Patrie a été mis en vente le 14 février 2024.