Diplomatie tchèque : la paix en Ukraine n’est possible que si la Russie change de comportement
Une quarantaine de pays étaient réunis le week-end dernier à Djeddah, en Arabie saoudite, pour essayer d’avancer vers une résolution pacifique de la guerre en Ukraine. La République tchèque était représentée à cette réunion internationale par le vice-ministre des Affaires étrangères Jan Marian. De retour à Prague, il a expliqué au micro de la Radio tchèque quels étaient les résultats des pourparlers, consacrés notamment au plan de paix en dix points proposé par le président ukrainien Volodymyr Zelensky.
« Ce qui est important, c’est que plusieurs délégations, y compris la nôtre, ont manifesté leur volonté de contribuer à la réalisation de ce plan de paix. Il est très important aussi que des pays comme la Chine, l’Inde et le Brésil aient participé à cette réunion et qu’ils aient pu entendre des explications de la part des pays européens et des Ukrainiens, leurs points de vue sur la situation. Nous leur avons expliqué le danger que l’agression russe représentait non seulement pour l’Ukraine et l'Europe, mais aussi pour le monde entier, parce que cette guerre a un impact par exemple sur la sécurité alimentaire. »
« Je dois également souligner qu’en principe, toutes les délégations qui se sont exprimées lors de la réunion ont soutenu l’intégrité territoriale de l’Ukraine et l’invocation de la Charte des Nations unies, qui n’accepte pas une telle guerre agressive. »
Avez-vous donc réussi à persuader les grands pays en développement, comme l’Inde et le Brésil, d’agir de concert avec l’Occident et l’Ukraine pour trouver une solution de paix ?
« Nous parlons-là d’un processus à long terme. Cette réunion n’est ni la première du genre, ni la dernière. Je suppose que les pays qui ont participé à cette réunion à Djeddah, y compris la Chine, participeront aux prochaines réunions également. Il est donc important que nous poursuivions cette démarche et que nous continuions à communiquer avec ces pays et à leur expliquer notre position. J’ai l’impression qu’ils sont à l’écoute. »
« Cette communication est en cours au niveau de l’Union européenne, mais la diplomatie tchèque développe aussi ses propres initiatives : le ministre des Affaires étrangères Jan Lipavský s’est déjà rendu dans plusieurs pays africains et en Inde et il se rendra prochainement au Brésil. Partout, nous expliquons également pourquoi l’agression russe est inacceptable. »
Pour sa part, la République tchèque s’est dite prête à participer à la mise en œuvre du plan de paix ukrainien en particulier dans le domaine de la sécurité nucléaire et de l’enquête sur les crimes de guerre russes. Qu’est-ce que cela signifie plus concrètement ?
« Comme vous le savez, nous offrons une assistance à long terme à l’Ukraine, y compris le soutien politique. En ce qui concerne le plan de paix, nous proposons à l’Ukraine de coopérer avec des institutions et des experts tchèques, en particulier dans le domaine de la sécurité nucléaire. Depuis longtemps, la Tchéquie est également très active dans le domaine de la justice internationale, ce qui signifie que nous pouvons offrir l’aide de nos avocats lorsqu’il s’agit de poursuivre les crimes de guerre russes commis en Ukraine. »
« Nous sommes également très actifs dans ce domaine au sein du Conseil de l’Europe et d’autres organisations internationales où nous aidons l’Ukraine à faire avancer ces mécanismes juridiques en vue de la création d’un futur tribunal pour les crimes de guerre russes. »
Mais comment expliquer le fait que, d’une part, nous proposons à l’Ukraine de poursuivre les criminels de guerre russes, mais d’autre part, il ne figure toujours que trois noms russes sur la liste tchèque de sanctions ?
« Je tiens à souligner que nous sommes un État de droit et que cette liste doit être établie conformément à la loi afin de pouvoir être défendue devant les tribunaux. »
« Certes, c’est un long processus. Mais je peux vous assurer que, bien qu’il n’y ait que trois noms sur la liste pour le moment, nous travaillons bien sûr sur d’autres. Mais l’essentiel est que ces noms soient ajoutés à la liste européenne, car les sanctions ont alors un impact beaucoup plus important que les sanctions nationales. »
Nous avons déjà parlé de l’aide proposée par la République tchèque à l’Ukraine dans la mise en œuvre du plan en dix points. Mais la partie ukrainienne a-t-elle demandé à la Tchéquie ce dont elle avait encore besoin ?
« Nous connaissons les besoins de l’Ukraine en général et c’est pourquoi nous n’avons pas discuté de ce point lors de la réunion. Nous savons ce dont Kyiv a besoin en termes de fournitures d’équipements, d’équipements militaires, et nous faisons pression pour obtenir diverses choses au niveau européen. Nous avons également parlé du développement des relations bilatérales - le président Zelensky s’est récemment rendu à Prague et nous prévoyons d’autres rencontres encore, sans oublier l’assistance que la Tchéquie continue à offrir aux réfugiés de guerre ukrainiens. »
Pensez-vous qu’après la réunion en Arabie saoudite, nous avons en quelque sorte avancé dans le plan d’instauration de paix en Ukraine ? La fin de la guerre est-elle un tout petit peu plus proche ?
« Je pense que nous avons effectivement progressé dans le processus du plan de paix pour l’Ukraine, en y faisant participer d’autres pays. Nous poursuivrons nos efforts en ce sens. Mais le point fondamental reste que la paix n’est possible que si la Russie change de comportement. On ne peut pas s’attendre à la fin des hostilités tant que nous ne savons pas comment la Russie se comportera à l’avenir. »
« Si on en arrive à un conflit gelé, il est fort probable que celui-ci se poursuive. Il faut souligner que ceci n’est pas la première agression russe, mais la deuxième. La première a eu lieu en 2014. »
Peut-on s’attendre désormais à des négociations avec la Russie ?
« Actuellement, les négociations avec la Russie sont très limitées et ne sont pas vraiment à l’ordre du jour pour le moment. Nous devons faire le travail de notre côté et continuer à soutenir l’Ukraine. Car c’est elle qui devra un jour décider dans quelles conditions et à quel moment la paix avec la Russie sera possible. »