Discrimination des enfants roms à l’école : la République tchèque à nouveau épinglée
Dans son dernier rapport, l’ONG Amnesty International dénonce une nouvelle fois la discrimination et la ségrégation des enfants rom dans les écoles tchèques. Depuis de nombreuses années, les gouvernements de tous bords qui se succèdent sont régulièrement mis en demeure par diverses institutions internationales de trouver des solutions concrètes à ce problème, et ce bien que la République tchèque se défende en arguant que des progrès en matière d’inclusion ont été réalisés.
« C’est un vieux problème qui dure dans ce pays : il y a un système d’éducation pour les enfants rom et un autre pour le reste de la population. Je suis sûr que la population tchèque dans son ensemble doit reconnaître que tous les enfants ont droit aux mêmes chances en termes d’instruction. Or, ce n’est pas le cas pour les enfants rom. La population rom ne représente que 3% de la population totale, mais 30% des élèves dans les écoles pratiques sont d’origine rom. Il s’agit d’une situation très claire de ségrégation. Même dans les écoles normales, il existe des bâtiments et des classes différents pour les enfants rom et non rom. C’est de la discrimination. »
En 2007, déjà, la Cour européenne des droits de l’homme avait rendu un arrêt reconnaissant la République tchèque coupable de bafouer le droit des enfants rom à une éducation sans discrimination en les plaçant dans des écoles dites « spéciales » ou « pratiques ». En septembre dernier, la Commission européenne avait sommé les autorités tchèques de s’expliquer face à la très haute proportion de ces enfants dans ces établissements en marge du cursus scolaire commun. Et au début de cette année, la même Commission avait fait savoir qu’elle n’était pas satisfaite de la réponse obtenue.
Du côté du ministère de l’Education tchèque, on rejette les accusations de discrimination. Ce vendredi, le ministre Marcel Chládek a rétorqué que le rapport était en partie basé sur des données fausses ou incomplètes. Petr Mlsna, adjoint au ministre de l’Education :
« Selon moi, ce qui a été dit n’est pas vrai. L’éducation en République tchèque est en conformité avec la Charte des droits et libertés fondamentaux (charte faisant partie du système constitutionnel tchèque, à ne pas confondre avec la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, ndlr) et la loi sur l’éducation basée sur l’égalité des chances en matière d’éducation. Un programme-cadre pour l’éducation élémentaire est en place dans ce cadre et il est de ce point de vue totalement neutre. En analysant le problème des diverses barrières dans l’accès à l’éducation, nous avons réalisé que la pauvreté plus que l’origine ethnique était un facteur qui influençait largement l’accès à l’éducation. »Magdalena Karvayová est membre du groupe d’expert du Conseil des Roms d’Ostrava. Elle-même a connu les écoles spéciales il y a vingt ans de cela, et, selon elle, la situation n’a guère évolué depuis : le problème de l’éducation est à envisager dans un cadre bien plus large :
« L’inégalité des chances dans l’accès à l’éducation n’est plus seulement la question de la surreprésentation des enfants rom dans les écoles pratiques, où ils suivent un curriculum réduit et, de fait, ont peu de chance d’intégrer ensuite un cursus normal. Mais la ségrégation existe aujourd’hui aussi dans les écoles ordinaires. Il existe toujours des écoles près des zones d’exclusion dont le niveau est très bas. On est en train de créer une nouvelle génération perdue d’enfants rom. Le problème de l’éducation est étroitement lié à celui du logement et de l’emploi. Si des enfants issus d’un environnement défavorisé vivent dans des conditions de misère, comment voulez-vous qu’ils s’instruisent dans de bonnes conditions ? »
Education, emploi, logement, santé sont autant de domaines étroitement liés et sans nul doute interdépendants si l’on souhaite améliorer les conditions de vie de la minorité rom en République tchèque. Encore faut-il que le travail de fond envisagé prenne également en compte les préjugés et le racisme endémique vis-à-vis de la communauté rom au sein de la population tchèque.En attendant, le gouvernement tchèque a adopté en février dernier une nouvelle stratégie nationale d’intégration des Roms pour les cinq prochaines années, censée prendre en compte tous ces facteurs. Reste que la mise à pied récente du directeur de l’Agence pour l’intégration sociale et les craintes de voir liquidée cette dernière en raison de sa restructuration envisagée, fait dire à certains que la République tchèque n’en est pas encore au point de prendre le problème à bras-le-corps.