Disparition de Jan Tříska, le Marlon Brando tchèque

Jan Tříska, photo: ČTK

Acteur tchèque parmi les plus populaires de ces dernières décennies, Jan Tříska est décédé dans la nuit de dimanche à lundi, des suites d’une chute du pont Charles à Prague. Parfois surnommé le Marlon Brando tchèque, Jan Tříska s’était fait connaître aussi bien pour son talent sur les planches des salles de théâtre qu’à l’écran, tout d’abord en Tchécoslovaquie, puis aux Etats-Unis après son émigration. Il était âgé de 80 ans.

Jan Tříska,  photo: ČTK
Le drame s’est produit samedi après-midi. Jan Tříska est tombé du pont situé dans le centre historique de la capitale tchèque. Inconscient, l’acteur a été sauvé d’une noyade dans les eaux de la rivière Vltava par deux passagers d’un bateau avant d’être transporté dans un état grave à l’hôpital. Inconnues pour l’heure, les circonstances de sa chute font l’objet d’une enquête. La version selon laquelle Jan Tříska aurait sauté de lui-même du pont n’a pas été confirmée par la police.

Selon plusieurs de ses collègues, Jan Tříska se rendait sur le pont Charles avant le début de chaque tournage pour poser la main sur une statue qui, croyait-il, lui portait chance.

De la danse au théâtre

Radúz a Mahulena,  photo: ČT
Né en 1936, Jan Tříska devient célèbre à l’âge de 25 ans grâce à son interprétation au Théâtre national à Prague du Roméo dans la célèbre pièce de William Shakespeare. Le comédien joue ensuite aux Théâtres de la ville de Prague et Za branou, qu’il fonde avec le metteur en scène Otomar Krejča. Son talent n’échappe pas aux cinéastes et Jan Tříska apparaît alors sur les écrans des salles de cinéma, par exemple dans le film poétique Radúz a Mahulena.

Initialement, Jan Tříska souhaitait devenir danseur. C’est le célèbre acteur Karel Höger qui le convainc d’aller étudier à la DAMU, la prestigieuse école du théâtre à Prague.

Succès à Hollywood

Jan Tříska | Photo: Archives de ČRo
Bien que très populaire, Jan Tříska se retrouve dans le viseur du régime communiste pour ses opinions politiques, qu’il a manifestées notamment en signant Les Deux Mille Mots, un document diffusé pendant le Printemps de Prague pour critiquer le conservatisme du Parti communiste tchécoslovaque. Proche ami de l’écrivain et dramaturge Václav Havel, Jan Tříska décide, en 1977, de fuir son pays avec sa femme et leurs deux filles. Dans une émission d’archives de la Radio tchèque, l’acteur se souvenait qu’il n’était parti qu’avec quelques valises à la main :

« Quand vous vous enfuyez avec deux petits enfants, vous ne prenez rien d’inutile avec vous. Quand vous faites croire que vous partez pour un séjour de vacances de quinze jours en Chypre, vous ne prenez pas de photos de votre grand-mère, grand-père, père ou mère. Sinon, vous devenez suspect. »

La famille émigre tout d’abord en Grèce, puis au Canada, avant finalement, en 1982, de s’installer à Los Angeles. Jan Tříska s’impose vite à Hollywood. Il y tourne une quarantaine de films, parmi lesquels notamment Ragtime et Larry Flint de Miloš Forman ou encore les comédies américaines Infidèlement vôtre et Pas de vacances pour les Blues. Ses films, aussi bien tchèques qu’étrangers, sont interdits en Tchécoslovaquie.

L’inoubliable Igor Hnízdo

'Obecná škola'
Sans jamais revenir définitivement dans son pays d’origine après la Révolution de velours en 1989, Jan Tříska fait des allers-retours réguliers pour s’y produire sur scène et participer à différents tournages. Il rencontre un grand succès notamment pour son interprétation du Roi Lear au théâtre, un rôle qui lui a valu le prix Alfréd Radok. Cette nouvelle ère est marquée aussi par son rôle de professeur intransigeant dans le film Obecná škola (L’école élémentaire) réalisé en 1991 par le cinéaste oscarisé Jan Svěrák.

« Même de petits enfants me demandent un autographe. Mais ils me demandent de signer comme Igor Hnízdo et non pas comme Jan Tříska. Cela me flatte beaucoup. »

Apparu également dans les films Horem pádem, Máj (Mai) de Karel Hynek Mácha, Želary ou Po strništi bos, le dernier film de Jan Svěrák, sorti en salles il y a seulement quelques semaines de cela, Jan Tříska était réputé pour être un grand ascète, végétarien, sportif, non-fumeur et abstinent. Il était arrivé à Prague en fin de semaine dernière pour le tournage du film Na střeše du jeune réalisateur Jiří Mádl dont le lancement était prévu ce lundi.