Dix années depuis le décès du cardinal Tomasek
Le cardinal Frantisek Tomasek est l'une des grandes figures de l'Eglise catholique tchèque. Chose rare dans ce pays : il fut respecté non seulement par les croyants, mais aussi par ceux qui n'ont pas de sympathies particulières pour l'Eglise. Alena Gebertova vous présente son bref portrait, à l'occasion du 10ème anniversaire de sa mort.
Pour une grande partie des Tchèques, le nom du cardinal Frantisek Tomasek est lié à l'opposition contre le régime communiste dans l'ex-Tchécoslovaquie et à sa chute. Dans les années quatre-vingts, il avait en effet le courage de se mettre du côté des personnes persécutées par le régime, de soutenir par son autorité un projet en vue du renouveau spirituel de la nation tchèque. C'est encore lui qui, au lendemain de la révolution de novembre 1989, a su adresser à la nation des paroles justes et encourageantes. Et c'est lui qui a eu le privilège d'accueillir, pour la première fois dans notre pays, au début des années quatre-vingt-dix, le pape Jean-Paul II.
La vie du cardinal Frantisek Tomasek a été longue et mouvementée. Il est né au déclin du IXème siècle en Moravie. A l'âge de sept ans, le petit Frantisek a perdu son père. La tuberculose dont il souffrait ne lui a pas permis de s'engager dans les combats de la Première Guerre mondiale, bien que, très jeune, il ait été recruté. Ordonné prêtre après les études de théologie, Frantisek Tomasek enseignait à la Faculté de théologie d'Olomouc, en Moravie du nord. C'est là qu'il fut nommé professeur, après la fin de la Seconde Guerre mondiale. Trois ans plus tard, donc après l'avènement des communistes au pouvoir, il fut sacré évèque. Le sacre s'est déroulé en secret dans la chapelle privée d'un évèque. La conspiration a été telle que même les gens les plus proches de Tomasek l'ignoraient. Une intervention dure et brutale des communistes contre le clergé était alors à attendre. Et, effectivement, elle n'a pas tardé.
Le régime communiste en Tchécoslovaquie a interné, dans les années cinquante, tous les évèques de diocèses. Quelques deux mille et demi de religieux ont été emprisonnés ou internés dans des camps de travaux forcés. Le tour de Frantisek Tomasek est venu en 1951. A l'époque, il fut un simple curé dans un petit village morave. Il a été détenu au monastère de Zeliv, situé à une centaine de kilomètres de Prague. Il ne servait plus comme une résidence de religieux, car les communistes l'avaient remanié en camp de concentration de prêtres. Environ quatre cents prêtres internés dans le monastère avaient à travailler dans une carrière de pierre, dans les champs, ils nettoyaient les toilettes dans des centres de vacances. Ils y restaient, dans la majorité des cas, pendant de longues années. Frantisek Tomasek a eu plus de chance. Il a été libéré, au bout de trois ans, pour aller vivre et exercer dans un village morave.
Au début des années soixante, Frantisek Tomasek participe au célèbre concile du Vatican. Les autorités de l'Etat lui donnent l'autorisation de quitter le pays, probablement pour faire preuve de leur « bonne volonté ». Peu après, Frantisek Tomasek est nommé « administrateur apostolique », histoire de remplacer le cardinal Frantisek Beran qui, se trouvant à Rome, ne peut plus rentrer dans son pays. La nomination de Tomasek est le fruit d'un compromis entre le Vatican et le régime communiste.
Lorsque le Printemps de Prague 1968 arrive, Frantisek Tomasek espère redonner un nouvel élan à l'Eglise, anéanti par de longues années d'oppression. Les chars soviétiques mettent un terme aux espérances du peuple tchèque et, aussi, à celles de Frantisek Tomasek.
Vers la fin des années soixante-dix, Frantisek Tomasek est nommé cardinal et primat tchèque. A cette époque-là, il est perçu comme quelqu'un qui ne veut pas se mêler aux affaires publiques. Les choses changent avec l'arrivée des années quatre-vingts. A un âge avancé, Frantisek Tomasek devient une grande autorité morale de la nation tchèque. Il réclame à haute voix non seulement les libertés religieuses, mais une liberté pour toute la nation tchèque. L'Eglise ne veut pas s'occuper uniquement d'elle-même, mais elle assume la responsabilité du climat moral dans toute la société : dans cet esprit il agissait, dans cet esprit il adressait des lettres ouvertes à des représentants communistes et défendait les opprimés du régime.
Le destin a donné au cardinal Tomasek le bonheur de connaître la chute du régime communiste et l'instauration de la liberté. Pendant les journées révolutionnaires de novembre 1989, il a dit, à la cathédrale Saint-Guy, je cite : « En ce moment crucial du combat pour la vérité et la justice dans notre pays, moi et toute l'Eglise catholique, nous sommes du côté de la nation »... Frantisek Tomasek est mort en août 1992. Il avait 93 ans.