Trente-cinq ans depuis la canonisation de sainte Agnès de Bohême
Le 12 novembre 1989, le pape Jean-Paul II canonisait la princesse Agnès de Bohême au cours d’une messe organisée au Vatican. Plusieurs milliers de croyants tchécoslovaques avaient été autorisé à s’y rendre, ce qui était déjà un petit miracle en soi… Et il fut suivi, quelques jours plus tard, par le début d’un grand chamboulement politique synonyme d’espoir pour la société tchèque : la révolution de Velours.
Le 12 novembre 1989, le pape Jean-Paul II canonise, par un discours en tchèque, Agnès de Bohême devant une assemblée de fidèles. Pour cet événement, symbolique à plus d’un titre, 10 000 pèlerins venus de Tchécoslovaquie ont fait le déplacement à Rome. Pour le besoin de l’Eglise catholique, la Tchécoslovaquie communiste avait en effet accepté de mettre à disposition, au mois d’octobre 1989, cent bus, quatre trains et deux avions. Une décision qui peut sembler surprenante, mais dont l’explication est toute rationnelle : si le Comité central du parti communiste a finalement donné son feu vert, c’est pour éviter que la canonisation de Sainte Agnès ne se tienne au stade de Strahov à Prague en présence du pape, comme les évêques l’avait initialement demandé.
Fille du roi Ottokar Ier de Bohême, de la dynastie des Přemyslides, Agnès de Bohême (1211-1282) a contribué à l’arrivée des franciscains en Bohême et a fondé, à Prague, un couvent et un hôpital ainsi que l’Ordre des chevaliers de la Croix à l’Étoile rouge, qui est le seul ordre religieux masculin fondé par une femme.
Si saint Venceslas est le patron des pays tchèques, Agnès de Bohême est également vue par certains, croyants ou pas, comme une mère protectrice de la nation. Dès le Moyen Age, des souverains se sont efforcés de faire canoniser cette princesse devenue abbesse. En vain, car une des conditions alors requises était l’existence d’une sépulture, or le tombeau de la sainte n’a jamais été retrouvé. Toutefois, cela ne sera plus un prérequis à partir de 1982, date de la canonisation d’un Franciscain polonais, Maximilian Kolbe, mort à Auschwitz.
Dans une société marquée par 40 ans d’athéisme forcé, la canonisation d’Agnès de Bohême revêtait en 1989 une force symbolique sans précédent, a fortiori parce qu’elle avait été décidée par un pape issu du bloc soviétique. Un bloc soviétique en décomposition : trois jours plus tôt, dans la nuit du 9 novembre, c’était la chute du mur de Berlin ; quelques jours plus tard, la révolution de Velours commençait en Tchécoslovaquie. A posteriori, de nombreux croyants ont donc évidemment vu la canonisation d’Agnès de Bohême comme un signe annonciateur. D’ailleurs, il y a dix ans, le prêtre et théologien tchèque Tomáš Halík, qui était du voyage au Vatican, avait cité au micro de RPI une « ancienne prophétie rapportée entre les XVIe et XVIIe siècles par le prêtre et historien Jan František Beckovský :
‘Au moment où Sainte Agnès sera canonisée, alors des jours meilleurs viendront pour le peuple tchèque’. »