Dix ans après la partition de la Tchécoslovaquie : pas de frontière pour les artistes !

Richard Muller

Le monde avait du mal à s'y habituer. Aujourd'hui encore, dix ans après la naissance de deux Etats indépendants, les Républiques tchèque et slovaque, il existe des gens qui continuent de parler de la Tchécoslovaquie. Curieusement, les Tchèques et les Slovaques, un peu désemparés au moment de la partition de leur Etat commun, en janvier 1993, ont assez vite pris le goût de la liberté et de l'indépendance. Sans pour autant cesser de s'aimer, de se respecter et de s'enrichir, en particulier dans le domaine artistique...

d'un chalet de montagne dans les Tatras. Mais... comme cette émission est axée sur la culture, nous allons parler d'artistes, pour qui la frontière entre la Tchéquie et la Slovaquie n'est qu'imaginaire. Et alors, sachez que le metteur en scène tchèque réputé, Jan A. Pitinsky, est en train de monter au Théâtre national slovaque une pièce du dramaturge autrichien Thomas Bernhard. Auparavant, Pitinsky a réalisé, à Prague, plusieurs spectacles à succès, avec, dans les rôles principaux, des vedettes slovaques... Et puis, le spectacle événement, l'année dernière, en République tchèque a été signé du Slovaque Martin Huba, acteur remarquable, metteur en scène et professeur. Eh oui, il s'agissait du Roi Lear, joué, en été, au Château de Prague, dans le cadre du festival Shakespeare. Enfin, le théâtre pragois, Divadlo Bez zabradli, organise chaque année le Festival du théâtre slovaque. Chaque année, les spectacles sont joués à guichet fermé.

Et maintenant, une pause musicale... Il mesure deux mètres, a la tête rasée, approche de la quarantaine, fume de la marihuana, et n'hésite pas en parler au public. Il est Slovaque mais, en chantant, il passe aisément de sa langue maternelle au tchèque. Maintenant, cet homme charismatique et non-conformiste vous chante, en slovaque, ses relations compliquées avec les femmes... Richard Muller.

Et alors, pourquoi porter l'eau à la mer ? », explique-t-il. La jeune et ravissante Jana Kirschner, que vous allez écouter dans un instant, vient de Martin, en Slovaquie centrale. Toute son enfance, elle chante et joue du piano. Puis, la belle aux longs cheveux bruns se fait remarquer comme mannequin, mais reste passionnée de musique. Aujourd'hui, elle a son propre groupe, chante en slovaque, en anglais et, occasionnellement, en tchèque. Jana Kirschner ramasse des prix prestigieux en Slovaquie comme en Tchéquie, mais déménager à Prague ne lui vient même pas à l'esprit. La sympathique et modeste star préfère de loin le calme et l'intimité de sa ville de prédilection, Bratislava... Jana Kirschner et son dernier album, Le pélican...

« Le slovaque est, pour moi, un autre bout de la langue tchèque, plus poétique, moins usé », a dit l'un des meilleurs écrivains tchèques contemporains, Ludvik Vaculik. Difficile de dire qu'est-ce qui est plus joli : "boruvka" en tchèque ? "Cucoriedka" en slovaque ? Ou myrtille en français ?... Pour les Tchèques, vivant en Slovaquie ou pas, il a toujours été amusant de découvrir la richesse du slovaque. Et vice versa. A présent, les deux langues se croisent moins souvent qu'auparavant. En Tchéquie, le slovaque se fait entendre, à part la rue, à la radio : dans les chansons et dans les reportages. C'est triste, mais c'est tout. En Slovaquie, c'est autre chose : la télévision tchèque est captée sur une grande partie du territoire et la presse tchèque est lue même à la campagne.

Julius Satinsky
Les Tchèques ont de quoi s'inspirer... Il semble pourtant que la langue, les mots, les jeux de mots, l'humour nous unissent. A Prague comme à Bratislava, on aime se moquer de soi-même, de nos faiblesses, des difficultés que traversent nos pays, nos jeunes démocraties... Ce rire est fort, un peu amer, mais très soulageant. Impossible de ne pas évoquer, dans ce contexte, le nom du comédien slovaque Julius Satinsky. Cet homme ventru, moustachu et rigolard, très aimé en Tchéquie, nous a quittés, il y a une semaine, à l'âge de 61 ans. Après sa disparition, ses photos, ses portraits et les souvenirs des artistes tchèques de ce bon vivant ont rempli les pages culturelles de tous les journaux tchèques. Les Tchèques adoraient ses films, ses héros un peu maladroits, mais surtout les spectacles humoristiques que Satinsky a créés avec son alter ego, le comédien Milan Lasica. Julius Satinsky était un fin observateur de nos sociétés. Ses opinions et réflexions, assaisonnées de son humour intelligent, il les publiait, sous forme de feuilletons, dans la presse slovaque et tchèque. Il travaillait pour la radio, écrivait des histoires pour enfants, savourait la vie. Voilà donc l'amitié tchéco-slovaque, telle qu'elle se reflète dans le théâtre et la musique. Nous n'avons même pas eu le temps d'aborder le septième art, de présenter tous ces acteurs slovaques qui ont brillé, ces dernières années, dans les films tchèques et qui ont même raflé les prestigieux prix cinématographiques, les Lions tchèques.

Place, maintenant, à une autre personnalité qui se fait applaudir à Prague comme à Bratislava. La chanteuse Hana Hegerova, 70 ans, est Slovaque, mais presque toute sa vie, elle est fixée dans la capitale tchèque. Sa voix grave, le ton poétique, lyrique, intimiste et nostalgique de ses chansons, charment le large public, depuis les années 60... Hana Hegerova et sa chanson Ceresne (Les cerises).

Auteur: Magdalena Segertová
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