Echos de Kalovy Vary : « La première fois que j'ai eu 20 ans »
Hannah a 16 ans, deux soeurs ravissantes et des complexes dus à ses rondeurs. Intelligente, elle est dotée d'un sens de l'humour solide, mais surtout d'un grand talent de musicienne. Féministe avant l'heure (elle vit en banlieue parisienne à la fin des années 60) et contrebassiste par excellence, Hannah réussi à intégrer le jazzband de son lycée, composé jusque-là exclusivement de garçons... C'est à travers la musique qu'elle commencera à se faire une place dans la vie, c'est le jazz qui lui permettra de se découvrir elle-même.
« Je me suis inspirée aussi de mon enfance, avec quand même beaucoup d'extrapolations. D'abord, je n'ai pas de soeurs, j'ai un frère. Mes parents ont des points communs avec les parents dans le film. C'est un couple uni et ma mère est une femme très forte de tête et ardente. Mon père est beaucoup plus calme. Alors j'ai trouvé beaucoup d'éléments de comédie. Mais après, on brode, on rêve, on invente... On ne raconte pas sa propre vie, parce que ce n'est pas assez intéressant. Il faut faire travailler l'imagination pour créer une autre réalité. Moi, en plus, je voulais faire rire, donc il y avait du travail quand même. »
Comment avez-vous trouvé l'actrice principale, Marilou Barry ?
« Quand j'ai commencé le casting, c'était difficile, parce que les jeunes filles de cet âge-là qui sont dans des cours de théâtre sont par définition ravissantes, minces et très préoccupées par leur apparence. Mais mon héroïne était différente, il fallait qu'elle soit forte... C'était difficile. Marilou n'avait pas encore tourné. Je l'ai rencontrée après avoir vu une centaine de filles formidables, mais quand j'ai vu Marilou, j'ai su que c'était elle. Parce qu'elle avait la force d'Hannah, son charisme et son ironie. »« La première fois que j'ai eu 20 ans », cette histoire qui met en scène la petite bourgeoisie de la fin du gaullisme, pourrait-elle se passer aujourd'hui ? Lorraine Lévy :
« C'est quand même l'histoire d'une fille qui souffre d'avoir un physique différent. C'est pareil, le regard de la société est toujours cruel par rapport à l'absence de beauté physique. C'est aussi un film sur la difficulté d'être femme, parce qu'il y a beaucoup de misogynie. Cela a quand même changé, dans nos pays à nous. C'est aussi un film sur la difficulté d'être homosexuel, vécue par l'un des personnages du film. Je pense que les mentalités, aujourd'hui, s'adoucissent et s'ouvrent à la tolérance. Mais je pense que les années 60 donnent quand même plus de force au film : ça se passe juste avant 68' où la jeunesse française a exprimé toute sa violence et tout son besoin de la liberté. Dans le personnage de Hannah, il y a des prémisses de mai 68'. Et puis, Hannah et sa famille sont des survivants de l'holocauste. Quand on est survivant, quoi qu'on en dise et quoi qu'on fasse, on le sera pendant toute sa vie. Je trouvais que ça a donné de la force aux personnages, même si ce n'est pas le sujet du film. »
Tourner une comédie était pour vous drôle ou pas du tout ?« C'est génial et c'est terriblement angoissant. Le rire, c'est vraiment une mécanique d'une précision absolue... ! Et vous savez, quand on tourne, ce sont de petits bouts qu'on va assembler après. C'est tellement découpé, morcelé qu'il faut rester vraiment concentrée. On n'a pas le droit à l'erreur ! Si ça ne fait pas rire, c'est une catastrophe ! Mais je suis heureuse, parce que les gens rient. Hier soir, la projection a commencé à 22h. Je me disais : mais qui est-ce qui va venir ? Or la salle était remplie. Dans ce film, les cinq premières minutes sont les plus importantes, j'attaque tout de suite. Je sens tout de suite si le public va être avec le film ou pas. Et là, il a ri, donc j'étais tranquille...»
Et si le public n'accroche pas ?
« Cela a sûrement dû arriver. A tous les festivals que je fais, je reste dans la salle. Les gens regardent le film et je regarde les gens. En général, ça marche, la communication se fait et le partage a lieu. C'est émouvant ! Quand j'entends les gens rire des choses que je voulais leur donner à rire, ça me donne la chair de poule ! Quand la lumière se rallume, eux, ils ne me reconnaissent pas, je suis une anonyme dans la salle, mais moi, j'ai l'impression d'avoir passer du temps avec eux et j'ai presque envie de les embrasser... J'espère pouvoir en faire d'autres des films, parce que c'est tellement jubilatoire de donner et de recevoir autant ! »Auriez-vous un nouveau projet de tournage en tête... ?
« Oui, je viens de terminer mon deuxième scénario. J'espère tourner le film l'été prochain, parce qu'il me faut une lumière d'été. Mais ce n'est pas une comédie. Il y a des moments drôles, parce que je ne peux pas m'en empêcher (plus je suis triste, plus j'ai besoin de faire rire), mais la vocation du film est plutôt d'émouvoir ou de partager une émotion... On verra. »
Comment vous-même, vous avez vécu vos 16, 20 ans ?
« Ah, c'était une époque terrible ! A 16 ans, on révolte contre tout. Moi, j'avais la chance d'avoir des parents merveilleux. J'étais frustrée de ne pas pouvoir être en colère contre eux, comme mes copines. Il fallait que je trouve d'autres colères. Je savais que ma vie était liée à l'écriture, comme Hannah, dans mon film, sait que la sienne et liée au jazz. Mes parents, comme dans le film, me disaient : l'écriture, c'est bien joli, mais tu gagnes ta vie comment ? Il faut que tu aies un métier d'abord. C'est vrai que j'ai fait des études, mais j'ai toujours ressenti ce besoin d'écrire. Aujourd'hui, pouvoir réaliser ce que j'ai écrit, c'est une écriture nouvelle, l'écriture cinématographique. Et c'est quelque chose qui me passionne. »
Le plus bel âge de la vie, c'est quand, pour vous ?
« C'est le poète Paul Nizan qui disait : 'Je ne permettrai à personne de dire que 20 ans est le plus bel âge de la vie. Je crois que l'âge où on est heureux, c'est l'âge où on est en paix avec soi-même. Cela dépend de chacun. Il y a des gens qui ont la chance d'avoir une jeunesse paisible, parce qu'ils ont trouvé leur place très naturellement, ils savent ce qu'ils veulent faire et ils le font. Et puis, il y a des gens pour qui ça demande toute une vie. Mais je crois vraiment que le moment où on se dit : je suis à ma place, je suis en accord avec mes idéaux et mon âme, je vis auprès de l'homme ou de la femme qui me convient, que j'aime, j'exerce le métier dans lequel je voulais m'inscrire... voilà, ça, c'est vraiment du bonheur. Mais... je crois qu'il ne faut peut-être pas forcément attendre de la vie qu'elle nous donne du bonheur. Quand on a une passion, il faut y aller. Même si c'est difficile, même si les places sont chères, même si ce n'est pas la vérité de vos parents ou vos amis, même si ce n'est pas conforme à la norme... On n'a qu'une vie. Il faut se battre, il faut y aller. C'est d'ailleurs la seule bataille possible. Toutes les guerres... non. Mais se battre pour sa conviction, oui. »