Egon Schiele, peintre de Cesky Krumlov

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Jusqu'au 23 janvier, le Grand Palais à Paris expose dans le cadre de son exposition exceptionnelle intitulée « Vienne 1900 », des oeuvres de Gustav Klimt, Oskar Kokoschka, Koloman Moser et surtout d'Egon Schiele (1890-1918). Pourquoi nous pencher aujourd'hui sur ce peintre expressionniste à l'oeuvre aussi riche que fulgurante ? Parce bien que Viennois, il était lié à la petite ville baroque de Bohême du Sud, Cesky Krumlov, par sa mère, Marie Soukup, native de celle que l'on nomme Krummau en allemand et parce qu'il y séjourna à plusieurs reprises. Rappelons aussi que Schiele fut l'élève de Klimt, bien que son oeuvre postérieure ait complètement abandonné les éléments caractéristiques de son maître. Anna Kubista s'est entretenue avec la commissaire-adjointe de l'exposition, Marie-Amélie zu Salm-Salm. Elle lui a demandé quel était l'apport d'Egon Schiele à la peinture du XXe siècle, quelle était son originalité par rapport aux autres peintres exposés :

Egon Schiele | Photo: Dorotheum/Wikimedia Commons,  public domain
« Egon Schiele a un vocabulaire très personnel. Il traite de sujets très personnels comme par exemple l'amour, la naissance, la mort. Il n'a pas vraiment recours à des sujets traditionnels comme l'iconographie religieuse ou la mythologie. Mais c'est sa manière de faire qui est complètement révolutionnaire. Je pense notamment à son tableau « Le cardinal et la religieuse » qu'il a réalisé au début des années 1910, où il se représente avec sa compagne, tous deux déguisés en cardinal et en religieuse. On peut dire que le sujet est très révolutionnaire pour l'époque, très choquant, mais c'est sa manière de le faire qui est aussi choquante, car il utilise des couleurs très fortes, un rouge très prononcé, et il fait une composition du tableau, basée sur des prismes. C'est dans le langage des formes que ce tableau est aussi choquant, tout autant que par le sujet qu'il traite. Je pense que c'est justement cette combinaison des deux qui fait de Schiele un peintre hors du commun : c'est cette utilisation de la couleur et de la forme, la mise en applat des couleurs, la bidemensionnalité du tableau, tout ce langage a inspiré des peintres abstraits du XXe siècle. »

Quelles oeuvres de Schiele sont exposées ? Y a-t-il par exemple des oeuvres autres que ses représentations figuratives, c'est-à-dire les villes par exemple. Il a peint notamment Cesky Krumlov à de nombreuses reprises.

« Nous avons dans l'exposition une partie importante consacrée aux paysages où l'on retrouve justement une vue de Cesky Krumlov réalisée du haut du Schlossberg. Les paysages de Cesky Krumlov qu'il réalise sont pour la plupart, des paysages inspirés du motif, mais qu'il modifie. Il part de son environnement réel et ensuite il enlève certains détails, il en déplace d'autres pour créer la structure qui lui paraît la plus forte au niveau visuel. »

A ce propos, on peut remarquer que la ville apparaît toujours comme une ville morte, l'ambiance est complètement vide de présence humaine...

« Oui, Schiele élimine la présence humaine de ses tableaux. Il élimine en fait la narrativité de ses tableaux. Il n'y a pas de présence humaine et son intérêt est axé sur la structure, sur l'harmonie des couleurs qui est déterminée par la présence des maisons, des champs ou alors de la Moldau qui traverse la ville. Il y a un jeu très intéressant sur la structure des fenêtres notamment, et tous les détails qu'il retient mais ce n'est pas la présence humaine qui le retient a priori dans ces tableaux-là. »