Empoisonnement des rapaces, un phénomène de plus en plus inquiétant en Tchéquie
Au cours des quatre premiers mois de l’année, les ornithologues tchèques ont recensé 54 cas d’oiseaux empoisonnés. Ce chiffre est plus important que le nombre total de cadavres d’oiseaux retrouvés un peu partout en Tchéquie en 2020. Dans la plupart des cas, il s’agissait de rapaces intoxiqués avec un pesticide interdit. En avril dernier, un premier braconnier tchèque a été condamné à une peine de prison de deux ans et demi avec sursis pour cette pratique auparavant négligée par les autorités.
Spécialisée il y a quelques années encore dans la recherche de personnes disparues, Klára Hlubocká est désormais le seul maître–chien en République tchèque à se consacrer à la quête d’appâts empoisonnés et de cadavres d’animaux intoxiqués. Elle explique :
« Il existe plusieurs groupes d’empoisonneurs en Tchéquie : les chasseurs, les éleveurs de petits animaux, les propriétaires d’étangs, parfois aussi les taxidermistes. Mon retriever porte un collier avec un GPS. Alors je sais exactement quel territoire nous avons parcouru et quels sont les territoires que nous n’avons pas encore examinés. »
Klára Hlubocká documente ses trouvailles avec un appareil photo et transmet ces indices à la police. Elle est appelée à intervenir sur le terrain, avec ses chiens, plusieurs fois par semaine, souvent à la suite de l’appel téléphonique d’une personne ayant retrouvé un cadavre d’animal suspect dans la nature. Depuis la création, en 2017, de cette unité canine, la Société ornithologique tchèque (ČSO) a documenté et soumis à la police plus de 90 cas d’empoisonnement qui ont fait au total 250 victimes.
Président de cette société, Zdeněk Vermouzek se félicite de l’intérêt croissant du public, de la police et des autorités judiciaires pour la destruction volontaire des rapaces qui constituent la majorité des victimes. On trouve parmi elles des espèces menacées d’extinction et protégées, telles que l’Aigle des mers, l’Aigle royal, le Grand corbeau ou le Milan royal. Dans la majorité des cas, les oiseaux sont intoxiqués avec du carbofuran, une substance hautement toxique utilisée comme insecticide, interdite en République tchèque depuis 2008 mais toujours vendue de manière illégale.
Selon Zdeněk Vermouzek, l’intérêt pour la protection des rapaces, qui a abouti à un premier procès d’un empoisonneur, est un phénomène relativement nouveau en Tchéquie, comme il l’a expliqué au quotidien Deník N :
« La situation actuelle est incomparable avec celle d’il y a vingt ans, où la police était complètement indifférente à ce genre de délits. (…) Tout a changé il y a dix ans, avec le lancement d’un projet de protection des oiseaux financé par le programme européen Life. Grâce à ce soutien financier, nous avons pu entraîner les chiens et mettre en place notre unité canine. Nos collègues hongrois, slovaques, autrichiens et serbes participent également à ce projet. Nous n’avons qu’un seul maître-chien pour toute la République tchèque, mais c’est déjà un grand succès. Pour notre ONG, il était impensable il y a quelques années encore d’avoir une équipe qui collaborerait avec la police. Nous avons réussi à la monter, en nous inspirant de l’expérience du Royaume-Uni, de la Norvège et de la Belgique. »
D’après Zdeněk Vermouzek, le nombre réel de rapaces intoxiqués en Tchéquie est encore beaucoup plus important que celui révélé chaque année par les ornithologues. Depuis le début de la pandémie et la mise en place des confinements, les appels téléphoniques qui signalent les oiseaux morts retrouvés dans la nature sont également de plus en plus nombreux.