En 2019, la démocratie tchèque aura trente ans

Photo: Peter Turnley, public domain

Après, l’année dernière, une avalanche de commémorations des « dates en 8 », qui ont jalonné la vie des Tchèques et des Slovaques au XXe siècle, arrive l’année 2019, tout aussi riche, ou presque, en anniversaires historiques. Tantôt heureux, tantôt tristes, ces grands événements reflètent la lutte des Tchèques pour la liberté et la démocratie, combat qui a culminé en novembre 1989.

Photo: Peter Turnley,  public domain
Les commémorations des « années en 9 » commencent dès ce mois de janvier, par un anniversaire tragique, celui de la mort de Jan Palach. Il y a bientôt 50 ans, le 16 janvier 1969, ce jeune étudiant tchèque en philosophie s’est immolé en haut de la place Venceslas, au centre de Prague, bouleversé par la résignation de la population tchécoslovaque suite à l’invasion du pays par les troupes du pacte de Varsovie, en août 1968.

Une des nombreuses commémorations du sacrifice de Jan Palach aura lieu à l’Institut français de Prague : le 17 janvier prochain, l’écrivain français Anthony Sitruk y présentera la traduction tchèque de son livre intitulé La vie brève de Jan Palach, paru en juin dernier aux éditions Le Dilettante (https://www.radio.cz/fr/rubrique/special/la-vie-breve-et-romancee-de-jan-palach). Tout comme cette biographie romancée, le biopic tchèque sur Jan Palach, sorti en salles en août dernier, retrace les derniers mois de la vie du jeune homme. Disponible en DVD, ce film intitulé tout simplement Jan Palach a été un succès public et critique. Il a également séduit le journaliste radio, Tomáš Pilát :

« J’ai beaucoup apprécié ce film, car il présente Jan Palach comme une personne en chair et en os. Avant cela, je le prenais pour une icône. J’avais une image finalement assez floue de lui. Dans le film, Jan Palach apparaît comme un jeune homme ordinaire, qui ne s’entend pas toujours bien avec sa mère et qui a aussi certaines difficultés sentimentales. Bref, c’est quelqu’un que l’on pourrait croiser dans la rue. »

Si Jan Palach (ainsi qu’une autre torche humaine, l’étudiant Jan Zajíc, qui s’est immolé, lui, le 25 février 1969), a voulu réveiller le peuple tchécoslovaque de sa léthargie, son geste a trouvé un écho dans la société notamment en août 1969, ainsi que vingt ans plus tard, en janvier 1989.

Le 21 août 1969, à l’occasion du premier anniversaire de l’invasion des troupes soviétiques en Tchécoslovaquie qui a mis fin au processus de libéralisation du pays connu comme le Printemps de Prague, les Tchèques sont sortis en masse dans la rue. Ces manifestations ont fait plusieurs victimes, comme le rappelle l’historien Milan Bárta :

« Pour les autorités dirigées par le secrétaire général du parti communiste Gustáv Husák, ces manifestations étaient en fait les bienvenues. C’était une occasion pour le parti de montrer sa force face aux ‘provocateurs contre-révolutionnaires’, comme on appelait à l’époque les opposants à la politique de Moscou. Les protestations ont été organisées à Prague et dans plusieurs autres grandes villes du pays, notamment à Brno, Liberec, Opava, Ostrava, České Budějovice et Ústí nad Labem. »

Jan Palach | Photo: public domain
Pendant la longue période dite de « normalisation » qui couvre les années 1970-1980, la majorité des Tchèques et des Slovaques plongent dans cette résignation tellement redoutée par Jan Palach. La société se réveille en janvier 1989, lorsque des manifestations, dirigées par les grandes figures de la dissidence, se déroulent à Prague, en mémoire de Palach justement. Le 30e anniversaire de la révolution de Velours qui marque, en Tchécoslovaquie, la chute du régime communiste, sera le point d’orgue des célébrations des « dates en 9 » : toutes les institutions culturelles du pays seront mobilisées à l’occasion du 17 novembre prochain : à commencer par la Philharmonie tchèque qui présentera à Prague, un concert solennel. De nombreuses expositions de photographie rappelleront les grands événements de novembre 1989 : l’une d’entre-elles, intitulée Havel au Château ! aura lieu, symboliquement, au Château de Prague.

Ensuite, deux dates donneront l’occasion de faire un état des lieux de la jeune démocratie tchèque : le 12 mars prochain, ce sera le 20e anniversaire de l’adhésion de la République tchèque à l’OTAN suivi le 1er mai 2019 du 15e anniversaire de l’entrée du pays dans l’Union européenne.

Enfin, un événement peu réjouissant complète la liste des commémorations en 2019, à savoir le début de l’occupation nazie de la Bohême et de la Moravie-Silésie survenue entre le 14 et le 16 mars 1939. Elle marque, pour beaucoup, le début de la période la plus sombre de l’histoire tchèque, celle du Protectorat de Bohême-Moravie.