En Bohême du Nord, des églises rénovées sans fidèles
En ce début d’année, les questions religieuses occupent le devant de la scène dans l’actualité tchèque. Un nouveau cardinal vient d’être nommé et le débat sur la restitution des biens aux Eglises menace la stabilité gouvernementale. De son côté, la bibliothèque nationale présente jusqu’au 21 janvier, au Klementinum, une exposition retraçant l’histoire de la destruction des lieux de culte dans le nord de la Bohême durant le communisme. Au micro de Radio Prague, l’anthropologue des religions Barbora Spalová revient sur le destin des églises dans cette région
« Depuis 1989, il faut d’abord rappeler la situation initiale, car la Bohême du Nord était une région très catholique et assez riche aussi, donc il y avait beaucoup de bâtiments, de cloîtres et d’églises aussi… »
Vous dites assez riche jusqu’en 1945 ?
« C’est ça, et après le transfert ou le Vertreibung des Allemands… »
Après les expulsions ou le départ des Allemands de Bohême…
« La nouvelle population tchèque n’avait ni les moyens ni la volonté d’entretenir tous ces monuments. Je n’ai pas les chiffres précis, mais plus de la moitié ont été complètement détruits. Après 1989, tout ce qui était la propriété des ordres, des dominicains, des franciscains, se trouvait dans un état plutôt bon, et puis les ordres et les réseaux internationaux ont su réparer ces bâtiments… »Donc une rénovation des cloîtres dans la région….
« Mais pour les églises des diocèses, les bâtiments qui appartenaient au diocèse de Litoměřice, c’était plutôt difficile de les entretenir. Et même si l’on a trouvé des moyens pour les rénover avec l’aide d’associations surtout allemandes comme Kirche im Norden (‘Eglises dans le Nord’), ou de l’Europe de l’Ouest, cela ne veut pas dire que la vie autour de ces églises a été rénovée. »
Donc on rénove les églises mais cela ne veut pas dire qu’il y a forcément fréquentation de ces églises ou des lieux de culte, c’est ça ?
« Ca dépend de la commune, bien sûr, et du lieu. Il y a des églises qui sont considérées comme des lieux de pèlerinage, donc là-bas on peut parler d’une rénovation de la vie religieuse. Dans d’autres lieux, les églises sont rénovées, mais il y a une, deux, voire trois messes par an, et ce sont plutôt les citoyens de la commune qui organisent une fête communale et qui, dans le cadre de cette fête, invitent le prêtre à faire une messe dans l’église pour qu’elle soit ouverte une ou deux fois dans l’année. Donc, ce n’est pas une motivation religieuse qui anime les bâtiments, mais plutôt une rénovation de la vie communale qui prend de temps en temps les églises dans le jeu. »Quel regard les responsables ecclésiastiques, les prêtres des paroisses, portent-ils sur le passé ?
« On ne peut pas généraliser, car il y a de nombreux prêtres polonais qui sont ici en mission, il y a beaucoup de personnes qui sont originaires de la Moravie et très peu qui sont originaires d’ici, car les diocèses tchèques ont en général très peu de prêtres et surtout les diocèses du nord et des anciennes Sudètes. Donc, leur vue sur la mémoire de la région est que la région était développée avec les Allemands, qui sont restés enracinés ici pendant des centaines d’années, étaient croyants évidemment et fréquentaient les églises. Ils ont vécu quelque chose que les prêtres appellent la vie chrétienne, la vie commune chrétienne traditionnelle avec les autorités traditionnelles locales comme le maire et le prêtre. En résumé, pour les prêtres, c’était une belle époque de la région, et c’est à nous de restaurer la région pour lui rendre le visage qu’elle avait avant la guerre. »