Prague, ville aux cents églises

Photo: Slovart
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Prague est souvent appelée « la ville aux cent tours ». En réalité il y en a beaucoup plus. Déjà au XVIIIe siècle le mathématicien Bernard Bolzano a dénombré près de cinq cents tours qui se dressaient au-dessus des toits de la ville. Aujourd’hui leur nombre est encore plus élevé et, selon certaines sources, atteint un millier. La majorité de ces innombrables tours qui couronnent le panorama de la capitale tchèque, sont les clochers des églises et des temples pragois. C’est à ces monuments de l’architecture religieuse qu’est consacré le livre intitulé « Les églises et les temples de Prague (Pražské kostely a chrámy) » paru aux éditions Slovart.

L’ambition de l’auteur du livre Tomáš Vučka était d’écrire un ouvrage qui jetterait un pont entre l’architecture, l’histoire et la littérature. Il voulait d’abord créer un livre sur l’architecture religieuse de la capitale tchèque mais aussi une espèce d´anthologie des textes inspirés par les églises de Prague :

« Avec le rédacteur Jan Heller, mon collègue, nous avons voulu d’abord créer un livre dans lequel les informations sur les églises seraient accompagnées de textes littéraires. Nous espérions trouver dans la littérature prosaïque ou dans la poésie pour chaque église un texte ou une légende liés à ce monument. Cela s´est avéré finalement comme une tâche très difficile et pratiquement irréalisable et nous avons donc été obligés de modifier notre projet. Nous avons décidé de concevoir ce livre comme un guide de l’histoire des églises, des temples et des synagogues de Prague et aussi un guide des légendes qui sont associées à ces monuments religieux. »

Photo: Slovart
La République tchèque est un des pays les plus sécularisés d’Europe et le nombre de croyants tchèques est toujours en baisse. Pourtant les villes et les villages tchèques sont toujours dominés par des tours et des clochers de monuments religieux qui démontrent que la foi était jadis profondément ancrée dans la vie de leurs habitants. C’est la foi qui modelait et couronnait l’architecture du passé et trouvait son expression dans d’innombrables églises, chapelles, couvents, croix, statues, calvaires et autres monuments qui donnent encore aujourd’hui un caractère inimitable aux villes, aux villages et à la campagne tchèque et nous rappellent que nos ancêtres étaient un peuple de croyants. C’est surtout à Prague que la ferveur religieuse a donné de très beaux fruits. Les églises gothiques et baroques de Prague sont souvent des édifices d’une beauté exquise et d’un style exemplaire. La foi était cependant aussi la cause d’antagonismes, de rivalités, de conflits sanglants et de guerres de religion. Le livre de Tomáš Vučka rappelle que les monuments d’architecture religieuse devenaient souvent cibles et victimes de ces explosions d’intolérance :

Le siège de Prague par les Suédois en 1648
« L’évolution historique de Prague a été tumultueuse et dramatique. Nous pouvons dire donc qu´en général presque toutes les églises historiques de la capitale sont marquées par ces événements. Ces monuments ont subi les guerres hussites, la guerre de Trente Ans, le siège de Prague par les Suédois au XVIIe siècle, les sièges de la ville par l’armée prussienne, par l’armée française. De nombreuses églises ont été gravement endommagées par de grands incendies dans la Vieille Ville. L´histoire de pratiquement toutes les églises pragoises est donc très mouvementée. »

Le livre « Les Eglises et les temples de Prague » n’a que 144 pages et il est donc évident qu’il n’arrive pas à saisir son thème dans son ensemble. L’auteur a été obligé de faire le tri et son choix des églises est souvent très subjectif. Voilà comment il explique ses intentions et les motifs qui ont été décisifs pour son choix :

L'église Saint-Pierre de la Nouvelle ville,  photo: Štěpánka Budková
« Ce qui serait le plus intéressant pour moi, ce serait de créer un livre sur les monuments moins connus, inconnu ou oubliés. Il fallait cependant aussi prendre en considération l´aspect commercial de notre projet et nous avons donc opté pour un compromis. Le lecteur trouvera donc dans notre livre les églises célèbres que tout le monde connaît, comme l´église de Notre Dame de Týn, l´église Saint-Georges, la Cathédrale Saint-Guy, mais nous y avons ajouté aussi de petites églises moins connues qui restent en marge de l’intérêt du public. Le lecteur y trouve par exemple aussi l’église Saint-Pierre de la Nouvelle ville, l’église Saint-Henri et Sainte-Cunégonde de la rue Jindřišská, etc. Le critère était donc de présenter les grands monuments célèbres et aussi les églises moins connues se trouvant dans l´enceinte historique de Prague. Evidemment il existe aujourd’hui de nombreuses petites églises qui se trouvent dans les quartiers ayant été jadis à la périphérie de la capitale et auxquelles nous n´avons pas pu consacrer des chapitres individuels mais nous les mentionnons au moins dans la notice à la fin du livre. »

La cathédrale Saint-Guy,  photo:  Barbora Kmentová
Et l’auteur ajoute que c´est probablement l´histoire de la cathédrale Saint-Guy qui sera la plus intéressante pour le lecteur de son livre. Les travaux de la construction de la cathédrale ont duré avec des interruptions pendant des siècles et n´ont été achevés que dans les années 1920. Plusieurs fois dans son histoire la cathédrale a même failli d’être détruite. Ce triste sort a frappé la chapelle de Bethlehem (Betlémská kaple), édifice gothique rendu célèbre par les sermons de Jan Hus, réformateur de l’Eglise catholique, accusé d’hérésie par le Concile de Constance et brûlé vif en 1415. Au XVIIIe siècle la chapelle qui se trouvait dans l’état d’un extrême délabrement a été rasée et c’est sur son emplacement qu’a été construite entre 1836 et 1837 une maison de rapport. Dans les années 1950 la maison a été démolie à son tour et c’est au même endroit qu’a été érigée une réplique de la chapelle de Bethlehem en tant que monument du mouvement hussite.
La chapelle de Bethlehem,  photo: Archives de Radio Prague
Les récits sur le sort des églises ressemblent donc parfois à un roman. Le livre démontre combien ces édifices de pierre sont fragiles et qu’ils finissent parfois par être écrasées par les rouages de l’histoire. Parfois cependant, comme dans le cas de la chapelle de Bethlehem, les églises survivent même à leur anéantissement et renaissent de leurs cendres. En écrivant son livre Tomáš Vučka désirait attirer l’attention du lecteur sur les origines des églises et leur évolution dans le temps :

« Nous ne présentons pas au lecteur les informations du genre : C´est telle ou telle église, bâtie dans telle ou telle époque et dans tel ou tel style. Notre livre cherche à présenter tout le contexte, toutes les circonstances dans lesquelles ces monuments ont été construits, c´est-à-dire les circonstances historiques, politiques et culturelles, par exemple les guerres religieuses, les disputes théologiques ayant influencé l’existence des églises, leurs remaniements, les ecclésiastiques qui y exerçaient le culte et les géraient, si c´était par exemple les catholiques ou les protestants pendant les guerres hussites. Nous proposons donc un aperçu plus large et plus complexe de l´histoire des églises et des localités ou elles étaient bâties. »

Photo: Štěpánka Budková
Les églises restent donc aujourd’hui une partie intégrante du paysage citadin de Prague. Ces témoins du passé sont une matérialisation de notre mémoire collective. Nous les voyons tous les jours, nous passons à côté mais nous y entrons rarement. D’ailleurs les lourdes portes de la majorité des églises de Prague sont fermées la plupart du temps. Le livre de Tomáš Vučka apporte cependant aussi des informations précieuses pour ceux qui désirent visiter ces monuments :

« Le lecteur trouvera dans notre livre entre autres les horaires des offices, c´est-à-dire les moments où les églises sont ouvertes. Malheureusement la grande majorité des églises pragoises sont fermés à l’exception des heures d’offices. Les raisons de ces mesures sont évidentes. Le visiteur ne peut y entrer que pendant les messes ou bien moyennant un prix d´entrée à l´occasion des manifestations qui sont organisées dans de nombreuses églises de Prague, comme lors de divers concerts par exemple. »

Et c’est un aspect des églises qui n’est pas assez souligné dans le livre de Tomáš Vučka. Les églises ont été et sont encore non seulement les lieux du culte mais aussi d’importants centres culturels et foyers de la vie musicale. Dans le passé les meilleurs compositeurs étaient maîtres de chapelle et c’est pour les églises qu’ils ont créé d’innombrables chefs d’œuvre. Aujourd’hui comme dans le passé l’architecture sacrée offre souvent un refuge à la musique sacrée et les églises servent de salles de concert. C’est grâce aux productions musicales que les églises s’ouvrent de nouveau au public et peuvent jouer un rôle actif dans la vie contemporaine.