En février, les Tchèques (pas tous) arrêtent de boire
Les Tchèques comptent parmi les plus grands consommateurs d’alcool dans le monde. Une consommation considérée à risques pour plus d’un million d’entre eux. Devenue une tradition en République tchèque aussi, la campagne « Février sec » qui, consiste à s’abstenir de boire de l’alcool pendant tout le mois de février, a débuté ce lundi.
Envie de mieux dormir, d’être en meilleure forme, de perdre quelques kilos ou encore d’économiser quelques milliers de couronnes ? Et tout cela en même temps, comme d’un coup de baguette magique ? Alors, arrêtez (arrêtons) de boire, ne serait-ce que le temps d’un mois, le temps donc de ce mois de février, comme la campagne « Suchej únor » invite les Tchèques à le faire.
Organisée pour la neuvième année consécutive sur le modèle britannique « Dry January », la campagne, lancée à l’époque par la Ligue des hommes ouverts, vise à sensibiliser la gent masculine et plus généralement l’ensemble de la population aux dangers liés à la consommation du ou des verres de trop.
Bars, restaurants et autres lieux de convivialité ont beau être fermés depuis quelque temps déjà, le défi, en ces temps d’épidémie et de repli sur soi, n’en sera pas moins, cette année encore, de nouveau difficile à relever pour un grand nombre de Tchèques. Pas pour tous néanmoins, comme l’explique Ladislav Csémy, de l’Institut tchèque de la santé mentale, à l’origine d’une étude sur l’évolution des comportements des Tchèques en matière de consommation d’alcool depuis mars dernier et l’application des premières mesures de confinement. Des mesures qui, forcément, ont souvent modifié le mode de vie et les habitudes au quotidien :
« Les gens qui étaient déjà de gros consommateurs avant, ont encore augmenté leur consommation ou affirment l’avoir augmentée durant la pandémie. Inversement, les personnes qui avaient une consommation modérée ou faible, ont encore réduite celle-ci. »
Avec 14,5 litres d’alcool pur par an et par personne âgée d’au moins 15 ans, et même 18,6 litres pour les hommes, chez qui le risque de dépendance est trois plus élevé que chez les femmes, les Tchèques possèdent une consommation moyenne parmi les plus élevées au monde, sensiblement équivalente à celle des Irlandais ou des Allemands.
Cette année, la campagne de sensibilisation est organisée par une nouvelle structure : l’organisation éponyme Suchej únor. Elle rencontre un succès croissant au fil des éditions, selon son responsable Petr Freimann :
« Selon un sondage, 9% de la population adulte a participé l’année dernière, ce qui représente un peu plus d’un demi-million de personnes. Par ailleurs, 58% des Tchèques – un chiffre en forte hausse - étaient informés de la tenue de la campagne. On peut penser que l’intérêt sera plus fort encore cette année, entre autres raisons parce que nous avons publié un livre à l’attention des participants, mais aussi parce que la campagne s’étend désormais aussi à la Slovaquie avec ‘Suchej februar’. »
« Distillé » en vingt-huit chapitres illustrés traitant sur un ton léger de la place de l’alcool et des effets de sa consommation dans des activités de nos vies aussi diverses que le travail, l’éducation des enfants, le sommeil, la conduite au volant, le sport, les pratiques artistiques ou même encore le sexe, agrémenté aussi des témoignages de dix personnalités bien connues du grand public ou encore d’histoires d’hommes et de femmes confrontés au démon de l’alcool, ce livre jaune vendu à 399 couronnes – 15 euros (« le prix d’à peine 10 bières », comme le soulignent les organisateurs) doit aider les participants à la campagne à mieux résister à la tentation de tremper leurs lèvres dans un verre d’alcool d’ici au 28 février prochain.
Mais plus généralement, le succès de la campagne ne s’arrête pas qu’à février, et pas seulement parce qu’il s’agit du mois le plus court de l’année, comme s’en félicite encore Petr Freimann :
« Si on s’en tient au questionnaire que nous avons envoyé l’année dernière aux participants qui s’étaient inscrits sur notre site Internet ou sur Facebook quatre mois après la fin de la campagne, plus de la moitié d’entre eux indiquaient avoir réduit leur consommation d’alcool. Certains ont même continué sur leur lancée et étaient restés sans boire la moindre goutte. Certes, la campagne s’adresse d’abord à des gens motivés, mais ces chiffres confirment son intérêt. Elle pousse les gens à réfléchir à leurs comportements. Souvent ils prennent conscience qu’ils buvaient souvent sans même le vouloir ou sans que le contexte les y oblige, ou tout simplement qu’ils vivent mieux sans alcool ou avec une consommation réduite. »
Entre ne plus boire et boire moins, ou mieux, il faut donc choisir. Les Tchèques qui le souhaitent, ont désormais un mois pour cela.