Presse : « Février sec » ou le droit d’arrêter l’alcool pendant un mois

Cette nouvelle revue de la presse tchèque de la semaine écoulée s’intéresse d’abord à l’approche qu’ont les Tchèques à l’égard du mois de sobriété appelé « Février sec ». Autres sujets traités : l’évolution du regard que portent les Tchèques sur la guerre en Ukraine à la lumière des récents sondages d’opinion, la pratique du ski même lorsqu’il n’y a plus suffisamment de neige ou encore l’Année de la musique tchèque.

Jeudi dernier, la campagne « Février sec » qui appelle les gens à repenser leur consommation d’alccol pendant un mois a commencé en Tchéquie. « Un événement social de masse dont on peut dire qu’il n’est pas tchèque, dans notre contexte hautement anti-conservateur », notait à ce propos un chroniqueur du site Aktualne.cz. Il explique pourquoi:

« Cette opération va à l’encontre de ce à quoi nous sommes habitués depuis des décennies, de ce que nous considérons comme acquis, comme une évidence, souvent comme une obligation sociale. Il s’agit de notre rapport à l’alcool, une drogue à laquelle les Tchèques s’identifient volontiers, considérant la bière comme un symbole national. En ce sens, ‘Février sec’ est une sorte de révolution comparable à l’introduction du droit de vote des femmes. Soudain, en effet, un nouveau droit nous est proposé : le droit de ne pas boire. Un droit qui nous est très souvent refusé par les us et coutumes de la société. »

D’après l’auteur, il est fascinant de constarer que, l’année dernière, 900 000 personnes aient participé à cette campagne :

« Certes, nous ne savons pas combien d’entre elles n’ont effectivement pas trempé leurs lèvres dans une boisson alcoolisée, mais ce n’est pas la question. Ce nombre étonnamment élevé témoigne d’une volonté de changement. La volonté de faire passer la République tchèque du statut de pays de buveurs de bière, d’amateurs d’alcools forts et de vin blanc et rouge à celui de pays dont les habitants aspirent à une vie sans addiction dévastatrice. ‘Février sec’ peut être bénéfique non seulement pour ceux qui s’abstiennent pendant un mois mais aussi pour tous ceux qui essaient encore et encore de se libérer de leur dépendance à l’alcool. »

« Un autre point mérite d’être souligné : face à l’incessante succession de mauvaises nouvelles, ‘Février sec’ propose quelque chose de positif », lit-on encore sur le site.

Tout en craignant la Russie, les Tchèques sont plus réservés envers les Ukrainiens

D’après ce que révèlent de récents sondages, le regard que portent un nombre important de Tchèques sur la guerre et sur les Ukrainiens eux-mêmes est en train de changer. De même, la volonté d’aider l’Ukraine militairement  faiblit. Le site Seznam Zprávy remarque à ce sujet :

Photo illustrative: Radio Prague Int.

« D’après le nouveau rapport semestriel sur l’extrémisme et les préjugés haineux, les agressions contre les Ukrainiens se sont intensifiées. Les gens leurs reprochent un taux de criminalité élevé, leur faible reconnaissance ou encore de la sympathie pour le néo-nazisme. Pour certains Tchèques, les Ukrainiens constituent un véritable désastre. Évidemment, les désinformateurs pro-russes alimentent richement ces opinions et cherchent à minimiser la gravité de la situation sécuritaire en Ukraine. »

Dans cette logique, les antipathies envers les politiciens tchèques au pouvoir, qui sont toujours restés fidèles à leur ligne pro-ukrainienne depuis le début de la guerre, augmentent également. Paradoxalement, pourtant, selon l’agence CVVM, 70 % des Tchèques considèrent la guerre comme une menace pour la Tchéquie :

« Les chiffres sont clairs : plus de deux tiers d’entre eux considèrent la situation en Ukraine comme une menace pour la paix dans le monde. Et jusqu’à 90 % craignent que les chars russes ne finissent par rouler dans les rues de Prague. Tout cela est dépourvu de logique. Au nom de la paix, une partie non négligeable des Tchèques serait prête à laisser l’Ukraine à Poutine. Et, parallèlement, la quasi-totalité craint que les Russes ne nous envahissent. »

Skier malgré l’absence de neige, une anomalie ?

« Les organisateurs des Championnats du monde de biathlon à Nové Město na Moravě déchargent sur les pistes de la neige provenant d’un réfrigérateur géant. La célèbre course de ski de fond Jizerská 50, qui se déroule régulièrement en février, a dû être annulée, car skier sur du bitume, du sable et des aiguilles de pin est impossible. » Tels sont quelques-uns des signes, selon un chroniqueur du quotidien Hospodářské noviny, qui illustrent parfaitement l’actuelle situation météorologique en Tchéquie (et en Europe) et qui l’amènent à penser que, en matière de météo, il ne faut plus compter sur rien. « Que faire ? », s’interroge-t-il néanmoins :

Vysočina Arena | Photo: Tereza Pešoutová,  APF ČRo

« Pour l’instant, nous essayons de lutter contre cette nouvelle réalité du mieux possible d’un point de vue technologique. Nous produisons autant de neige de culture que nous le pouvons ou sortons la neige des ‘réfrigérateurs’. Les efforts des organisateurs des Mondiaux de biathlon sont immenses, mais en même temps, cela est aussi un peu triste et c’est en fait un cercle vicieux. Nous nous plaignons du changement climatique, qui en Tchéquie entraîne la disparition de la neige, dans toute l’Europe. Mais pour que nous puissions continuer à nous divertir en hiver, nous produisons de la neige artificielle. Une production très énergivore alors que, dans le contexte tchèque, l’énergie provient principalement des combustibles fossiles. Ainsi, nous aggravons la crise climatique. »

Non, assure l’auteur du journal économique, il ne s’agit en aucun cas de critiquer les fabricants de neige. « Nous aimons presque tous skier », rappelle-il, avant d’ajouter :

« Il existe des emplois en lien avec l’activité d’enneigement. Les compétitions sont prestigieuses, elles favorisent le tourisme et améliorent l’image du pays. En plus, il est dans la nature humaine de vouloir défier le climat, même quand il s’agit de sport. En témoignent les piscines qui restent ouvertes en hiver, la pratique du hockey sur glace en juillet ou les pelouses des stades de football chauffées. D’un autre côté, la question se pose de savoir s’il convient de faire encore longtemps semblant de croire que le changement climatique n’existe pas et si nous voulons continuer indéfiniment à nous comporter en hiver comme nous l’avons toujours fait, et ce même si les hivers propices à la pratique sports d’hiver règnent désormais ailleurs. »

L’Année de la musique tchèque veut ne pas être « pragocentrique »

2024 - Année de la musique tchèque comprend des centaines de concerts, opéras et autres événements. Le journal Deník N a mis en relief plusieurs points marquants de cet événement soutenu par le ministère de la Culture, qui a investi 200 millions de couronnes dans le projet :

Photo: Théâtre national de Brno

« Tout en étant basé sur le bicentenaire de la naissance du grand compositeur Bedřich Smetana, le projet rend un large hommage à toute la musique tchèque, et plus particulièrement à la musique classique. Un de ses aspects sympathiques est qu’il ne codifie pas ce qu’est une musique tchèque à part entière pour mériter de figurer au programme. Ainsi, par exemple, le festival Mahler de Jihlava en fait partie. De même, l’Année de la musique tchèque ne se veut pas ‘pragocentrique’ et soutient différents projets de manière équilibrée dans tout le pays. Le fait qu’elle ait même fait l’objet de deux ouvertures en est une autre preuve. La première avec le chef d’orchestre Jakub Hrůša lors du concert du Nouvel An de l’Orchestre philharmonique tchèque à Prague, la seconde, le 2 février à Brno, avec la première de l’opéra Dalibor de Smetana sous la baguette d’un autre chef d’orchestre tchèque, Tomáš Hanus, originaire de Brno. La création de cette œuvre lyrique est signée David Pountney, metteur en scène britannique de renommée mondiale et promoteur infatigable de la musique tchèque. »

L’occasion pour le choniqueur du journal Deník N de souligner aussi :

« Si l’on regarde chez notre voisin slovaque, où la ministre de la Culture a déclaré qu’elle ne soutiendrait que l’art authentiquement slovaque et couperait les finances aux autres, on peut se dire que ce n’est déjà pas si mal. »