En République tchèque aussi, on fête les 250 ans de la naissance de Beethoven
A l’occasion des 250 ans de la naissance de Ludwig van Beethoven, de nombreuses célébrations sont organisées un peu partout dans le monde. Si on sait que ce compositeur allemand a résidé une partie de sa vie à Vienne, on ignore souvent qu’il a également séjourné à Prague où il a composé plusieurs œuvres et entretenu une relation d’amitié avec la famille Lobkowicz. Le Palais Lobkowicz, situé non loin du Château de Prague, abrite une collection de partitions du célèbre compositeur.
Dans le quartier de Hradčany, où se dresse le Château de Prague, se trouve le palais Lobkowicz. Construit au XVIe siècle par l’aristocrate Jaroslav de Pernštejn, cet édifice est ouvert au public depuis 2007. Moins connu des touristes que le Château de Prague, ce palais accueille une partie de la collection Lobkowicz, dont les œuvres de nombreux peintres tels que Velázquez et Canaletto mais aussi des objets en lien avec des musiciens comme des partitions originales de Mozart et Beethoven.
Mais comment des partitions originales de Beethoven se sont-elles retrouvées à Prague ? Pour le comprendre, il faut d’abord rappeler qu’aux XVIIIe et XIXe siècles, la noblesse d’Europe centrale employait souvent des musiciens et le mécénat était la règle. Le septième prince de Lobkowicz, qui n’a que deux ans de moins que Beethoven, ne faisait pas exception comme nous l’explique Eleonore Kinsky, musicologue au palais Lobkowicz :
« Franz Joseph Maximilian de Lobkowicz, le septième prince de la lignée, était complètement fou de musique. Il a pu dès l’âge de 25 ans profiter pleinement de son patrimoine et créer son propre orchestre est la première chose qu’il a faite. Il faisait également venir dans ses palais les grandes ‘stars’ de musique de l’époque. Les grands chanteurs qui vivaient à ce moment-là en Europe sont presque tous passés par les salons Lobkowicz, à Vienne ou en Bohême, dont bien sûr Beethoven. La relation entre Lobkowicz et Beethoven a commencé plus ou moins lorsque Beethoven est arrivé à Vienne, c’est-à-dire en 1792. Il venait avec des recommandations d’aristocrates de Bonn donc c’était plus simple de rentrer dans les salons viennois. Au début, ils ont dû se croiser dans les salons d’autres aristocrates et c’est vraiment petit à petit qu’ils ont commencé à former une relation. Nous ne sommes pas sûrs s’ils étaient vraiment amis ou s’ils s’admiraient juste l’un l’autre mais en tout cas c’est devenu une collaboration assez forte. Dans un premier temps, Beethoven donnait des concerts dans les salons du prince de Lobkowicz, principalement dans son palais à Vienne. Ensuite, en 1800, Beethoven a écrit ses premiers quatuors à cordes, dont l’opus 18 qu’il a dédié au prince de Lobkowicz. Ces quatuors ont été joués par les musiciens de ce dernier. »
Au palais Lobkowicz à Prague, les visiteurs pourront trouver des parties manuscrites de la Symphonie n°3 de Beethoven, également connue sous le nom de symphonie Eroica. Il s’agit encore aujourd’hui d’une des symphonies les plus connues au monde. Mais elle a une histoire particulière comme nous le rappelle Eleonore Kinsky :
« La troisième symphonie est une œuvre majeure de Beethoven parce qu’elle est vraiment révolutionnaire dans la manière dont elle a été composée. La symphonie Eroica est beaucoup plus longue que les autres, avec un orchestre plus grand et des idées musicales assez nouvelles pour l’époque. L’Eroica devait être dédiée à Napoléon mais quand il s’est couronné empereur lui-même, toute l’illusion révolutionnaire de Beethoven et tous les espoirs qu’il avait placés en Bonaparte se sont évanouis. Il a retiré le nom de Bonaparte de la partition de l’Eroica et a finalement décidé de dédier l’Eroica à son mécène, le prince de Lobkowicz. Pour cette symphonie, les Lobkowicz ont acheté un troisième cor : ce qui fait de l’Eroica la première symphonie jamais écrite pour plus de deux cors. »
Selon Eleonore Kinsky, ce partenariat aurait participé à la création du mécénat contemporain :
« En 1807, il s’est disputé avec le prince Carl Lichnowsky qui était l’un de ses principaux mécènes. Lichnowsky était en fait assez pro-français. A cause de Napoléon, Beethoven ne l’était plus. Ils se sont disputés là-dessus, tant et si bien que Beethoven est parti. Privé de l’aide financière de Lichnowsky, Beethoven s’est retrouvé criblé de dettes. C’est pourquoi Lobkowicz, l’archiduc Rodolphe de Habsbourg et le prince Ferdinand Jan Kinský ont décidé de lui offrir ensemble une rente de 4 000 florins par an, ce qui était une somme très importante pour l’époque. Cela a vraiment donné l’opportunité à Beethoven de composer de façon tout à fait indépendante, de ne pas composer ce que d’autres personnes commandaient mais vraiment ce qu’il voulait. Beethoven a très peu dédié de morceaux à ses trois mécènes alors qu’il percevait cette rente. Bien sûr, pour un prince de Lobkowicz, c’était très prestigieux d’avoir un grand musicien comme Beethoven lui dédiant sa grande symphonie Eroica mais c’est intéressant de voir que cette rente ressemble au mécénat typique du XIXe siècle, plus proche de ce qu’on connaît aujourd’hui. »
Pour célébrer le 250e anniversaire de la naissance de Beethoven, le palais Lobkowicz compte agrandir la salle d’exposition consacrée au compositeur, afin d’y présenter plus d’objets.
Mais ce palais n’est pas le seul endroit de République tchèque marqué par le passage de Beethoven. A Prague, il existe plusieurs traces du compositeur allemand, notamment dans le quartier de Malá Strana. A la fin du XVIIIe siècle, ce quartier était très fréquenté par les artistes. Beethoven logeait à l’époque dans la rue Lázeňská, dans un bâtiment qui porte aujourd’hui le nom de Palais Beethoven. Aujourd’hui, une plaque commémore le passage du musicien en ces lieux.
Au musée Antonín Dvořák, les visiteurs peuvent également découvrir le bureau, la chaise et le portrait de Beethoven, acquis par Dvořák au XIXe siècle. C’est aussi à Prague que Beethoven a composé plusieurs œuvres pour mandoline, dédiées à la comtesse Joséphine de Clary qui avait pour habitude d’organiser des soirées musicales.
Prague n’est d’ailleurs pas la seule ville tchèque liée à Beethoven. En effet, sur les conseils de son docteur, l’artiste s’est rendu à Teplice, déjà réputé en 1812 pour ses spas. Désormais, on peut trouver dans cette ville thermale du nord de la Bohême un spa Beethoven. A l’occasion du 250e anniversaire du compositeur allemand, des portraits de style Streetart créés par l’artiste Karel Vacek ont d’ailleurs même été installés dans un parc de Teplice.