Il y a 30 ans, l’ambassade de RFA accueillait des milliers de citoyens est-allemands fuyant à l’Ouest

Photo: Adolf Brüggemann

Il y a 30 ans, des milliers de réfugiés est-allemands se bousculaient aux grilles et dans les jardins de l’ambassade de la RFA à Prague, dans l'espoir de passer à l’Ouest par le biais de la mission diplomatique. Cet événement est un des moments-clés qui a mené à la chute du régime communiste dans le bloc de l’Est.

Photo: Adolf Brüggemann
Depuis qu’à partir du 2 mai 1989, la Hongrie a commencé à démanteler le Rideau de fer avant de définitivement ouvrir sa frontière avec l’Autriche début septembre, l’afflux de réfugiés est-allemands n’a cessé de grossir, au grand dam des autorités communistes de la RDA. Et lorsque les garde-frontières tchécoslovaques, aux ordres du régime solidaire avec la vieille garde est-allemande hostile à tout changement, décident de refouler les candidats à l’exil, ceux-ci se réfugient en masse à Prague, tentant le tout pour le tout via l’ambassade de la RFA. En septembre 1989, ils sont des milliers à espérer pouvoir passer de l’autre côté du Rideau de fer.

« D’abord j’ai dû escalader la grille de l’ambassade américaine avoisinante. Elle était surveillée par des soldats américains et nous avions peur qu’ils nous attrapent. J’ai réussi à me faufiler au moment de la relève de la garde. Ensuite, j’ai sauté par-dessus la grille pour me retrouver en territoire ouest-allemand. »

Voilà comment il y a dix ans Michael Roming, un de ces réfugiés est-allemands, décrivait ces journées intenses.

Mobilisée par le pouvoir, la sécurité d’Etat tchécoslovaque est déployée et se met à surveiller les alentours - en vain : le flux continu de citoyens est-allemands ne cesse de grossir. Pendant plusieurs semaines, des milliers de personnes, enfants compris, se massent dans les jardins de l’ambassade, dans des conditions d’hygiène souvent déplorables, comme s’en souvient cet autre témoin et acteur de l’époque :

Photo: Deutsche Botschaft Prag
« Je dois dire que ça sentait particulièrement mauvais ici. Il y avait peu de toilettes et on pouvait attendre son tour pendant des heures… »

Au milieu de la foule, les enfants gambadent et ramassent les pièces de monnaie qui jonchent le sol : marks est-allemands et couronnes tchécoslovaques, dont la plupart des parents espèrent qu’ils ne leur seront bientôt plus d’aucune utilité.

Mais le temps passant, la situation s’apparente de plus en plus à une crise humanitaire. La situation se dénoue finalement le 30 septembre 1989, alors qu’au cours des dernières 48 heures, le nombre des réfugiés a doublé et que près de 4 000 Allemands de l'Est s'entassent dans le parc boueux et les trois étages du palais.

Hans-Dietrich Genscher,  photo: Archives de Radio Prague Int.
Hans-Dietrich Genscher, chef de la diplomatie allemande, fait alors son entrée à l'ambassade. Devant la foule, il annonce aux citoyens est-allemands réfugiés qu’ils vont pouvoir partir à l’Ouest. En 2009, il s’était souvenu de ces moments historiques, au micro de Radio Prague :

« Quand vous faites de la politique pendant de longues années, il y a des bas et des hauts. Mais il y a aussi des moments qui ne sont ni bas ni hauts et qui vous marquent à jamais. C’est ça que je ressens, pour moi cela reste un jour inoubliable. Si vous pouvez prendre part à un tel moment, vous serez éternellement reconnaissant et humble. »

« Vous êtes debout en haut sur le balcon, vous êtes venu en avion et vous savez que vous repartirez en avion et en bas il y a des gens devant vous qui ont tout abandonné. Je sais ce que c’est, je l’ai vécu moi-même en 1952. On ne sait pas comment ça va finir, si ça va se terminer ou prendre une mauvaise tournure. Et là vous avez un grand respect pour ces gens. Il n’y a pas de sentiment de triomphe à ce moment-là, il y a de la reconnaissance, de l’humilité et une immense joie. C’est beau en politique quand on peut participer à des bonnes choses. »

Photo: ČT

Le 1er octobre 1989, plusieurs « trains de la liberté » partaient de la gare de Libeň, à Prague, avec à leur bord, ces citoyens est-allemands aspirant à une vie meilleure. Quelques semaines plus tard, le 9 novembre, tombait le Mur de Berlin.

Tout le mois de septembre et cette semaine en particulier, l’ambassade d’Allemagne à Prague commémore ce 30e anniversaire. Place de Malá Strana (Malostranské náměstí) à Prague, une exposition en plein air rappelle cet exode des Allemands de l’Est qui a précipité la chute du régime communiste. Le 28 septembre, un festival intitulé Le chemin vers la liberté (Cesta za svobodou) et organisé au palais Lobkowicz accueillera débats, concerts, et autres événements germano-tchèques afin de célébrer ce qui a préfiguré l’un des moments les plus importants de la seconde moitié du XXe siècle.

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