« En tant que Basque, je me suis retrouvé dans l’histoire des Tchèques »

Sébastien Duguine, photo: Magdalena Hrozínková

Huit consulats honoraires renforcent la présence diplomatique tchèque en France. Celui de Bordeaux qui n’existe que depuis cinq ans, est administré par Sébastien Duguine, juriste de profession. Au micro de Radio Prague, Sébastien Duguine a parlé de son travail au service de la République tchèque, pays qu’il ne connaissait pas vraiment avant de devenir son consul honoraire en France et dont il est devenu, peu à peu, très proche.

Sébastien Duguine,  photo: Magdalena Hrozínková
« Je suis originaire du Pays basque. Mes études de droit m’ont conduit au métier d’avocat que j’exerce toujours. »

Comment devient-on consul honoraire ?

« Il n’y a pas de petites annonces (rires). Avec mon épouse, nous avons fondé un cabinet orienté à l’international. Nous étions en relation par exemple avec le département international de la mairie de Bordeaux, ainsi qu’avec la Maison de l’Europe. Ces institutions nous ont contactés lorsque l’ambassade tchèque à Paris a eu l’intention de créer un consulat à Bordeaux, car il n’y avait personne pour assurer les services en question dans le sud-ouest de la France, entre Nantes et Marseille. J’ai candidaté et cette candidature a duré deux années. »

Quelle est votre agenda ici, à Bordeaux ?

« Notre travail repose sur plusieurs piliers. Il s’agit notamment de survenir aux besoins administratifs des ressortissants tchèques qui vivent dans la région. Pour cela, nous avons une permanence consulaire tous les jeudis après-midi. Ce travail est beaucoup traité par mon assistante. Nous pouvons aussi venir en aide à des ressortissants qui seraient en difficultés. Celles-ci peuvent être très variées : par exemple, nous transmettons, via l’ambassade, des informations qui nous viennent de la gendarmerie aux familles qui se trouvent au pays. Il nous arrive d’accueillir des personnes qui sont de passage à Bordeaux et qui ont perdu leurs papiers ou qui n’ont pas d’argent. Notre travail a ensuite d’autres aspects liés aux échanges économiques et culturels entre la République tchèque et la France. »

Des entreprises tchèques intéressées par le marché local s’adressent-elles au consulat ?

« Nous avons eu une mission importante à ce niveau à la fin de l’année 2017. J’ai alors organisé la réception d’une quinzaine d’entreprises dans le domaine du numérique qui venaient de la ville de Brno. Pendant trois jours, nous avons fait rencontrer à ces chefs d’entreprises tous les acteurs du numérique dans la ville de Bordeaux. »

Y a-t-il des liens qui se sont créés par la suite ?

« Je n’ai pas eu beaucoup de retour… Je ne pense pas qu’il y avait des implantations, mais en tout cas, des contacts ont été établis pour des partenariats. Ensuite, tout se passe entre ces entreprises privées. »

Bordeaux,  photo: Magdalena Hrozínková
Avez-vous une idée du nombre de Tchèques installés dans la région ?

« Non, nous ne disposons pas de données exactes. C’est difficile à savoir. Les Tchèques qui viennent nous voir sont pour la plupart des gens de passage : des touristes ou des personnes qui profitent de l’ouverture de l’Europe pour voyager de manière plus durable. Nous sommes aussi en contact avec des étudiants qui restent ici un, deux ou trois ans. Les Tchèques installés dans la région (qui est quand même assez large, car il nous arrive de recevoir des gens venant d’Albi par exemple) sont en minorité comparé aux gens de passage. »

Je suppose que la région d’Aquitaine attire un nombre important de touristes tchèques…

« Oui, notre activité consulaire est plus intense en juillet-août. Je me souviens avoir reçu plusieurs appels de la part de châteaux de vin où l’on a trouvé des documents de touristes tchèques… Finalement, j’ai plus d’informations sur l’attractivité de la République tchèque pour les Français. Car mettre en valeur le pays auprès des Français fait aussi partie de notre mission. Au consulat, nous avons à disposition une riche documentation pour ceux qui désirent découvrir votre pays. »

Pourriez-vous nous parler de vos attaches à la République tchèque ?

« Contrairement à ce que l’on pourrait penser, je n’ai aucun lien avec la Tchéquie de par ma famille, comme d’ailleurs la grande majorité des consuls honoraires… Car on distingue les consuls honoraires et les consuls de métier. Pendant ma candidature à ce poste, je me suis beaucoup intéressé à ce pays, via l’histoire qui me passionne à titre privé. J’ai lu des livres sur l’histoire des pays tchèques, histoire assez méconnue en France, mis à part les grands événements du XXe siècle. Au fil des siècles, les Tchèques ont formé une minorité qui a vécu sous la domination de grands empires, mais qui a toujours su conserver son identité et sa langue. C’est un aspect qui me plaît énormément, de la même manière que les châteaux tchèques. J’y vois aussi un lien avec les châteaux d’Aquitaine. »

Bordeaux,  photo: Magdalena Hrozínková
Vous l’avez déjà évoqué, mais cela demande peut-être une explication : quelle est la différence entre un consul honoraire et un consul de métier ?

« Le consul de métier est un fonctionnaire d’Etat, tandis que moi, en tant que consul honoraire, j’ai un autre métier qui me fait vivre. Pour ma part, c’est le métier d’avocat. Il est vrai que ce sont souvent les gens qui travaillent à leur compte qui deviennent consuls honoraires, c’est même un critère de recherche. Mais il existe des exceptions : par exemple, la consule honoraire tchèque à Nantes est enseignante. J’exerce cette activité à la marge : j’ai quatre heures par semaine de permanence consulaire, mais s’il y a une urgence, je peux être sollicité à tout moment. Cela m’est arrivé plusieurs fois. Par exemple, je me souviens avoir reçu une personne licenciée d’un bateau qui était en escale à Bordeaux. Il avait fallu lui trouver un toit parce qu’elle n’avait pas d’argent jusqu’au lendemain.

Sinon, une ou deux fois par an, je reçois à Bordeaux l’ambassadeur tchèque en France. J’essaie alors d’organiser plusieurs mois à l’avance des rencontres dans des institutions locales, car l’ambassadeur actuel (Petr Drulák, ndlr) est un universitaire particulièrement intéressé par des conférences et des débats. Lorsqu’il est là, j’ai le privilège d’être son ‘sherpa’ : dans ma voiture, je l’accompagne partout. Nous allons souvent à Cognac, pour assister à une cérémonie militaire qui y est organisée régulièrement en hommage aux légionnaires tchécoslovaques qui y ont été formés pendant la Première Guerre mondiale. »

Bordeaux,  photo: Magdalena Hrozínková

En juin prochain, vous assisterez, à Prague, à une rencontre des consuls honoraires tchèques du monde entier. Quels sera son programme et ses objectifs ?

« C’est pour la première fois que j’assisterai à cette rencontre depuis ma nomination en 2014. Pendant deux ou trois jours, nous aurons un programme ‘sérieux’ où nous devrions recevoir certaines instructions et informations, pendant que nos compagnes auront un programme à part. Ensuite, nous aurons l’occasion de visiter, dans les villes de province, des sites d’intérêt culturel, historique ou industriel. Ce sera une occasion exceptionnelle de rencontrer des consuls tchèques partout dans le monde et de se retrouver à Prague, une ville magnifique pour laquelle nous travaillons modestement. C’est la plus belle récompense que l’Etat tchèque pouvait nous offrir. »