En Tchéquie aussi, il est possible de manger du cheval contre son gré

Photo: Archives de Radio Prague

Depuis la découverte de viande de cheval dans des lasagnes au bœuf au Royaume-Uni début février, c’est toute la chaîne alimentaire européenne qui se trouve impliquée dans un scandale qui pose les questions de la traçabilité des produits et des logiques marchandes de cette industrie. La République tchèque n’est évidemment pas épargnée et depuis mercredi, un met de fabrication tchèque, en l’occurrence un saucisson, a pour la première fois été pris en flagrant délit de contenir de la viande chevaline.

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Manger du cheval quand on est persuadé de manger du bœuf, ce n’est guère agréable, d’autant plus dans les pays où l’hippophagie ne fait pas partie des us et coutumes. Une trentaine d’entreprises, qu’ils s’agissent des fabricants, revendeurs ou distributeurs, sont jusqu'à présent concernées dans la quasi-totalité des pays européens par cette fraude qui consiste à faire passer une viande pour une autre en modifiant l’étiquetage.

A peine dix jours après le début de l’affaire, des contrôles sanitaires mettent en évidence, en République tchèque aussi, la présence de viande de cheval dans des lasagnes censées contenir uniquement du bœuf. C’est ensuite au tour de la société suédoise Ikea de retirer des boulettes de viande en vente dans ses magasins, puis, plus surprenant encore, des tartes qui auraient été contaminées par des matières fécales. La recette est bien gardée.

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En République tchèque, il s’avère qu’un certain nombre de produits alimentaires contiennent de la viande de cheval sans que cela ne soit indiqué sur leur étiquette, mais ces produits provenaient jusqu’à maintenant de pays étrangers. Hier mercredi, la chaîne de distribution Tesco a annoncé s’être aperçue qu’elle a vendu du salami (le salám Herkules) comportant de la viande d’équidé et fabriqué par la société tchèque Masna Studená, une firme appartenant au magnat de l’industrie alimentaire Andrej Babiš. Comme souvent dans cette affaire, le porte-parole de l’entreprise mise en cause, en l’occurrence Karel Hanzelka, rejette la faute sur l’un de ses fournisseurs :

« Nous sommes, il faut le dire, très surpris car aucune de nos viandes n’a jamais été contaminée par de la viande de cheval et nous avons vérifié d’où elle provenait. Il est très probable qu’un fournisseur italien qui nous vend de la matière première en soit à l’origine. Il est utile de préciser que cette viande qui nous a été fournie a été déclarée en tant que viande de bœuf. »

Dans le cas des lasagnes au bœuf vendues dans les îles Anglo-Celtes, la viande chevaline était originaire de Roumanie, aurait transité par Chypre avant d’être transformée en France et de finalement se retrouver dans l’assiette d’un consommateur britannique. Et pour le saucisson tchèque, la question se pose de savoir quel est l’intérêt d’importer de la viande de bœuf d’Italie. Pour des raisons de coûts ? Karel Hanzelka a une autre explication :

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« La raison en est simple : l’agriculture tchèque n’est pas autosuffisante et nous n’avons pas assez de matière première pour satisfaire la demande de production en viande de ce pays. »

Cette crise ouvre en tous les cas le débat sur les logiques marchandes qui prévalent dans l’Union européenne au détriment de la qualité des produits et de l’information du consommateur, les problèmes de traçabilité et le manque de contrôles indépendants.

Le saucisson frauduleux a été retiré des étalages des établissements Tesco, mais comme pour les autres produits non conformes, il s’agit désormais de déterminer qu’en faire. Certains, comme le ministre de l’Agriculture slovaque, proposent que ces aliments sans danger pour la santé soient distribués gratuitement. Son homologue tchèque Petr Bendl préfère s’en tenir à la procédure habituelle, soit la liquidation totale des stocks. Il espère par ailleurs que des sanctions exemplaires attendent les contrevenants et prépare un texte afin de lutter contre la fraude alimentaire :

Petr Bendl,  photo: Archives de Radio Prague
« Le ministère de la Santé prépare une nouvelle législation pour fixer des sanctions particulières, pour mettre réellement la pression sur les producteurs et avant tout sur ceux qui se fournissent à l’étranger afin qu’ils prennent conscience qu’ils sont eux aussi responsables des articles qu’ils vendent. Et c’est pour cela qu’ils doivent s’engager à vendre des produits de qualité. »

Quelle que soit l’efficacité d’une telle loi, il apparaît que c’est au niveau européen que des mesures devront être prises pour mieux encadrer la filière alimentaire.

A noter enfin que la viande de cheval, introuvable dans les commerces tchèques, a longtemps été un met très apprécié avant de tomber peu à peu en désuétude. Bon appétit.