En Tchéquie aussi, le Wwoof, une autre façon de voyager
Le Wwoof, pour « World Wide Opportunities on Organic Farms », consiste à travailler de manière volontaire dans une ferme biologique en échange du gîte et du couvert. Si cette façon de voyager s’est diversifiée et développée ces dernières années, elle reste largement méconnue du grand public, surtout en Tchéquie où la pratique peine à se démocratiser.
C’est quoi, le wwoofing ?
À l’automne 1971, Sue Coppard, alors secrétaire au Royal College of Art de Londres, ressent un besoin profond de se reconnecter à la nature. Elle décide de partir à la campagne pour vivre de manière temporaire au sein d’une ferme biodynamique dans le Sussex. Les fermiers sont enchantés de faire la connaissance de Sue et des deux autres personnes qui l’accompagnent, donnant l’idée à la secrétaire londonienne d’organiser des week-ends dans des fermes biologiques afin de permettre à des groupes de citadins de (re)découvrir la campagne tout en soutenant l’agriculture biologique. C’est ainsi qu’est né le wwoofing. Depuis, le mouvement s’est étendu bien au-delà des îles britanniques, réunissant aujourd’hui plus de 100 000 adhérents, hôtes comme volontaires, dans 130 pays différents.
Le but premier est donc de permettre aux agriculteurs d’accueillir dans leur exploitation des volontaires qui sont logés et nourris en échange de l’aide qu’ils fournissent. Selon Hynek, propriétaire d’une ferme biologique dans la région de Liberec, dans le nord de la Bohême, et président de l’association des hôtes de Wwoof en Tchéquie, le wwoofing est avant tout une rencontre, une relation entre l’hôte, qui possède la ferme et le wwoofer, le volontaire, qui veut aider, apprendre mais surtout vivre une expérience unique.
« Quand nous avions commencé à travailler dans notre ancienne ferme, nous étions juste heureux de pouvoir compter sur l’aide de quelqu’un d’autre. Mais, avec le temps, nos relations en tant qu’hôtes avec les volontaires, et ce que nous attendions de ces derniers a quelque peu évolué. Parce que maintenant, nous pensons que le plus important pour les volontaires, au-delà de l’aide qu’ils nous apportent, c’est qu’ils puissent vivre une expérience unique. On leur apprend à faire pousser leur propre nourriture, à vivre en autarcie, à être autonome, mais on leur montre aussi qu’ils sont capables de travailler avec leurs mains. On leur enseigne comment vivre avec la nature. »
L’apprentissage de nouvelles manières de vivre
L’apprentissage est fondamental pour Hynek, qui recherche des volontaires curieux et intéressés par ses activités. Pour Lisa, volontaire française ayant passé un mois dans la ferme d’Hynek avec deux de ses amis, le Wwoof est avant tout une opportunité pour voyager différemment et vivre en pleine nature.
« Le wwoofing, c’est échanger un travail dans un autre pays contre le fait d’être nourri, logé, blanchi. On avait nos après-midis de libre et les week-ends aussi, donc ça nous a permis de ’visiter les alentours, de nous baigner, de faire des randonnées. Et le week-end de partir découvrir les grandes villes. »
Effectivement, pour que le wwoofing reste une pratique attrayante, notamment pour les jeunes voyageurs, les journées sont organisées de manière à laisser aux wwoofers la possibilité de profiter, de se reposer et de voyager. Ainsi, wwoofing ne rime pas avec travail intensif, au contraire, les journées étant ainsi limitées à cinq heures de travail, cinq jours par semaine. On écoute Hynek :
« Les wwoofers ne peuvent pas remplacer des travailleurs, des employés. Nous tenons cette ferme en famille, nous sommes capables de travailler sans aide, mais les volontaires sont un simple bonus. Nous prenons aussi du temps pour leur montrer, leur apprendre ce que nous faisons, les techniques et les pratiques que nous utilisons à la ferme, c’est très important. Les hôtes ne doivent pas dépendre de la main d’œuvre des volontaires. Ce n’est pas comme ça que cela doit fonctionner. »
Une expérience authentique et déconnectée
Le wwoofing offre aux volontaires l’opportunité de passer un moment loin du stress de la vie quotidienne en restant totalement déconnectés et centrés sur la nature. En effet, vivre en autarcie, loin de tout, lorsque l’on est habitué à l’effervescence de la vie urbaine, peut être surprenant au premier abord. Loin cependant d’être une souffrance, ce mode de vie rudimentaire a été bénéfique pour Lisa et ses amis :
« On a vraiment été coupés du monde pendant un mois, on vivait dans une roulotte, on travaillait à la ferme le matin, on ne mangeait que des produits qui venaient de la ferme.
Pour moi les points négatifs du départ, quand je suis arrivée, et que je n’étais pas encore dans l’ambiance de l’expérience, c’était de devoir utiliser les toilettes sèches, de ne pas avoir d’eau chaude, de manger toujours la même chose, mais au bout d’une semaine ce n’étaient même plus des points négatifs, on s’y habitue. On a vraiment appris à se satisfaire du nécessaire. On n’était jamais sur nos téléphones, parce qu’on discutait avec la famille, entre nous, on a rencontré plein d’autres gens qui faisaient du wwoofing, qui venaient de Tchéquie ou d’Allemagne, et le soir tout le monde mangeait ensemble, et chacun cuisinait une spécialité de son pays. »
Le wwoof, d’après Hynek, se fonde sur des valeurs qui permettent d’unir les wwoofers autour d’un objectif commun. Il est impératif de mettre l’accent sur la durabilité et le respect de l’environnement en adoptant une conduite éco-responsable. De même, démontrer de l’intérêt, partager sa culture, ses connaissances et son mode de vie, tout en s’ouvrant aux autres, sont des principes incontournables dans la pratique du wwoofing.
Voyager de manière durable et éco-responsable
À l’heure du réchauffement climatique et de la remise en question de l’activité touristique, le wwoofing se révèle être une alternative idéale pour continuer à voyager tout en limitant son impact sur la planète. C’est en cherchant un moyen peu onéreux et responsable de voyager que Lisa a découvert le wwoofing, permettant d’être logé gratuitement sans rien consommer (ou presque) d’extérieur à la ferme.
S’inscrivant dans la tendance du « slow travel », le wwoofing permet, au-delà de l’aspect écologique, de vivre une expérience en immersion totale dans un pays étranger, comme nous le raconte Lisa :
« Je trouve que c’est une autre façon de voyager. Quand on part en vacances, on a tendance à toujours faire les mêmes choses, on va au restaurant, on reste en famille, je n’ai pas l’impression qu’on parle aux gens du pays, on y va pour visiter en tant que touristes. Là on était vraiment plongés dedans, leurs enfants ne parlaient pas anglais donc ils nous ont appris des mots de tchèque, on a beaucoup parlé de la politique, de leurs plats, vu qu’on était dans une famille tchèque on a compris beaucoup plus qu’en une semaine à Prague, entre nous, où on aurait fait des activités classiques. Des fois ça fait du bien aussi de revenir au nécessaire. C’est une super manière de voyager, et moi de mon côté je l’ai déjà suggérée à plein de gens. »
Un développement latent en Tchéquie
La Tchéquie, plus célèbre pour ses villes historiques que pour l’attractivité de ses campagnes, peine à attirer les volontaires étrangers et plus de la moitié des wwoofers qui séjournent en Tchéquie sont eux-mêmes tchèques. Ce sont principalement des citadins, entre vingt et trente ans, à la recherche d’une expérience ressourçante au cœur de la nature, pour une courte période. En effet, en Tchéquie, le wwoofing n’est pas encore une pratique répandue. Le nombre d’hôtes ne s’y limite qu’’à une petite vingtaine et les volontaires affluent timidement. On écoute Hynek :
« En fait, il n’y a pas tant de volontaires qui viennent en République tchèque comparé à d’autres pays, où il y a beaucoup plus d’offres et de demandes, comme en France ou en Suède, par exemple. En Tchéquie, je pense que chaque hôte ne reçoit que cinq à six volontaires par an. Ce n’est pas tant que ça. »
Vous le voyez le wwoof a tout pour se démocratiser et faire des fermes tchèques la nouvelle destination à la mode pour vos vacances.