En Tchéquie, les familles d’accueil remplacent les centres pour nourrissons voués à disparaître
Un an après l’adoption de l’amendement en faveur de la suppression des centres d’accueil pour les jeunes d’enfants de moins de trois ans, où en est-on ? Selon un rapport du ministère du Travail et des Affaires sociales, le nombre d’enfants placés dans ces institutions très critiquées a connu une baisse spectaculaire au cours des quatre dernières années, renforcée la date butoir de 2025 pour leur suppression.
La Tchéquie a longtemps été pointée du doigt par les organisations tchèques et internationales de protection de l’enfance : dans le pays, les enfants en difficulté de moins de 18 ans sont placés dans des centres appelés « maisons d’enfants », tandis que les plus petits, âgés de moins de 3 ans, vivent dans des « centres pour nourrissons » (kojenecký ústav).
Un système déjà supprimé dans la majorité des pays de l’UE, y compris dans les autres anciens Etats communistes : à titre d’exemple, la Slovaquie a interdit de placer en institution les enfants de moins de six ans et en Pologne, la limite a été fixée à dix ans. Il y a un an, l’adoption de l’amendement visant à supprimer ces centres pour nourrissons à l’horizon 2025 avait donc été saluée comme la mise en œuvre d’un changement attendu. D’autant que dans les faits, la tendance était déjà à la baisse.
Au début de cette année, on comptait 138 enfants de moins de trois ans placés en centre pour nourrissons. A titre de comparaison, ils étaient 441 en 2018. La porte-parole du ministère du Travail et des Affaires sociales, Eva Davidová, confirme cette tendance à la baisse, amorcée déjà avant le vote :
« Dans la plupart des régions tchèques, on constate depuis quatre ans une baisse considérable du nombre d’enfants placés dans ces institutions. Si cette tendance se poursuit, nous devrions ne plus avoir un seul enfant en centre pour nourrissons dès 2024. »
Selon les auteurs du rapport ministériel, les chiffres en baisse montrent clairement qu’il est possible de se passer des institutions pour enfants. La sociologue Barbora Křižanová, qui a également contribué à un rapport similaire en 2018, estime positif que le placement en institution soit devenu un ultime recours seulement pour les autorités de protection de l’enfance et les tribunaux :
« Il n’y a plus que quelques enfants en institution dans chaque région. Cela montre bien aussi que le modèle des centres de nourrissons, tel qu’il avait été conçu par la loi n’est plus du tout utile. Cela signifie aussi qu’il était tout à fait possible de s’occuper de ces enfants d’une autre façon. »
Actuellement, il reste une vingtaine de centres pour nourrissons dans tout le pays, mais la plupart sont déjà partiellement vidés de leur personnel. C’est aussi le cas à Most où se trouve le plus grand centre du pays. Depuis le début de l’année, seule une décision judiciaire peut encore décider du placement d’un enfant dans un centre de ce type. En général, parce que la famille n’est pas jugée capable de s’occuper des enfants, comme le rappelle Magdalena Fraňková, porte-parole de la région d’Ústí nad Labem :
« Il peut y avoir différentes raisons : ce peut être en raison d’une dépendance à la drogue, d’importants problèmes financiers, la perte répétée de son logement, ou bien à cause de violences familiales. »
L’alternative aux institutions, ce sont les familles d’accueil : actuellement on en compte 19 000 dans tout le pays, mais il en faudrait encore davantage, selon les organisations de protection de la petite enfance. Selon Pavel Šmýd, de l’Association des familles d’accueil, deux tiers de ces familles sont en général des proches des enfants concernés. Dans certaines régions, comme celle d’Ústí, où se trouve toujours le plus grand nombre d’enfants en institutions, et malgré la hausse des allocations destinées à couvrir les frais liés à l’enfant pris en charge, les familles d’accueil font cruellement défauts : on n’en compte en effet que 50.
Le rapport du ministère, préparé à la demande du Comité européen pour les droits sociaux, traite également de l’origine ethnique des enfants placés en institution. Il y a deux ans, le Comité avait épinglé la République tchèque, estimant que celle-ci violait les droits des enfants roms, qui sont bien plus nombreux dans ces institutions que leur proportion dans la population. Aujourd’hui, ils représentent encore près de la moitié des enfants placés dans des institutions. Or leur placement dans des familles d’accueil se heurte encore à la réticence de nombreux parents de remplacement à les prendre en charge, précisément en raison de leur origine.