Un Avent dans l’ombre du coronavirus

Photo: ČTK/Václav Pancer

Les sujets traités dans cette nouvelle revue de la presse tchèque de la semaine écoulée restent liés à l’épidémie de coronavirus. Comment celle-ci est-elle gérée en Tchéquie ? Nous reviendrons aussi sur une histoire tragique remontant à la Deuxième Guerre mondiale, avant d’évoquer les retombées de la pandémie sur la course aux cadeaux et sur la situation des parents adoptifs. Le magazine proposera enfin un autre regard sur le temps d’incertitude.

La Tchéquie est affectée plus que d’autres pays par la crise du Covid-19 et, pourtant, il manque une action déterminée pour vaincre l’épidémie. Qu’il s’agisse des mesures, des compensations, de la présentation des élites ou encore des réactions des Tchèques, tout se fait seulement « à moitié », « à la condition que »… C’est ce que remarque un commentateur du quotidien économique Hospodářské noviny, selon lequel cette mentalité, ce « peut-êtrisme » comme il la désigne, traverse l’ensemble du pays. Il cite de nombreux exemples :

Photo: ČTK/Vít Šimánek

« Le gouvernement n’arrive pas à décider d’un véritable lockdown comme dans les pays voisins. Il le ferait peut-être s’il ne redoutait pas les réactions des Tchèques. Le leader du Parti social-démocrate menace de quitter la coalition gouvernementale, mais sans jamais passer aux actes. Le jeune activiste Mikuláš Minář, lui, dit vouloir, peut-être, fonder le parti Lidé Pro (Les Gens pour), mais seulement à la condition que les gens le souhaitent. Et ainsi de suite… »

Les retombées de cette façon de faire sont, toujours selon Hospodářské noviny, tant négatives que positives :

« L’incapacité de se prononcer clairement et de défendre une position se traduit par une faculté à se trouver de faux alibis comme on il n’en exite nulle part ailleurs en Europe. Encore acceptable en temps tranquilles, ces fausses excuses deviennent tragiques entemps de crise quand le pays a besoin d’un leadership, de décisions claires, rapides, sans détours et tous ces ‘peut-être’. Face à la propagation du coronavirus, personne n’ose trancher dans le vif et dire que le pays doit se reconfiner. »

Pour ce qui est du côté positif de cette façon de faire, le commentateur indique entre autres le fait que la Tchéquie n’est pas encline aux régimes autoritaires. « Ce n’est pas un hasard si avant la Deuxième Guerre mondiale, la Tchécoslovaquie a constitué un îlot démocratique en Europe centrale », écrit-il.

Une histoire qui rappelle que le Covid n’est pas la fin du monde

'L’Enfance volée',  photo: Radioservis

L’histoire d’un nouveau livre audio intitulé « L’Enfance volée » de Jitka Neradová se déroule pendant la Deuxième Guerre mondiale. Elle raconte les péripéties de quarante-six enfants tchèques, dont certains avaient alors à peine deux ans, internés suite à l’arrestation de leurs parents accusés d’avoir participé à l’attentat contre le protecteur de Bohême-Moravie Reinhard Heydrich. Réagissant à la sortie du livre, le quotidien Lidové noviny a situé cette histoire dans un contexte plus large :

« Le récit de ses souvenirs par un de ces enfants qui ont vécu pendant trois ans dans des conditions horribles, est poignant. Il l’est d’autant plus que l’espoir de revoir un jour leurs parents, exécutés dans le camp de concentration de Mauthausen, a finalement été vain. Le courage dont ces adultes ont fait preuve en aidant les parachutistes de Londres, tout en sachant exposer leurs familles à d’immenses représailles, est inestimable. Il faut le rappeler, car nous avons souvent tendance à justifier notre lâcheté par les craintes pour nos enfants. Ces parents ont été courageux, comme l’ont été des centaines d’autres Tchèques qui ont participé à la résistance, dans le pays et à l’étranger. »

Lidové noviny constate qu’aujourd’hui les gens imaginent difficilement non seulement les horreurs de la guerre et de l’occupation, mais aussi l’absence de libertés sous l’ancien régime communiste :

« Nous sommes prétentieux. Nous croyons disposer du droit d’avoir un Noël opulent, de passer des vacances à la mer, de skier dans les Alpes. Nous ne sommes pas habitués à nous priver de quoi que ce soit. Beaucoup ne réalisent pas que le Covid a changé la donne. C’est désagréable, mais ce n’est ni une guerre ni un génocide, ce n’est pas la fin du monde. Il ne s’agit ni plus ni moins que de se serrer la ceinture. »

Un Noël sans cadeaux, c’est possible

Photo: Petra Emmerová,  ČRo

« Passons un Noël sans cadeaux. Une façon de sauver des milliers de vies », titrait pour sa part récemment le quotidien Deník, qui soulignait également :

« La situation est grave. Au moment où le nombre de personnes contaminées augmente, où les personnels de la santé sont épuisés et les hôpitaux bondés, l’ouverture des grands centres commerciaux apparaît comme un crime. Au lieu d’expliquer aux gens que la santé et la vie ont une plus grande valeur que les cadeux et de déployer tous les efforts pour préparer une vaccination rapide et d’ampleur, le gouvernement attise la fièvre qui précède toujours Noël. »

De l’avis du commentateur, le comportement « incompréhensible, illogique et dangereux » des dirigeants tchèques est marquant en comparaison, par exemple, avec les restritions rigoureuses adoptées en Allemagne. « Géographiquement très proche, ce pays paraît pourtant très loin de nous », écrit-il avant de conlure:

« C‘est donc à nous qu’il appartient d’être raisonnable. En renonçant aux cadeaux, nous pouvons sauver nos proches. »

Un nouveau regard sur le temps d’incertitude

Photo: RyanMcGuire,  Pixabay,  CC0 1.0 DEED

« Le temps où il est impossible de faire des projets présente certains avantages », prétend l’auteur d’un texte publié dans la dernière édition de l’hebdomadaire Respekt, intitulé « Le charme de l’incertitude ». Il explique pourquoi :

« Pour les générations nées après la Deuxième Guerre mondiale, la possibilité de planifier et de faire des projets représentait une évidence. Elle concernait l’éducation, la carrière professionnelle, la famille, l’épargne retraite, les voyages, la croissance économique. La crise économique mondiale, il y a douze ans, a  montré la fragilité d’un système qui a ensuite essuyé un coup dur avec la pandémie de coronavirus. Désormais, faire des projets est devenu impensable dans de nombreux secteurs et domaines. Pour la première fois, la jeune génération est contrainte de prendre conscience des limites de ses possibilités. »

Selon les données relatives aux retombées de la pandémie sur la santé psyhique des Tchèques retenues par l’institut CERGE-EI, le nombre de personnes souffrant d’angoisse ou de dépression a triplé ces derniers temps. « C’est la preuve que le temps d’incertitude est difficile pour tout le monde, et pas seulement pour des raisons d’ordre économique », constate Respekt. Cela n’empêche cependant pas l’auteur de conclure sur une note optimiste. Selon lui, la nouvelle situation développe également la capacité d’improvisation des gens :

« Accepter que nous ne sommes pas les uniques maîtres de nos vies permet de croire que l’avenir sera plus radieux qu’avant la crise. La faculté de l’homme à s’adapter à une situation imprévisible et de tenir compte des limites de ses propres décisions constitue un changement positif. Un nouveau regard sur la pandémie et l’abandon des anciens projets permet d’envisager de nouvelles issues à la situation. »

La pénurie de familles d’accueil

Photo illustrative: Michaela Danelová,  ČRo

La pandémie de coronavirus touche aussi la situation des familles d’accueil pour une période transitoire, rapporte le quotidien Mladá fonta Dnes :

« Les familles d’accueil permettent de remplacer les centres pour nourrissons, le temps de leur trouver des parents adoptifs. De même, elles peuvent accueillir tout enfant âgé de moins de 18 ans. Actuellement, près de 600 personnes, parmi lesquelles les femmes d’une quarantaine d’années prédominent, qui rendent ce service profesionnel dans le pays. Ce nombre ne permet pas de satisfaire tous les besoins. »

Mladá fronta Dnes indique qu’avec la pandémie de coronavirus, l’intérêt pour ce travail décline. D’après un récent sondage mené par l’organisation La bonne famille, près de la moitié des familles d’accueil envisagent de mettre un terme à leur activité, notamment pour des raisons éonomiques. Leur salaire mensuel, qui se situe autour de 20 000 couronnes (près de 800 euros), n’a pas augmenté depuis 2014, indique le journal.