Energie : la fin de la ruée vers le solaire ?
Depuis son adhésion à l’Union européenne en 2004, la République tchèque a beaucoup investi dans les énergies renouvelables. L’objectif affiché pour 2020 est de faire passer la part de ces énergies renouvelables à 13% de la production totale d’électricité, largement dominée par le charbon et le nucléaire. Mais on a été un peu trop vite dans certains secteurs, notamment dans celui de l’énergie solaire.
Pourquoi ce tarif de rachat a-t-il été fixé aussi haut au départ ?
« Le tarif de rachat a été fixé il y a quelques années quand le prix du panneau solaire était encore très cher. Avec la baisse du coût d’investissement, du coût des panneaux solaires qui baisse de manière importante tous les six mois, le tarif de rachat ne correspond plus aujourd’hui à cette technologie. Donc le gouvernement tchèque prévoit une baisse de 25% ou plus de ce tarif de rachat à partir de l’année prochaine, pour réduire cet écart et cette bulle spéculative sur le marché du solaire. »Le boom de l’énergie solaire a attiré beaucoup de capitaux en très peu de temps. Cristina Muntean est la rédactrice en chef du magazine économique Czech business weekly :
« Les investissements dans l’énergie solaire étaient parmi les seuls avec retour sur investissement presque garanti, grâce aux motivations financières offertes par l’Etat tchèque. Maintenant l’Etat tchèque, comme l’Espagne ou l’Allemagne, cesse de stimuler ce marché, mais c’est toujours un investissement très rentable. Pendant la crise, l’investissement dans l’énergie solaire était clair et les banques ont voulu continuer à investir dans ce domaine. Donc il y a eu beaucoup de facteurs qui ont entrainé cette explosion de production d’énergie solaire. »
Le problème est que le réseau tchèque n’était pas préparé à une telle explosion. Fabien Hillairet :
« Fin 2011 on devrait être aux alentours de 2 gigawatts de capacité installée, ce qui est un chiffre considérable. Une capacité installée en trois ans, avec des permis déjà accordés. De mémoire, en France on est à 400 mégawatts, donc cette capacité pour la République tchèque est énorme. Il faut raccorder tout ça au réseau, ce qui est problématique au niveau des puissances. Par ailleurs, l’énergie solaire est une énergie qui est un peu problématique en soi, avec notamment beaucoup de production en période estivale et peu en hiver. »Trop de panneaux solaires ou trop de panneaux solaires d’un seul coup ?
« A mon avis c’est trop en un seul coup. 2 gigawatts, pourquoi pas, mais si on nous donne un peu plus de visibilité, jusqu’à 2015 par exemple. En plus, les tailles des fermes solaires sont en train d’exploser aussi. On était sur des projets de 2-3 mégawatts en 2008, ce qui est déjà une taille importante, même rare en Europe de l’Ouest, et aujourd’hui on voit ici des projets qui dépasse les 15-20 mégawatts jusqu’à 40 mégawatts et même des projets annoncés de 100 mégawatts ! Donc ce sont des fermes solaires de plusieurs centaines d’hectares, qui doivent être raccordées au réseau et dont l’impact est beaucoup plus important. »L’énergie solaire en République tchèque a-t-elle été trop favorisée aux dépens d’autres énergies renouvelables ?
« Si on compare au secteur de l’éolien, qui a un tarif de rachat normal mais intéressant quand même, les capacités installées représentent peut-être 170 mégawatts, ce qui est ridicule. Le problème vient des problèmes administratifs au niveau local. Les communes sont contre en général et l’obtention du permis de construire peut prendre six années... Pour l’énergie solaire c’est beaucoup plus facile au niveau des études, on peut monter une ferme solaire en douze mois. »Cristina Muntean : « Beaucoup d’investisseurs disent qu’ils se heurtent à des problèmes administratifs dans le cas d’éoliennes. C’est à la discrétion des collectivités locales. »
Est-ce que l’engagement de la République tchèque de passer à 13% d’énergies renouvelables peut être tenu selon vous ?
« Quand on dit ‘la République tchèque et la production d’électricité dans ce pays’ on dit en réalité ČEZ, parce que beaucoup de la capacité de production appartient à ČEZ. ČEZ est une société majoritairement détenue par l’Etat, donc si l’Etat décide de suivre les règles imposées par l’UE et de les imposer à ČEZ, on peut atteindre cet objectif très simplement. Mais cela dépend vraiment de ČEZ et de ses objectifs... »