Enseignement supérieur : quel avenir pour les langues asiatiques et africaines ?
Le chinois, l’arabe ou le mongol… Peu d’universités tchèques proposent une formation en langues asiatiques et africaines. Malgré les quelque 370 000 euros qui leur ont été accordés pour cette nouvelle année académique par le ministère de l’Education, l’existence des départements proposant ce type d’enseignement est fortement menacée par leur sous-financement. Et ce malgré l’intérêt sur le marché du travail, mais aussi par exemple dans les services secrets, pour les jeunes diplômés maîtrisant des langues rares.
Ancien étudiant, Filip Kareta a récemment passé une année en Chine, grâce à une bourse obtenue auprès de l’Institut Confucius de l’Université Palacký d’Olomouc. Selon lui, l’enseignement du chinois a un grand potentiel. Les experts de la langue et de la culture chinoises sont demandés non seulement dans le domaine des affaires, mais aussi dans les milieux diplomatique ou des services secrets. Pour autant, les Tchèques qui parlent le chinois restent peu nombreux. La situation est sensiblement identique pour ce qui concerne d’autres langues comme l’arabe, le vietnamien, le persan, le mongol ou le coréen. Si on relève parfois quelques menus succès, comme l’ouverture la semaine dernière à Olomouc d’un cycle d’études indonésiennes, les départements universitaires proposant ce type de formation sont souvent confrontés à de graves problèmes essentiellement d’ordre financier. C’est ce que confirme Petr Felčer, étudiant en arabe à Prague à la Faculté des lettres de l’Université Charles :
« Nous sommes très peu nombreux. Le cursus d’études arabes est suivi par moins de vingt étudiants, licence et master compris. On ne peut pas augmenter le nombre d’étudiants parce qu’il n’y a pas assez de personnel. Cette situation dure depuis des années en raison du financement insuffisant. Nos spécialistes sont donc débordés de travail et ils ne peuvent pas tout faire. On nous reproche régulièrement de ne pas être assez d’actualité et de ne pas avoir assez d’interdisciplinarité. Mais tout est lié. En fait, je pense qu’il n’existe pas de réelle volonté, que ce soit des politiciens ou dans la société en général, de s’intéresser à ces régions et à ces civilisations-là. C’est regrettable, parce que, aujourd’hui, quand on voit tout ce qui passe dans ces régions, on se doit de suivre l’actualité. Cela est nécessaire plus que jamais, mais au département du Proche-Orient de la faculté, rien n’a changé depuis des années. »A la différence de Filip, pour qui le nombre d’échanges universitaires augmente, Petr se plaint également de la quasi-inexistence de bourses qui permettraient aux étudiants de découvrir la culture et la langue arabes dans leur milieu naturel.
Pourtant, jusqu’en 2013 encore, l’enseignement des langues asiatiques et africaines était partiellement subventionné par le ministère de l’Intérieur. Ces investissements ont néanmoins été interrompus, le ministère affirmant ne pas disposer de suffisamment d’argent. Aujourd’hui, les universités ne sont pas seulement confrontées à une pénurie d’enseignants, mais aussi matérielle avec des bibliothèques désuètes, livres et revues spécialisés coûtant parfois plusieurs centaines d’euros.Pour empêcher la disparition de ces petits départements universitaires, le ministère de l’Education leur consacrera cette année dix millions de couronnes (370 000 euros). Selon la porte-parole du ministère, Jarmila Balážová, cette subvention qui sera répartie entre l’Université Charles à Prague, l’Université Masaryk à Brno et l’Université Palacký à Olomouc, soit les trois principaux établissements dans le pays qui proposent un apprentissage des langues en question, n’aura toutefois pas d’impacts de long terme :
« Il est évident que ces formations ont besoin d’un soutien plus systématique. C’est la raison pour laquelle le ministère de l’Education négocie avec les ministères des Affaires étrangères et de l’Intérieur au sujet d’une éventuelle participation. »Sans une aide plus substantielle de l’Etat, l’avenir des études consacrées aux langues et cultures asiatiques et africaines est donc menacé. Et ce d’autant plus que le budget de l’enseignement supérieur n’augmente pas, ces dernières années, dans les mêmes proportions que celui des autres sphères de l’éducation.