Erasmus+ : des stages en Tchéquie pour des chômeurs étangers et un système à perfectionner

Foto: Evropská komise

Depuis quelques années déjà, le programme Erasmus ne s’adresse plus qu’aux seuls étudiants. Rebaptisé Eramus+, il permet désormais aussi à des chômeurs de profiter d’une bourse pour partir en stage à l’étranger, pour une durée de un à six mois. Une expérience qui peut s’avérer déterminante pour des jeunes sans-emploi à la recherche d’une première expérience, mais qui reste encore à améliorer sur quelques points. Radio Prague vous explique pourquoi.

Photo: Commission européenne
Léa a 25 ans. Originaire de Bordeaux, elle a récemment fini son stage d’Erasmus+ dans la capitale tchèque. Elle a travaillé pour deux musées de la ville de Prague, en médiation culturelle, son domaine d’expertise. Nous lui avons demandé de nous raconter son expérience. Premier problème : si l’on sait qu’Erasmus s’adresse aux étudiants, les possibilités offertes pour les chômeurs par ce programme sont beaucoup moins connues, par les institutions compétentes elles-mêmes.

« J’ai entendu parler d’Erasmus+ lors d’un entretien Pôle Emploi, raconte-t-elle. J’ai demandé à ma conseillère s’il y avait des programmes pour partir à l’étranger. Elle m’a conseillé de partir avec le programme Erasmus+. Elle n’avait pas l’air très au courant. »

Léa va ensuite être invitée à une réunion d’information ouverte à tous, puis passer un entretien avec Pôle Emploi qui va la sélectionner pour partir à l’étranger et lui accorder une bourse Erasmus+. Intégrée au programme, elle se voit financer une formation en anglais, son loyer est payé chaque mois comme son billet d’avion aller-retour, et Pôle Emploi continue de lui verser son chômage.

Second problème : il semble y avoir une sur ce point certaine inégalité de traitement, en fonction du Pôle Emploi auquel vous êtes rattaché. Ainsi, si à Bordeaux Léa a vu être pris en charge son vol aller-retour et a même pu demander très simplement à ce qu’un bagage en soute lui soit rajouté, à Lille, Justine nous raconte qu’elle s’est vue accorder cent euros et pas un centime de plus pour se charger elle-même de trouver un vol aller-retour qui rentre dans ce budget pour le moins serré.

Ensuite, le dossier de Léa va être transféré à deux agences, une en France et une en République tchèque, le pays de destination qu’elle a choisi après que son agence française lui a proposé – on lui a également proposé Malte. C’est cette seconde agence, l’ONG Eppas, qui est en charge de l’accueil sur place des stagiaires, mais aussi de leur trouver un stage. L’agence contacte des entreprises sur place et leur présente les profils de leurs candidats.

Un service entièrement gratuit, assuré par cette ONG rémunérée par des partenariats, avec des écoles notamment. Nous avons appelé Eppas pour y voir plus clair.

« Les institutions à l’étranger nous envoient les profils des gens qui participent au programme. Nous, on s’occupe de tout. Ils n’ont pas à débourser un centime. En regardant leurs CV, on s’arrange pour trouver un stage qui leur convienne. S’ils veulent travailler dans l’événementiel, on se charge de trouver une compagnie d’événementiel. Il n’y a pas de règles strictes : les entreprises comme les stagiaires doivent être satisfaits, c’est tout. »

Une satisfaction toute relative si on en croit Léa, qui nuance quelque peu le discours de l’ONG.

« Les contrats ne sont pas toujours très proches de nos projets professionnels. Mon expérience était très intéressante mais aussi étonnante : je voulais obtenir de nouvelles compétences professionnelles, et mes stages ont été très légers, comme ceux de beaucoup de gens qui sont partis avec moi. On nous a donné très peu de responsabilités, on nous a laissé en autonomie, très libre. Je n’ai pas l’impression d’avoir appris grand-chose… »

Troisième problème, donc. Léa nous raconte même que plusieurs de ses camarades d’Erasmus+ ont progressivement délaissé leurs stages jusqu’à ne plus se rendre au travail, mettant tous en cause ce manque de responsabilités ou l’inadéquation de leur stage avec leur formation.

Pourtant Eppas assure être à l’entière disposition de la cinquantaine de stagiaires Erasmus+ en poste en République tchèque.

« Nous sommes chargés de suivre les stagiaires. En ce moment, nous en avons cinquante ici, donc parfois nous ne vérifions pas tout. Mais ils peuvent se plaindre auprès de nous. Ils peuvent aussi arrêter le stage si cela ne leur convient pas, et ce sans aucune pénalité. Ils ont signé un accord, mais il cherche juste à montrer à l’Union Européenne que les stagiaires travaillent quelque part, qu’ils ne sont pas juste venus passer des vacances ici. »

Voilà, l’Union Européenne n’est pas là pour payer des vacances à l’étranger, Pôle Emploi et Eppas l’ont répété à de nombreuses reprises à Léa. On lui a donc posé la question.

« Ce ne sont pas vraiment des vacances, mais en même temps ce n’était pas non plus un stage comme j’aurais pu le faire en France. Si je souhaitais travailler je travaillais, sinon je ne travaillais pas. Il n’y a pas de suivi de la part des entreprises, même à mi-parcours, même pour un stage de six mois, comme les miens… C’est un système qui ne fonctionne pas totalement, à mon avis, dans le sens où nous sommes tous un peu déçus de notre stage, nous nous sommes sentis abandonnés, peu valorisés, inutiles. Peut-être faudrait-il davantage de contrôle, des entretiens plus réguliers avec les stagiaires. »

Le bilan est un peu amer pour Léa, donc. Il faut dire que le fait qu’Eppas s’occupe de tout en République tchèque, y compris de la sélection des stagiaires, n’incite pas forcément l’entreprise d’accueil à s’impliquer dans le recrutement. Beaucoup de stagiaires n’auront aucun entretien préalable avec l’entreprise pour s’assurer de la compatibilité des tâches proposées avec le profil du stagiaire potentiel, par exemple.

La conséquence, est que les stagiaires rencontrés semblent partager une certaine déception à la fin de leur stage et désertent leurs postes, sans que cela ne pose un grand problème à leurs employeurs qui de toute façon n’ont pas de salaire à leur verser.

Ceci dit, ces expériences à l’étranger, d’une durée de un à six mois, sont très valorisantes sur un CV. Si aucun des stagiaires que nous avons contactés n’aura pu poursuivre son stage en contrat régulier, tous peuvent faire valoir cette expérience lors d’un futur entretien d’embauche. Caroline, elle, a même décidé de revenir travailler à Prague après son stage insatisfaisant dans une école de théâtre.

« Vers la fin de mon stage, j’ai commencé à chercher un boulot en parallèle, et j’ai trouvé un job de guide chez Good Prague Tours. Ils ont été les premiers à me répondre. Mais ça n’a rien à voir avec Erasmus+, je me suis débrouillée toute seule. »

D’autres stagiaires que nous avons contactés ont également trouvé des contrats dans des entreprises en France. Bien qu’officieusement peu formatrice, cette forme de stage à l’étranger peut quand même servir à élargir des horizons.