Erik Truffaz : « Avec la trompette, je peux le mieux traduire mes émotions »
Rencontre avec Erik Truffaz. Né en Suisse, ce trompettiste français est un des grands noms du jazz actuel. Nous avons déjà eu l’occasion de l’interviewer sur Radio Prague car Erik Truffaz est un habitué des scènes pragoises. Invité récemment par Radio Wave à l’occasion d’un de ses concerts, il a commencé par revenir sur les musiques qui l’ont accompagné dans sa jeunesse.
Votre père jouait du saxophone. Pourquoi avoir choisi la trompette et non pas le saxophone ?
« Je n’ai pas choisi la trompette, c’est mon père qui a choisi pour moi de façon à ce que je puisse jouer dans son groupe. »
Quels étaient vos débuts ? La trompette vous a-t-elle séduit immédiatement ?
« Quand j’étais enfant, autour de l’âge de 6 ans, j’aimais beaucoup jouer de la trompette. A 14 ans, j’avais très envie de faire de la guitare électrique. Puis j’ai découvert la musique de Miles Davis, la musique électrique. Je me suis aperçu qu’on pouvait jouer de la trompette dans un univers électrique, donc ça m’a plu et j’ai continué. »
Vous êtes considéré comme le plus grand trompettiste de jazz européen. Est-ce que vous avez déjà envisagé de jouer sur d’autres instruments, ou le faites-vous à côté ?
« A 16 ans, j’ai appris le piano et je suis devenu professeur de piano. Pour composer j’utilise le piano. Mais la trompette est l’instrument qui est le proche de ma voix, c’est avec cet instrument que je peux le mieux traduire mes émotions. »
Est-il possible de décrire à quelqu’un qui n’a jamais joué à la trompette ce qui vous plaît le plus dans cet instrument ?
« Ce qui me plaît le plus, c’est de pouvoir faire vibrer un bout de métal, et de faire passer ce qu’il y a dans mon cœur, à travers un instrument. Ce qui me plaît, c’est que je peux obtenir des sons très doux et très violents. »
Dans une interview, vous avez dit beaucoup apprécié l’écrivain d’origine tchèque Milan Kundera. Qu’aimez-vous chez lui ?
« J’aime beaucoup la relation a avec le temps. Il a écrit La lenteur qui m’a inspiré pour un titre : The Walk of the Giant Turtle. Il développer une théorie selon laquelle rien ne sert de courir, car on n’arrive rien à faire de bien en courant. Il vaut donc mieux aller lentement et faire les choses correctement. J’aime aussi beaucoup la façon dont il mélange dans ce livre les personnages venant du passé, du Moyen Age, qui se retrouvent dans un hôtel contemporain : un chevalier passe une nuit avec une princesse et se réveille dans un hôtel Hilton. Et a contrario, celui qui s’est endormi au Hilton se retrouve au Moyen Age. J’aime beaucoup cela, car il arrive à prouver qu’au fil du temps que l’être humain reste le même, avec ses forces et ses faiblesses. Je trouve juste dommage qu’il ne traduise pas ses livres en tchèque puisqu’il les écrit en français. »
Parmi les autres personnalités tchèques que vous dites admirer, il y a le compositeur Leoš Janáček…« La musique de Janáček est mystérieuse. C’est une musique savante mais abordable. Et j’aime surtout les quatuors. Et c’est comme dans Milan Kundera, je pense que l’est de l’Europe est poétique et tourmenté à la fois. »