Euro 2012 : Čech et Šmicer (très) raisonnablement optimistes
Jamais depuis la partition de la Tchécoslovaquie, la République tchèque n’a manqué une phase finale d’un championnat d’Europe de football. Finalistes et demi-finalistes malheureux en 1996 et 2004, les Tchèques ont aussi été éliminés dès le premier tour en 2000 et 2008. Placée dans un groupe a priori dans ses cordes mais sans en être favori, la Reprezentace, qui n’a plus le talent de ses devancières, aborde son cinquième Euro consécutif sans se prendre la tête et avec l’ambition d’abord de se qualifier pour les quarts de finale. Comme l’ont confié en français à Radio Prague le gardien Petr Čech et le manager Vladimír Šmicer, s’ils restent humbles devant la tâche qui les attend, conscients de leur potentiel, les Tchèques, sans complexes, n’en rêvent pas moins d’un exploit…
« Tout le monde sait dans quelle forme étincelante a joué Tomáš Rosický ces derniers mois. Bien sûr, c’est un élément indispensable dans notre équipe. Il est irremplaçable. Son intelligence de jeu, ses passes dans les derniers mètres, tout cela nous a beaucoup manqué aujourd’hui. Il ne nous reste plus à espérer que Tomáš sera bien remis pour le match contre la Russie et qu’il pourra nous aider. »
Ce lundi, Tomáš Rosický, qui a repris contact avec le ballon la semaine dernière et augmenté depuis progressivement les charges de travail, a participé normalement à l’entraînement avec le reste du groupe, confirmant ainsi qu’il devrait être bien présent sur le terrain vendredi au moment du coup d’envoi du match contre la Russie.A la différence de nombre d’autres sélections, la République tchèque peut donc compter sur un groupe de joueurs au complet pour débuter l’Euro, le forfait d’aucun cadre n’étant à déplorer. Et malgré la défaite contre la Hongrie, conséquence également de grossières erreurs défensives sur les deux buts encaissés, les Tchèques ont rejoint la Pologne certes conscients des limites qui sont les leurs depuis plusieurs saisons déjà, mais aussi confiants en leurs moyens du moment. Avec l’étiquette d’équipe dont personne n’attend monts et merveilles, pas même au pays, la République tchèque n’aura pas grand-chose à perdre et ne pourra que surprendre, comme en 1996 où la génération montante et encore inconnue des Nedvěd et Poborský avait atteint la finale de l’Euro.
Des finales, Petr Čech en a déjà disputées deux cette saison avec Chelsea, dont tout récemment celle à l’issue très heureuse de la Ligue des champions. Grand artisan de la victoire du club londonien contre le Bayern Munich aux tirs au but, l’ancien gardien du Stade rennais espère bien désormais revivre ces fortes émotions avec l’équipe nationale, comme il l’a confié en français au micro de Radio Prague :« Evidemment, c’étaient des moments magnifiques : gagner la Ligue des champions est quelque chose d’extraordinaire. J’ai donc rejoint la sélection dans un très bon état d’esprit et j’espère qu’on va continuer de la même manière à l’Euro et avoir du succès. »
N’a-t-il pas été difficile de vous replonger dans le football après les quelques jours de folie qui ont suivi la victoire de Chelsea en finale ?
« Non ! La motivation vient d’elle-même pour un championnat d’Europe. Je ne l’ai jamais gagné, et je sais que ce sera difficile pour nous de le faire, mais on va tout mettre en œuvre pour progresser petit à petit dans le tournoi. Je pense que c’est un événement qui est vraiment spécial pour tout footballeur. Jouer une telle compétition avec son équipe nationale est toujours un grand plaisir. »
On ne parle pas beaucoup de la République tchèque, qui a connu des difficultés pour se qualifier pour l’Euro. Même si ça va peut-être un peu mieux depuis quelques mois, est-ce un avantage que personne ou presque ne vous voie aller loin dans le tournoi ?« C’est vrai, on ne compte pas parmi les favoris. Mais cela doit nous permettre de nous préparer tranquillement pour le tournoi et de nous concentrer sur nous-mêmes. Oui, ça peut être un avantage : personne n’attend la République tchèque et nous pouvons donc surprendre tout le monde. »
Que pensez-vous de la composition de votre groupe ? Vous allez affronter successivement la Russie, la Grèce puis la Pologne chez elle : quel regard portez-vous sur vos adversaires ?
« Je pense que c’est un groupe très équilibré avec quatre équipes qui se valent et qui ont les mêmes chances de se qualifier pour les quarts de finale, même si la Russie peut sembler un peu au-dessus et être présentée comme le favori. Je suis persuadé que les matchs et la qualification vont se jouer sur des détails et j’espère que nous saurons faire le nécessaire pour nous qualifier tout simplement. »Avant le tirage au sort de la composition des groupes en décembre dernier, la République tchèque figurait dans le chapeau 4 des équipes supposées les plus faibles et pouvait donc craindre le pire, comme se retrouver dans le groupe B en compagnie de l’Allemagne, des Pays-Bas et du Portugal ou du C avec l’Espagne et l’Italie. En tombant finalement dans le groupe A, très « Europe de l’Est » et assurément le moins « sexy » des quatre groupes, les Tchèques sont bien conscients d’avoir été épargnés. S’ils s’en félicitent, ils ne sont toutefois pas dupes : leurs trois adversaires sont, eux aussi, satisfaits d’avoir hérité de la République tchèque dans un groupe qui, sur le papier, peut être considéré comme le moins relevé de la compétition. Manager de la Reprezentace, l’ancien Lensois et Bordelais Vladimír Šmicer se veut d’ailleurs prudent lorsqu’il s’agit d’évoquer les ambitions tchèques, comme lui aussi nous l’a confié dans un français qu’il n’a pas oublié :
« Je suis optimiste, parce que je pense que c’est jouable. Mais tous les pays sont optimistes ! Tout le monde pense qu’il va sortir de ce groupe. Ce que je trouve intéressant, c’est que c’est un groupe très ouvert. Nous concernant, nous sommes très contents d’y figurer, car il faut reconnaître qu’il y a d’autres groupes autrement plus difficiles que le nôtre. Je ne peux pas dire que nous sommes favoris. Je pense que c’est plutôt la Russie. Elles est très forte, comme le prouvent ses derniers résultats. La Pologne, elle, joue à domicile, ce n’est jamais facile. On l’affrontera pour notre troisième match, et la qualification pourrait être en jeu entre nos deux équipes… Ca peut donc être très compliqué pour nous. Et puis il y a la Grèce… La Grèce, on n’a jamais gagné contre elle ! (Rires) Alors, bon… Parfois, c’est facile sur le papier, mais c’est autre chose sur le terrain. Il faudra faire mentir les statistiques. On verra, mais je suis quand même content d’être dans ce groupe. Surtout, je suis content de jouer nos trois matchs à Wroclaw, qui est juste à côté de la Tchéquie. »Donc optimiste, mais raisonnablement…
« Exactement ! Je suis optimiste, mais je ne pense pas pour autant que nous soyons favoris de notre groupe. »
La fin de la phase éliminatoire, en poule puis durant le barrage qualificatif contre le Monténégro, et les matchs amicaux qui ont suivi, ont montré que la République tchèque, même sans être transcendante, avait progressé dans le jeu et gagné en maîtrise cette saison. Petr Čech explique cette progression :« Je pense que l’équipe nationale profite de la participation cette saison d’une équipe tchèque à la Ligue des champions. Le Viktoria Plzeň a affronté Barcelone et le Milan AC. Ces confrontations ont permis aux joueurs de progresser en leur donnant beaucoup de confiance et d’expérience. Et ces joueurs ne sont plus surpris par tout ce qui passe autour de l’équipe nationale lorsqu’ils sont appelés par le sélectionneur. Maintenant, ils savent que quand ils jouent contre une équipe comme Barcelone ou la Russie, ils ne doivent plus avoir peur. Je pense que c’est le principal changement. L’autre chose est que nous avons joué des matchs difficiles et passé ensemble des moments difficiles. L’état d’esprit est désormais bien meilleur. On peut jouer le tournoi sans pression. On en a eue beaucoup pendant les éliminatoires, parce qu’il nous fallait nous qualifier. On l’a fait et maintenant on se sent soulagés. »
Il y a vous, Tomáš Rosický, Milan Baroš et Jaroslav Plašil qui êtes plus connus. Le reste des joueurs l’est nettement moins. Outre le bon état d’esprit du groupe, est-ce que cela peut aussi être un avantage pour vous ?« Je pense qu’on a une bonne balance dans l’équipe. Il y a ces joueurs qui vont participer à leur premier championnat d’Europe et qui auront beaucoup d’envie. Ils auront l’ambition de progresser et de faire bonne figure. Mais on dispose aussi d’expérience avec les joueurs que vous avez cités. Alors, oui, cet équilibre pourrait nous aider dans les matchs difficiles. »
Si le sélectionneur Michal Bílek s’en tient à ce qui semble devoir être son équipe-type, pas moins de cinq joueurs qui évoluaient dans un club tchèque en début de saison, dont quatre à Plzeň, devraient figurer dans le onze de départ contre la Russie. Une composition d’équipe qui n’est pas sans rappeler celle de l’Euro 1996, quand les Nedvěd, Poborský, Šmicer et autres Bejbl ou Suchopárek portaient eux aussi encore les maillots des Sparta et Slavia Prague dans le championnat tchèque. Mais là sans doute s’arrête le parallèle avec la génération 1996 : car même avec un Petr Čech et un Tomáš Rosický rayonnants au printemps et au meilleur de leur forme, il reste bien difficile de croire, à quelques jours de l’entame de l’Euro, que la Reprezentace actuelle a le potentiel pour réaliser une « épopée » semblable à celle de sa glorieuse devancière.